Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les changements annoncés cette année dans le domaine sportif sont considérables ; le président du Comité national olympique et sportif français, le CNOSF a parlé de « révolution ». C’est l’organisation même de la politique du sport et le rôle de ses acteurs respectifs qui vont être profondément redéfinis à la suite de la consultation menée depuis janvier 2018 sur la rénovation du modèle sportif français. Différentes réflexions ont, par ailleurs, été conduites ces derniers mois. Je pense notamment au groupe de travail de Claude Onesta « Performance 2024 ».
La création de la future agence nationale du sport, qui sera effective au 1er mars 2019, suscite aujourd’hui des espoirs, mais également des craintes, certains experts mettant en évidence le risque de privatisation de la politique en faveur du sport et le fait que l’État pourrait renoncer à exercer pleinement une mission essentielle qui lui incombe. Sans reprendre nécessairement cette analyse à notre compte, nous considérons que les incertitudes qui demeurent écornent, à ce stade, le droit d’information du Parlement.
Ces inquiétudes concernent également l’annonce du Gouvernement selon laquelle l’État ne souhaite plus rémunérer directement quelque 1 600 CTS. Même si cette évolution n’est pas prévue dans le présent projet de loi de finances, la réaction a été vive dans le mouvement sportif, comme en témoigne la lettre ouverte aux élus, signée par près de 400 sportifs de haut niveau. La mobilisation a été d’autant plus forte que la réduction drastique des contrats aidés et la suppression en région de nombreux emplois associatifs ont aussi fragilisé et vont encore plus fragiliser dans l’avenir le maillage territorial des clubs.
L’absence de moyens nouveaux suffisants pour préparer les sportifs de haut niveau pour 2024 a créé un doute sur les ambitions du Gouvernement. Même Tony Estanguet, président du COJOP, le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques, a fait part de ses préoccupations, rejoignant celles du mouvement sportif.
Patrick Kanner et moi-même avions proposé l’année dernière au Gouvernement de mettre en chantier rapidement une loi de programmation budgétaire sur la période 2019-2024 pour préparer les jeux Olympiques et Paralympiques, ainsi que la Coupe du monde de rugby 2023. Faute de pouvoir disposer de cet outil qui sanctuariserait les moyens nécessaires à l’organisation de ces grands événements, le risque est réel que la baisse des crédits du programme 219, à la suite d’ajustements, ne soit perçue comme un transfert de crédits vers le programme 350, ce qui pourrait nuire à ce grand événement populaire que doivent être les jeux Olympiques et Paralympiques.
En matière d’équipements, la nécessaire rénovation du Stade de France, futur stade olympique en 2024, avait été évaluée dans un premier temps à 50 millions d’euros dans le protocole financier des Jeux Olympiques de Paris 2024, voire à 70 millions d’euros, comme pour la rénovation du Parc des Princes. Aujourd’hui, le ministre Gérald Darmanin parle de 400 millions d’euros, tandis que le consortium qui exploite le Stade de France estime le coût à 450 millions d’euros. Où allons-nous ?
Par ailleurs, nous formulons le souhait de voir une structure exploitante tripartite mise en place qui comprendrait la Fédération française de football, la FFF, la Fédération française du rugby, la FFR, qui a abandonné son projet de grand stade, ainsi que le consortium Vinci-Bouygues, qui a déjà l’expérience en termes de gestion.
Pour autant, nous avons bien conscience de la nécessité d’actualiser, de moderniser le modèle sportif français en intégrant le phénomène de mondialisation, l’hyper-médiatisation, la diplomatie sportive.
Il est urgent d’avancer afin de répondre à l’explosion du sport-business dans certaines disciplines, à la montée en puissance des collectivités territoriales, à la nécessité de densifier le sport-entreprise en associant le monde économique, à l’autonomie attendue du mouvement sportif.
Il s’agit aussi de répondre aux opportunités offertes par les évolutions technologiques – recherche, innovation, développement –, qui ont des effets tant sur l’activité physique du quotidien que sur le sport de haut niveau. Il nous faut répondre à la demande exponentielle de sport-plaisir, car le sport ne sert pas qu’à faire des champions !
