...et voilà le dernier qui est discuté au Parlement ; j'étais ce matin à l'Assemblée nationale et je termine ce soir, devant la Haute Assemblée.
Le travail du ministre de la justice, qui est aussi le ministre de la loi, c'est de travailler avec les deux chambres de notre pays et, s'il est vrai que les textes adoptés sont nombreux et que certains s'en étonnent, il faut reconnaître qu'ils sont le fruit de la demande des Français. Je ne me souviens pas que nous ayons élaboré un projet qui n'ait pas été réclamé par nos concitoyens.
Prenons, par exemple, les textes que nous venons d'adopter sur l'équilibre de la procédure pénale ou la responsabilité des magistrats. Quel reproche leur est formulé ? C'est de ne pas aller assez loin dans la réforme. C'est dire si les Français ne sont pas lassés des réformes législatives ; ils en demandent. La question est de savoir lesquelles.
Pour ma part, j'ai considéré qu'il fallait répondre aux questions précises des accusés d'Outreau, et ne pas en profiter pour réaliser une réforme structurelle au sujet de laquelle même les voix les plus autorisées ne sont pas d'accord entre elles. Comme je le faisais remarquer - il est important d'y revenir -, le procureur général près la Cour de cassation, le premier parquetier français, et le premier président de la Cour de cassation, le premier juge français, n'ont pas la même vision de la réforme structurelle de la justice. Donc, à ceux qui disent : « Allons-y », j'ai envie de demander : « Où ?». Je n'obtiens jamais de réponse...
J'ai repris, avec les parlementaires qui m'ont accompagné dans ma réflexion, vingt et une propositions législatives sur trente-deux. Donc, une partie importante des propositions des députés ont été retenues, corrigées et enrichies par vous-mêmes.
Je voudrais terminer cette brève intervention en disant que les lois, celles que le Sénat et l'Assemblée nationale ont votées, ont certes pour vocation d'augmenter dans certains cas la répression, de l'adapter ou de la rendre plus proportionnelle.
Cela dit, l'action que j'ai voulu mener s'est traduite hier par une cérémonie qui m'a ému. Nous avons réuni une partie des 900 parrains français qui ont accepté de prendre en charge des jeunes sous main de justice, des mineurs qui avaient « raté une marche » de la vie, et nous avons pu constater, d'après les témoignages recueillis à la Chancellerie, qu'une proportion importante - peut-être pas quantitativement, mais qualitativement - de Français sont heureux de participer à l'oeuvre de justice dans sa fonction de réinsertion.
En effet, si la justice a une fonction de répression, chacun le sait, on oublie souvent son rôle de réinsertion. Je citerai, à cet égard, la protection judiciaire de la jeunesse et le SPIP, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, qui sont deux organismes essentiels du ministère de la justice et qui prouvent combien le volet social est aussi important que le volet répressif.
Grâce à cet équilibre, nous avons la chance d'avoir un ministère de la justice que nous devrions préserver. Certains souhaitent, par exemple, que le CSM puisse être saisi directement. Ont-ils réfléchi au fait que cette réforme aurait une énorme conséquence ? En effet, il faudrait donner au CSM les moyens d'instruire une affaire, c'est-à-dire que, au minimum, la direction des services judiciaires ou l'inspection des services judiciaire soit sous son autorité. Et je pose la question : que fera, dans ces conditions, le garde des sceaux s'il a lui-même un procureur général de la nation chargé de définir la politique pénale ?
Si je reprends certaines propositions faites au cours de la campagne électorale, si j'écoute les uns ou les autres, je suis le dernier garde des sceaux ! En guise de testament devant le Sénat, je voudrais donc demander à ceux qui appellent de leurs voeux de prochaines réformes de bien réfléchir avant de les faire. Nous avons la chance d'avoir un ministère qui bénéficie d'une longue tradition, la plus ancienne de France : le chancelier, puis le garde des sceaux et le ministre de la justice. Alors, avant de le réduire à la portion congrue, que le Parlement et la représentation nationale y réfléchissent !
Telles sont les observations que je souhaitais formuler pour conclure l'examen de ces textes sur lesquels j'ai eu l'honneur et la joie de travailler avec vous. Je vous remercie du fond du coeur tout en étant certain que le Sénat saura modérer l'ardeur des réformateurs qui, quelquefois, ont tendance à aller plus vite dans leurs propos que dans leurs pensées !