Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis plusieurs semaines, le consentement à l’impôt est sérieusement remis en cause : dans cette période de fortes tensions sociales, la discussion générale sur le troisième poste budgétaire de la Nation est évidemment un moment particulier de l’examen de ce projet de loi de finances.
Le budget 2019 a un mérite qu’il faut saluer : il tient compte de la très forte pression démographique sur le système universitaire français. Vous le savez, d’ici à 2025, la population étudiante aura augmenté de 21 % en l’espace de dix ans seulement. Pourtant, pendant des années, les moyens alloués à l’enseignement supérieur avaient été décorrélés du flux de nouveaux étudiants.
Après une progression de 2, 7 % l’an passé, l’évolution globale des crédits de paiement à hauteur de 166 millions d’euros cette année va donc dans le bon sens. La pérennisation des financements alloués au titre de l’indemnité compensatrice de la CSG constitue, à ce titre, une bonne nouvelle.
L’augmentation des crédits ne règle pas tous les problèmes pour autant. Pour le groupe Union Centriste, la priorité des années à venir doit être la lutte contre l’échec universitaire. Parcoursup a le mérite d’apporter des premières réponses dans la lutte contre l’allongement du temps écoulé entre l’obtention du bac et celle de la licence. La France reste malheureusement l’un des rares pays de l’Union européenne où moins de 50 % des étudiants valident leur licence au bout de quatre ans, contre plus de 75 % en Allemagne ou aux Pays-Bas.
Les dizaines de milliers d’années d’étude perdues chaque année par les jeunes dans le supérieur sont évidemment un gâchis humain, mais aussi un gâchis d’argent public. En raccourcissant la durée d’obtention des licences à trois ans et demi, notre pays pourrait accueillir les futures générations d’étudiants à moyens constants, sans dépenser un seul centime de plus. Les dispositifs d’accompagnement « oui, si » doivent ainsi être fortement encouragés, notamment sur le plan budgétaire : nous y veillerons attentivement. Les expérimentations menées par certaines universités – je pense en particulier à Paris-Descartes – sur les années propédeutiques méritent également d’être soutenues.
Ce raisonnement nous rappelle que la hausse des crédits de paiement n’est pas une fin en soin. La tentation d’évaluer le budget de l’enseignement supérieur par un prisme purement comptable nous a fait oublier qu’un budget en hausse n’est pas nécessairement un bon budget. Méfions-nous de l’« effet cliquet » qui nous pousse à saluer la croissance perpétuelle des nouvelles dépenses sans jamais nous interroger sur la nature des dépenses passées reconduites.
La légitimité du financement, essentiellement public, de l’enseignement supérieur français est une exception occidentale qui dépendra directement des performances et des réponses que cet enseignement apporte à la société française. Un euro dépensé pour l’enseignement supérieur est-il un euro systématiquement utile ? Quelle insertion professionnelle garantit-il pour les jeunes ? Permet-il de répondre aux besoins de l’économie et aux qualifications d’avenir ? Voilà les vraies questions que le Gouvernement doit se poser.
À ce titre, le Sénat interpelle l’État depuis plusieurs années sur la permanence de nombreux archaïsmes, comme la procédure de qualification du Conseil national des universités, le CNU, coûteuse et chronophage. Surtout, l’État ne peut plus éluder aucune réflexion majeure comme l’est celle de l’offre de formation.
Notre groupe partage les interrogations du rapporteur pour avis de la commission de la culture sur la pérennité des filières dans lesquelles sont constatées des places vacantes. De plus, vous l’avez reconnu en commission, madame la ministre, la demande insuffisante des jeunes générations pour les filières scientifiques nous fait défaut : il y a une révolution culturelle à opérer et à construire avec le ministère de l’éducation nationale.
Cette nécessité de réfléchir très attentivement aux filières que la puissance publique privilégie et soutient est rendue d’autant plus nécessaire que les besoins de l’enseignement supérieur seront exponentiels dans les années à venir. Le comité pour la stratégie nationale de l’enseignement supérieur a évalué le besoin de financement à 1 milliard d’euros supplémentaires chaque année d’ici à 2020 ! Ailleurs dans le monde, des moyens colossaux sont mobilisés. À quelques kilomètres de notre frontière, à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, les post-doctorants bénéficient d’un crédit d’installation dépassant parfois le million d’euros.
Ces chiffres donnent le vertige : alors que l’argent public se fait rare, que les prélèvements obligatoires sont déjà excessifs, que le Gouvernement actuel n’a aucune stratégie efficace pour réduire notre niveau de dépenses publiques, comment allons-nous financer un modèle universitaire français à la hauteur du rang que notre pays est en droit d’ambitionner ?
Le Gouvernement a décidé de baisser de 8 % les droits de scolarité en licence cette année, après trois années de gel : pouvons-nous vraiment, madame la ministre, laisser nos universités se développer sans ressources propres significatives ? Ces questions imposent des choix forts, bousculant les équilibres établis. De ce point de vue, nous ne sommes pas opposés, par principe, à une augmentation des tarifs des étudiants étrangers, à condition, bien entendu, qu’elle s’accompagne d’une politique ambitieuse pour l’octroi de bourses.
En matière de recherche, nous nous réjouissons que ses crédits augmentent de 330 millions d’euros par rapport à 2018, et de près de 830 millions par rapport à 2017.
Pour le groupe Union Centriste, la revalorisation des chercheurs est une question essentielle. En plus d’assurer la formation de nos étudiants, les chercheurs sont ceux qui permettent, par les avancées scientifiques sur lesquelles ils travaillent, de trouver des solutions aux enjeux écologiques, économiques, sociaux, technologiques de demain. Il est donc essentiel pour notre pays que cette matière grise puisse exercer en France dans de bonnes conditions, et ce sur le long terme. Nous ne le répéterons jamais assez : un pays attractif pour les chercheurs, notamment internationaux, est un gage d’attractivité global pour l’avenir.
Le prix Nobel de médecine, François Jacob, soulignait très justement : « Longtemps, la puissance d’une nation s’est mesurée à celle de son armée. Aujourd’hui, elle s’évalue plutôt à son potentiel scientifique. » Garantir et développer le potentiel scientifique français, voilà le défi à relever pour les années à venir.
Nous voterons donc les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », car le groupe Union Centriste considère que ce budget est une première étape pour y parvenir, à condition d’assumer les choix courageux qui nous font face désormais.