La mise en œuvre d’une stratégie ambitieuse en matière de sport-santé demeure un enjeu majeur de santé publique et, à mes yeux, la porte d’entrée la plus pertinente pour accroître le nombre de pratiquants. Or une telle orientation ne se dégage pas clairement du budget.
Plus généralement, le sport doit contribuer à l’activité économique, à l’emploi, à une société plus inclusive, ce qui implique de moderniser la mission de service public déléguée par l’État. Dans le nouveau schéma d’organisation, il est prévu que les services du ministère recentrent leur action sur les missions de stratégie, de régulation, de réglementation et de contrôle, notamment éthique. Il doit en effet rester le garant de cette dimension morale. Je pense à la lutte anti-dopage, à la lutte contre toute forme de corruption sportive. Comme cela a été dit tout à l’heure, nous attendons avec impatience la localisation du laboratoire qui succèdera à celui de Châtenay-Malabry.
La réussite de la mutation en cours se mesurera en particulier à l’aune des résultats des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Nous devons être à la hauteur de l’enjeu tant pour l’organisation que pour le nombre de médailles. Nous avons une double obligation de résultat. J’observe que le Gouvernement a souhaité commencer par réformer l’organisation du sport français. Je souhaite qu’il s’attelle demain aux moyens, afin de ne pas faire l’impasse sur les jeux Olympiques d’été de 2020 et les jeux Olympiques d’hiver de 2022, sans oublier les autres rendez-vous internationaux avant 2024.
Le 13 septembre 2017, la France obtenait l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, soulevant un grand enthousiasme dans le pays. La préparation de ces jeux nécessite de construire d’ici à 2024 un « héritage olympique », qui fait aujourd’hui consensus.
Vous avez confirmé, madame la ministre, les ambitions de votre prédécesseur – quatre-vingts médailles pour la France et un accroissement de trois millions du nombre de pratiquants.
Pour atteindre ces objectifs, des moyens financiers et humains doivent être à la hauteur des enjeux. Or, depuis le 13 septembre 2017, après un budget des sports pour 2018 en baisse, le Gouvernement nous propose de nouveau un budget en diminution.
Par ailleurs, nous comprenons difficilement pourquoi les 481 millions d’euros des crédits du budget pour 2018 n’ont pas été intégralement consommés. En effet, dans la réalité, 40 millions d’euros sont restés dans les caisses de l’État. Le projet de loi de finances rectificative pour 2018 aurait pu être mis à profit pour les réorienter au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », tant les besoins sont criants.
Concernant le programme « Jeunesse et vie associative » de la mission, il nous paraît regrettable qu’aucune initiative ne soit prise, afin d’introduire un soutien direct aux emplois associatifs au regard de leur utilité sociale, ce qui met en péril de nombreuses associations, notamment dans le domaine du sport et de la culture, et entraîne de graves répercussions en matière de cohésion sociale et de réponse à des besoins non couverts par les pouvoirs publics.
Plusieurs pistes sont envisageables : créer un fonds qui s’inspirerait du FONJEP et qui permettrait de financer du personnel associatif auprès des associations ; créer une ligne budgétaire spécifique au sein du fonds d’inclusion dans l’emploi, permettant le financement de 38 000 emplois utiles socialement, afin de soutenir la professionnalisation des projets associatifs, tout particulièrement dans les petites et moyennes associations.
Je vous rappelle que la fragilisation du monde associatif avec la réforme des contrats aidés est accentuée par l’effet négatif des dispositions fiscales mises en œuvre par la loi de finances pour 2018. Pourtant, qu’il s’agisse de la mise en place du service national universel, de la lutte contre la pauvreté, ou encore du développement du sport pour tous, pour ne prendre que ces trois exemples, les associations sont censées être au cœur du dispositif gouvernemental.
Il est donc urgent que le Gouvernement donne un signal positif en direction des associations et les soutienne dans le financement des missions d’intérêt général qu’elles remplissent.