Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous achevons l'examen était un texte très attendu, cela a été souligné, et nous avons tous déploré qu'il soit inscrit à l'ordre de jour si tardivement dans la session, qui plus est avec déclaration d'urgence.
En effet, en ne lui permettant pas d'utiliser la navette, l'urgence a privé le Parlement des réflexions et des améliorations qui naissent généralement des lectures successives dans chaque assemblée des dispositions posant problème. Cette réforme méritait certainement mieux.
La CMP, je dois le dire, a été difficile, et plusieurs mesures importantes ont été adoptées ou rejetées après vote sans avoir pu être examinées sous tous leurs aspects, ce qui n'aurait certainement pas été le cas si la navette avait pu se dérouler normalement. Et je ne peux que déplorer les propos d'un membre de la CMP déclarant que ce serait au Gouvernement d'assumer devant les juges des tutelles les difficultés d'application susceptibles de découler du projet de loi. Je n'en dirai pas davantage.
De même, et bien que membre de la commission des lois, j'ai parfois eu le sentiment que l'affrontement des deux logiques dont se prévalait chacune des deux commissions, la commission des lois et la commission des affaires sociales, tournait trop souvent en faveur du juridique dans « toute sa sécheresse », pour reprendre une expression qui a été utilisée au cours des débats. Certains des arguments de la commission des affaires sociales auraient certainement mérité plus d'attention et les deux approches, qui ont chacune sa propre légitimité, auraient peut-être plus souvent pu s'enrichir mutuellement plutôt que s'opposer, comme cela s'est parfois produit.
Je souhaiterais également faire part de quelques regrets.
Concernant l'article 6 et la possibilité de recourir au contrat de fiducie, je considère comme le rapporteur que, lorsque les membres de la famille d'une personne protégée ne souhaitent pas exercer une charge tutélaire ou curatélaire en raison des difficultés de gestion du patrimoine concerné, cet outil aurait pu leur offrir la possibilité de confier cette mission à une personne bénéficiant d'une compétence spécifique dans ce domaine et aurait pu être mis en oeuvre dans l'intérêt même de la personne protégée.
De même, je regrette la suppression de la disposition autorisant une action en récupération sur la succession du majeur protégé lorsque le financement de la mesure de protection a été assuré par la collectivité publique. En quoi les finances publiques devraient-elles prendre systématiquement en charge le coût de mesures intéressant une personne si celle-ci a les moyens de les assumer ?
Enfin, je remarque qu'il aurait peut-être mieux valu supprimer les articles 23 septies, 23 octies, 23 nonies et 23 decies, qui sont de magnifiques cavaliers et qui, en raison de leur absence totale, me semble-t-il, de lien avec la réforme de la protection juridique des majeurs, ne manqueront pas de nous valoir une nouvelle fois les foudres du Conseil constitutionnel - si toutefois, bien entendu, il est saisi.
Cependant, comme je l'ai indiqué la semaine dernière lors de mon intervention au cours de la discussion générale, nous ne pouvons qu'approuver les grands axes de ce projet de loi. En recadrant la mise en oeuvre de la protection juridique sur les personnes qui en ont réellement besoin, en plaçant la personne protégée au centre du régime de protection et en réorganisant les conditions d'activité des tuteurs et curateurs, il répond évidemment aux attentes des familles.
Plus particulièrement, la mise en place d'un régime d'accompagnement spécifique aux personnes ayant besoin d'un accompagnement social personnalisé différent de celui que nécessitent les personnes dont les facultés mentales sont altérées est, je crois, une bonne mesure. La possibilité de mettre en oeuvre un dispositif d'accompagnement dans la gestion budgétaire des personnes en détresse sociale ou qui ont un comportement de gabegie sans que cette décision entraîne pour autant leur incapacité juridique est une réelle avancée.
De même, l'instauration du « mandat de protection future » permettra, notamment, aux parents ayant à charge un enfant handicapé d'organiser sa protection juridique à l'avance, pour le jour où ils ne seront plus en mesure de s'occuper de lui. C'était là aussi une mesure très attendue qui soulagera les parents en leur permettant de prévoir la protection de leur enfant, de l'anticiper, et de désigner la ou les personnes de confiance chargées de l'assumer.
Enfin, je me réjouis que la commission mixte paritaire soit revenue sur la décision du Sénat et ait réintroduit la possibilité pour les tuteurs familiaux de bénéficier d'une information et d'un conseil pour exercer leur charge de protection juridique. Je souhaite que le décret nécessaire à la mise en oeuvre de cette disposition puisse paraître rapidement.
Pour conclure, et après avoir salué l'initiative du président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, qui a permis de rétablir le droit de vote des majeurs sous tutelle en faisant de la privation de ce droit civique essentiel non plus une généralité mais une exception examinée au cas par cas, je vous confirme que le groupe de l'UC-UDF votera ce projet de loi particulièrement important.