Intervention de Philippe Adnot

Réunion du 3 décembre 2018 à 21h30
Loi de finances pour 2019 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Philippe AdnotPhilippe Adnot :

Le budget de l’enseignement supérieur stricto sensu s’inscrit, cette année, dans la trajectoire dessinée par la loi de finances pour 2018. Les programmes 150, « Formations supérieures et recherche universitaire », et 231, « Vie étudiante », connaissent une légère progression de plus de 1 %, soit 173 millions d’euros en crédits de paiement.

Ce budget est globalement satisfaisant, madame la ministre, dans le contexte budgétaire actuel.

De plus, il faut prendre en considération les crédits consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche dans le Grand plan d’investissement, qui s’élèvent à 645 millions d’euros.

Je partage les principales orientations de la politique sous-tendant ce budget, en particulier, le plan Étudiants et l’importance accordée à l’orientation – c’est en orientant mieux les étudiants que l’on réduira l’échec en licence, qui touche 40 % d’entre eux –, ainsi que l’insertion professionnelle des jeunes.

Voilà pour le positif. Mais j’ai aussi quelques réserves, madame la ministre.

J’observe, cette année encore, que les dépenses salariales contraintes ne sont pas intégralement budgétées, et ce dans une fourchette allant de 50 millions à 100 millions d’euros. Il est insupportable de ne pas prévoir une dépense pourtant certaine.

Le glissement vieillesse-technicité, le GVT, des établissements – une dépense obligatoire – ne pourra pas être couvert. Par ailleurs, de nombreux emplois pourtant budgétés ne seront pas créés puisqu’ils servent de variable d’ajustement. Ce n’est pas une bonne méthode, et cela réduit la portée des moyens annoncés.

S’agissant des dotations des universités, la subvention pour charges de service public notifiée à chaque établissement est aujourd’hui encore presque intégralement déterminée à partir du montant de la notification de l’année précédente, à laquelle sont appliqués différents ajustements, très marginaux puisqu’ils n’excèdent pas 5 %.

Je souhaite, madame la ministre, que votre administration s’oriente vers un pilotage plus fin des dotations aux opérateurs, tenant compte, notamment, de la stratégie et des enjeux propres à chacun d’eux.

Les ressources propres de ces universités ne représentent, en moyenne, que 16 % de leurs dépenses de fonctionnement, ce qui est tout à fait insuffisant. On espère que la valorisation de la recherche pourra faire évoluer la situation.

Les frais d’inscription demeurent extrêmement faibles. M. le Premier ministre a annoncé que les étudiants non européens pourraient voir leur cotisation augmenter substantiellement, potentiellement de 170 euros à 2 700 euros, et, dans un très récent rapport, la Cour des comptes recommande d’augmenter également les frais d’inscription pour les étudiants français, du moins en master et en doctorat, mais à des niveaux moindres.

Année après année, je milite pour que l’on améliore la situation des étudiants, en augmentant les frais d’inscription. On accepte aujourd’hui plus facilement de payer une cotisation à un club de sport, dont l’effet ne sera pas le même sur l’avenir des jeunes : c’est anormal ! Aujourd’hui, les étudiants en licence s’acquittent de moins de 2 % du coût réel de leurs études ; nous avons de la marge, je pense, pour pouvoir agir.

Cela dit, ces nouvelles ressources seront, et devront l’être, de la responsabilité des universités, pour leur montant comme pour leur affectation. Madame la ministre, entendez-vous néanmoins faire des préconisations pour que ces sommes soient mises au service des étudiants, de leur environnement, de la pédagogie ? Il ne serait pas normal qu’elles servent à pallier l’absence de financement par l’État pour, par exemple, le GVT. Je souhaite, sur ce point, avoir des assurances de votre part.

Le soutien à l’enseignement supérieur privé demeure trop limité, de mon point de vue.

Le montant moyen de la subvention de l’État par étudiant a diminué de 45 % entre 2008 et 2018. C’est d’autant plus préjudiciable que les établissements d’enseignement supérieur accueillent un nombre croissant d’étudiants.

Un étudiant inscrit dans un établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, un EESPIG, est aujourd’hui soutenu par l’État à hauteur de 600 euros, en moyenne, alors que le coût par étudiant dans le secteur public s’élève à plus de 9 000 euros, et l’économie que représentent ces 100 000 étudiants pour le budget de l’État s’élève donc à environ 800 millions d’euros.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission vous propose d’adopter un amendement tendant à augmenter la dotation allouée à ces établissements, dont certains éprouvent de réelles difficultés, et ce d’autant plus si certaines municipalités se désengagent.

Les crédits du programme 231, « Vie étudiante », connaissent des changements modestes pour 2019.

Le projet de loi de finances introduit la contribution vie étudiante et de campus, la CVEC, dans la liste des taxes affectées, plafonnant son produit à 95 millions d’euros.

Dans la mesure où la collecte de 2018 semble d’ores et déjà s’établir autour de 115 à 120 millions d’euros, une vingtaine ou une trentaine de millions d’euros collectés sur le revenu des étudiants pourraient ainsi abonder le budget de l’État et participer à l’équilibre des finances publiques. J’estime, madame la ministre, que l’argent ainsi collecté doit être intégralement affecté à la vie étudiante et que le plafond de cette taxe affectée doit être réévalué et amendé dès le projet de loi de finances pour 2019.

Les cotisations pour la mutuelle étudiante, qui s’élevaient en moyenne à 217 euros par étudiant, sont remplacées par cette CVEC d’environ 90 euros.

Un tel allégement de coûts pour les étudiants est plutôt positif. En revanche, la méthode employée a quelque chose de peu convenable : alors que tous les étudiants paieront cette contribution, y compris ceux qui sont inscrits dans des EESPIG, ces derniers recevront seulement 20 euros en retour, contre 40 euros pour les étudiants des établissements publics. Je ne comprends pas cette inégalité de traitement, madame la ministre, et j’aimerais que vous nous disiez ce que vous comptez faire pour y remédier.

Ces observations faites, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », sous réserve de l’adoption de son amendement.

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