Je regrette de n'avoir pas pu être présent lors de la réunion du 22 novembre dernier. Ce rapport est intéressant et, en même temps, très français. On y évoque le couple franco-allemand comme si on ne se rendait pas compte que notre partenaire avait profondément changé. Ce changement a eu lieu au moment de la réunification. À l'époque, des craintes s'étaient exprimées sur les éventuelles conséquences de cet évènement sur l'équilibre du couple. C'est d'ailleurs bien ce qui a entraîné la volonté de François Mitterrand d'ancrer l'Allemagne dans l'Europe. Cet élargissement non négocié de l'Union européenne qu'a constitué la réunification allemande est le point sur lequel on a construit l'Europe d'aujourd'hui. L'Union économique et monétaire et le traité de Maastricht, avec la notion de citoyenneté européenne, ont servi à rééquilibrer le déséquilibre engendré par la réunification allemande.
Finalement, la réunification allemande est la matrice de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui, puisque, depuis lors, elle n'a pas structurellement changé. Ce que François Mitterrand a obtenu d'Helmut Kohl quasiment en « échange » de la réunification est encore aujourd'hui l'architecture de l'Union européenne.
Cette rupture du côté allemand explique les éléments de déséquilibre entre nos deux pays par rapport au sud de l'Europe et à l'Europe centrale. Je crains que ce déséquilibre ne s'accentue encore après le départ de la Grande-Bretagne, s'il se produit.
Le 22 novembre dernier, j'étais à Berlin et j'ai été assez frappé de voir que sur un certain nombre de sujets, il faut encore faire bouger les lignes. Quand Emmanuel Macron évoque une armée européenne, les Allemands répondent armée des Européens. Les notions sont complètement différentes, notamment en termes de contrôle politique : pour eux, il est évident que cette armée serait sous le contrôle du Parlement, alors que nous tenons, pour notre part, à une plus grande efficacité.
Si l'on évoque le retrait des États-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien, même les résolutions que nous proposons - j'avais estimé, pour ma part, que nous aurions dû aller plus loin - seraient encore jugées trop excessives pour les Allemands qui, sur ce sujet, sont prêts à toutes les négociations avec les Américains.
On pourrait également évoquer les relations avec l'Afrique, que les Allemands envisagent avec une illusion et une naïveté parfois confondantes.
Sur ces sujets, il est nécessaire de faire converger nos positions, qui sont aujourd'hui très différentes.