Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du 3 décembre 2018 à 21h30
Loi de finances pour 2019 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, mon intervention portera sur les sept programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche.

En préambule, je souhaiterais souligner qu’en dépit d’un contexte budgétaire contraint, le volet « recherche » de la mission voit ses crédits progresser, et ce pour la seconde année consécutive. Parce qu’il constitue la dépense d’avenir par excellence, c’est un budget prioritaire, au même titre que ceux de la sécurité, de la justice ou de l’éducation.

La somme des budgets des programmes relatifs à la recherche devrait atteindre 11, 75 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 11, 86 milliards d’euros en crédits de paiement en 2019, soit une hausse de 330 millions d’euros – 2, 9 % – par rapport au budget 2018.

Le budget pour 2019 s’inscrit ainsi dans la trajectoire dessinée pour 2018, avec une forte progression des crédits alloués à ces programmes sur deux ans : de l’ordre de 817 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 440 millions d’euros en crédits de paiement.

Le montant total des crédits alloués aux programmes dépendant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est-à-dire les programmes 172, « Recherches scientifiques et technologies pluridisciplinaires », et 193, « Recherche spatiale », s’établira à 8, 8 milliards d’euros, soit une forte hausse de 376, 4 millions d’euros par rapport à 2018.

Ces programmes captant l’intégralité de la hausse des crédits de la mission, je souhaiterais m’arrêter sur quelques points saillants qui m’ont interpellé au cours des auditions.

Tout d’abord, le budget alloué à la recherche spatiale, en progression de 205 millions d’euros, absorbe les deux tiers de l’augmentation des crédits du volet « recherche », pour atteindre 1, 8 milliard d’euros. Cette hausse serait destinée à financer les engagements de la France sur le programme Ariane 6, tout en poursuivant l’apurement de la dette française auprès de l’Agence spatiale européenne, l’ESA.

Je note à ce sujet, madame la ministre, que la contribution française à l’ESA franchit cette année le cap symbolique du milliard d’euros, en passant de 963 millions d’euros à 1, 17 milliard d’euros en 2019.

Par ailleurs, le relèvement des moyens financiers de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, se poursuit. Avec une augmentation de 86, 3 millions d’euros en crédits de paiement, l’agence devrait être en mesure de renouer avec un taux de succès sur les appels à projets supérieur à 15 %.

Peut-on pour autant considérer que l’objectif que s’est fixé le Président de la République, à savoir redonner à l’ANR des moyens dignes de ceux de ses homologues étrangers, est atteint ? Assurément pas ! L’augmentation de son budget doit rester une priorité pour se rapprocher des standards européens en matière de recherche sur projets, avec un taux de succès moyen de 24 %.

Cette évolution est d’autant plus nécessaire que nos chercheurs peinent à obtenir des financements européens, comme en attestent les chiffres du programme-cadre Horizon 2020, peu flatteurs pour la France.

Enfin, le plan Intelligence artificielle bénéficiera de 17 millions d’euros en 2019, auxquels s’ajoutent 12 millions d’euros en provenance des programmes d’investissements d’avenir, les PIA, pour accompagner la mise en place d’un réseau emblématique d’instituts dédiés à l’intelligence artificielle.

Je ne peux que saluer, madame la ministre, les efforts consentis afin de doter la France d’une véritable stratégie en matière d’intelligence artificielle. Je regrette néanmoins que les moyens alloués au plan Intelligence artificielle en 2019 demeurent très en deçà des annonces gouvernementales, d’une part, et difficilement traçables, d’autre part. Je reste convaincu que ce n’est que par l’intelligence artificielle européenne que nous pourrons éviter de devenir dépendants des géants qui nous entourent.

S’il faut nous féliciter de toutes ces hausses de crédit, je tiens à rappeler qu’elles se font au détriment des organismes de recherche, lesquels voient leurs dotations diminuer ou stagner.

Confrontés à une augmentation considérable de leur masse salariale, ces organismes n’ont souvent d’autre choix que de réduire leurs effectifs, ce d’autant, madame la ministre, que le GVT n’est pas compensé pour eux – Philippe Adnot vient de le préciser.

Les directeurs des organismes de recherche m’ont, par ailleurs, signalé plusieurs situations d’impasse budgétaire.

Ainsi le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, le CEA, se retrouvera confronté, à moyen terme, à un surcoût de plusieurs centaines de millions d’euros dans le cadre de la construction du réacteur Jules Horowitz, tandis que les plans Santé commandés par le Gouvernement à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, doivent bénéficier des financements adéquats, combinés, d’ailleurs, avec les fonds européens sur certains programmes.

À plus long terme, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, devra faire face à des besoins de financement de l’ordre de 500 millions d’euros pour le renouvellement de la flotte océanographique, sans qu’aucun plan d’investissement à moyen terme ait été élaboré à ce jour.

Je note toutefois avec satisfaction que le Premier ministre a annoncé le lancement d’une réflexion à ce sujet, lors du comité interministériel de la mer du 15 novembre. Je ne saurai qu’inviter le Gouvernement à poursuivre dans cette voie, de manière à anticiper au mieux les besoins d’investissement de notre flotte océanographique.

Les autres programmes, qui ne dépendent pas du ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, voient leurs crédits stagner ou diminuer en 2019. Ce sera notamment le cas des programmes 192, « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », 191, « Recherche duale (civile et militaire) », et 186, « Recherche culturelle et culture scientifique ».

Deux exceptions à cette tendance morose sont à noter.

Le programme 142, « Enseignement supérieur et recherche agricoles », qui porte, notamment, les crédits de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, l’IRSTEA, voit ses crédits progresser de 2 %.

Je voudrais rappeler, à ce sujet, que l’année 2019 sera marquée par la préparation de la fusion de ces deux organismes en un institut unique, qui devrait voir le jour le 1er janvier 2020.

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