L'économie russe est surtout sensible au prix du pétrole, la rentrée de devises comme la situation de ses finances publiques en dépendent étroitement. Quand le prix du pétrole diminue, le rouble baisse également.
Une économiste francophone qui a travaillé pour l'ambassade de France estime que les sanctions font perdre un point de croissance à l'économie russe. Elles ont donc des répercussions sur leur croissance et leur vitalité économique.
Mais ces sanctions ont aussi des conséquences importantes sur nos échanges agricoles. Nous étions jusqu'alors un exportateur de produits agroalimentaires assez important. Ces exportations se sont totalement effondrées. Certaines se sont complètement arrêtées.
Daniel Gremillet en a été l'une des premières victimes en tant qu'exportateur de produits fromagers. On ne réalise pratiquement plus d'exportations de viande. Depuis 2014, on est à - 90 % sur les fruits et - 70 % sur le lait et les produits laitiers, soit une perte de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires par an pour nos entreprises agroalimentaires. La baisse des exportations agroalimentaires européennes entre 2014 et 2016 représente quant à elle 30 %.
Decathlon, très présent en Russie, a fermé tous les rayons alimentaires de ses magasins. Bpifrance n'accorde plus de garanties aux PME qui veulent s'implanter. Celles-ci rencontrent donc des difficultés pour se financer.
Enfin, en 2017, la Chine est passée devant l'Union européenne pour devenir le premier fournisseur de la Russie. La délégation a, de ce point de vue, bien senti que la Russie basculait vers l'est.
Par ailleurs, la perte de commandes d'Airbus depuis 2014 peut être chiffrée à 8 milliards d'euros. Tous les Airbus livrés à Aeroflot depuis 2016 sont financés par des banques asiatiques, les banques européennes, comme la BNP, ne prêtant plus.
Le projet d'exploitation du gisement pétrolier de Bajenov en Sibérie occidentale par Total et Loukoil est gelé du fait des sanctions américaines contre ce dernier.
Nous avons par ailleurs eu un rendez-vous édifiant avec le ministère de l'agriculture, où la stratégie russe nous a été présentée de façon implacable.
On nous a dit en résumé que Vladimir Poutine avait demandé que l'agriculture assure la sécurité alimentaire sous trois ans et soit capable d'inonder l'Europe de ses exportations dans six ans.
La Russie, en quelques années, a atteint l'autosuffisance alimentaire, sauf en matière de viticulture, de fruits et légumes et de viande bovine, mais ils se sont engagés à y remédier. Les Russes cherchent également à développer un système d'indications géographiques protégées (IGP), ayant bien compris que celles-ci peuvent protéger leurs productions.
Nous avons visité une ferme laitière dans l'Oblast de Saint-Pétersbourg, à Peterhof. Cette ferme de 2 500 vaches compte quatre stabulations et 45 employés sur 3 000 hectares. Ce sovkhoze produit sa propre alimentation pour animaux. Le propriétaire est une société immobilière, qui doit en assurer l'exploitation en contrepartie de l'urbanisation de la zone alentour.
La production laitière s'élève à 120 tonnes par jour, vendues 30 centimes le litre. L'objectif, à l'horizon 2020, est de doubler le cheptel et de développer une fromagerie avec l'aide de l'entreprise d'ingénierie agronomique française Transfaire.
Une unité de sélection génétique est en train d'être construite. Les éleveurs souhaitent en effet cesser d'importer les paillettes d'Europe faute de posséder le matériel génétique suffisant. Ils ont prévu 80 taureaux, 500 embryons par an et une salle de vente aux enchères pour optimiser leur chiffre d'affaires.
Le lait est vendu notamment à Danone, qui est installé pas très loin, toujours dans la banlieue de Saint-Pétersbourg. Nous avons visité l'usine, qui était d'ailleurs à l'arrêt pour maintenance. Elle produit notamment des spécialités laitières conformes aux recettes traditionnelles russes, mais aussi les standards de Danone dans le monde. Ils nous ont démontré qu'ils savaient mettre en oeuvre la sécurité sanitaire exigée par l'entreprise.
En matière d'énergie, la Russie est un partenaire naturel de l'Europe : c'est le premier exportateur et le deuxième producteur de gaz, et le troisième producteur de pétrole du monde. En 2017, 6,2 milliards d'euros sur les 7,2 milliards d'euros que représentent les importations françaises en provenance de Russie sont constitués d'hydrocarbures bruts ou raffinés.
La Russie est le seul pays européen bien doté en hydrocarbures, avec le Royaume-Uni et la Norvège, mais les réserves y sont considérablement plus élevées. Ils ne savent même pas dire aujourd'hui à combien celles-ci s'élèvent tant les nappes sont importantes.