Quant à l'article 10, il résulte de l'obstination fondée et légitime de notre collègue Claude Domeizel, qui a présenté cet amendement pas moins de trois fois !
À partir de ce texte, quand les 130 000 agents de la fonction publique d'État qui travaillent désormais dans la fonction publique territoriale prendront leur retraite, il appartiendra à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, de verser leur pension ainsi que celle des fonctionnaires hospitaliers, et ce alors que ces agents n'y auront que très partiellement cotisé. L'amendement Domeizel garantit la compensation à l'euro près par l'État à la CNRACL de la part des pensions qui relève de sa responsabilité d'ancien employeur.
Ces avancées ont été acquises de haute lutte grâce à la détermination de notre groupe, notamment. Comme quoi, en politique, il ne faut jamais désespérer, puisque nous aurons fini par convaincre l'actuelle majorité - pas toujours tous ses membres ! - de la pertinence de thèses que nous avons souvent défendues.
Malgré ces points positifs, il ne faut pas croire que tout est fait et que ce texte apportera des solutions miracles du jour au lendemain. Comme est venu tristement nous le rappeler le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre, l'état du mal-logement dans notre pays est tel que la résorption de la crise du logement suppose une action résolue s'inscrivant dans la durée. Au contraire même, j'incline plutôt à penser que tout reste désormais à faire pour rendre opposable le droit au logement dans des échéances extrêmement resserrées.
Certes, je ne nie pas l'effet d'entraînement de ce projet de loi, qui doit mettre sous pression tous les acteurs du logement. Toutefois, il nous faudra, dès demain, donner corps à ce droit au logement opposable afin qu'il ne reste pas lettre morte. À défaut, nous nous exposerions à susciter un immense sentiment de déception au sein de la population.
Le groupe socialiste n'a jamais défendu l'idée du droit opposable au logement pour sa beauté intellectuelle, pour sa perfection juridique ou pour le plaisir de créer un droit nouveau. Ce qui nous importe avant tout, c'est que le droit au logement dans notre pays devienne effectif, et ce le plus rapidement possible.
Une telle démarche suppose que nous répondions à la demande de logements accessibles à tous nos concitoyens. Or cette offre fait encore largement défaut dans notre pays. C'est là que l'on touche aux limites de cet exercice avec ce projet de loi examiné - je n'ose dire « expédié » - en un temps record, à la faveur d'un mouvement d'opinion né de la mobilisation du milieu associatif.
Quelle que soit l'issue du vote, quel que soit le contenu de cette loi et les dispositifs qu'elle comportera, le groupe socialiste ne peut que constater que c'est au prochain gouvernement, qui s'appuiera sur la majorité parlementaire issue du résultat des prochaines élections, qu'il reviendra de donner un contenu à ce droit et de lui donner une effectivité. Or la marge de manoeuvre de ce futur gouvernement sera étroite, et les contraintes qu'il aura à gérer seront lourdes, puisque, dès la fin de 2008, des dizaines de milliers de demandeurs de logement auront alors le droit de mettre l'État en demeure de leur fournir un logement.
Quel est l'objectif ultime de ce droit ? Non pas susciter du contentieux dans notre pays, mais bien faire en sorte que tous nos concitoyens puissent se loger dans des conditions décentes.
Au chapitre des regrets, je citerai le système de garantie des risques locatifs, que nous avons adopté. Là non plus, je ne méconnais pas les progrès apportés par le projet de loi avec la GRL - nous l'avons votée -, car ils seront de nature à sécuriser des propriétaires volontaires et à les inciter à remettre des logements vacants sur le marché à destination de candidats à la location.
Toutefois, comme toujours, le diable est dans les détails : la mise en oeuvre concrète de la GRL a été renvoyée à une convention signée entre les partenaires sociaux et l'État. Il est d'ailleurs assez curieux, que cette convention ait été signée avant même que le Parlement ne se prononce !
Or cette convention prévoit que ne seront couverts par cette garantie que les locataires dont le taux d'effort, c'est-à-dire la fraction du revenu qu'ils consacrent au paiement du loyer, est inférieur à 50 %. Seront donc par nature exclus du système certaines personnes sans ressources, mais aussi des étudiants, des stagiaires ou de jeunes salariés disposant d'un salaire très faible.
Dans ces conditions, cette garantie n'a d'universelle que le nom. Je déplore que cet adjectif ait été introduit dans le projet de loi - par l'Assemblée nationale, pas par le Sénat ! - puisqu'il va laisser penser à nos concitoyens qu'ils ont tous droit à la GRL, alors que ce n'est pas le cas. J'ai encore pu le constater hier encore en discutant avec les partenaires sociaux.
Sur le fond, donc, le groupe socialiste prend acte de ce texte et ne méconnaît donc pas les avancées qui ont été réalisées, notamment sur son initiative. Toutefois, la construction d'un tel projet, le droit opposable au logement, qui ne peut que résulter d'un processus pensé et élaboré sur une longue période, aurait mérité que l'on y travaille de manière plus sereine et plus sérieuse, en y associant tous les acteurs de la filière du logement.