Je suis heureuse de vous accueillir au nom de la commission de la culture.
Promesse de campagne du candidat Macron, le SNU a soulevé dès le début des inquiétudes tenant au coût du dispositif, chiffré à plusieurs milliards d'euros par nos collègues Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, et qui reste encore très élevé dans la version actuelle.
Inquiétude aussi quant aux objectifs poursuivis, tant ceux-ci sont apparus nombreux dès l'origine : donner aux Français une formation militaire ; apprendre les gestes qui sauvent et la conduite à tenir en cas de catastrophe ; faire un bilan de l'état de santé ; détecter les difficultés scolaires ; fortifier l'engagement citoyen à travers une expérience de la vie en collectivité, tous milieux sociaux confondus ; enfin, aider les jeunes à préparer leur entrée dans la vie professionnelle.
Devant l'inquiétude des forces armées, incapables d'assumer cette nouvelle mission, l'aspect « militaire » de ce SNU a largement disparu, même si les secteurs d'engagement pourraient être également militaires. C'est d'ailleurs le ministère de l'éducation nationale, devenu ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, qui est désormais en charge de sa mise en application. Nous auditionnerons bien sur le ministre de l'éducation nationale sur le SNU. C'est la raison pour laquelle notre commission s'est saisie de ce sujet : en effet, aussi bien l'éducation que la jeunesse relèvent de ses domaines de compétence.
En avril dernier, le groupe de travail que vous présidez a présenté les grandes lignes du SNU. Vous avez ensuite lancé une large concertation nationale et devriez organiser prochainement une expérimentation.
Nous aimerions vous entendre sur tous ces sujets.
Général Daniel Ménaouine, directeur du Service national et de la jeunesse. - Merci de me recevoir : je suis heureux de vous présenter, en tant que rapporteur du groupe de travail du SNU, les réflexions que nous avons menées depuis février. Ce groupe de travail, composé d'Emmanuelle Pérès, de Marion Chapulut, de Juliette Méadel, de Guy Lavocat, de Kléber Arhoul et de Thierry Tuot, a reçu mandat le 7 février de se pencher sur la création du service national universel. Ce groupe ayant été dissout le 19 novembre, je ne suis plus en charge du SNU.
Ce mandat nous a été confié en février et nous avons rendu un rapport le 26 avril, qui a donné lieu à un examen par le cabinet du Premier ministre qui y a associé tous les ministères concernés. Une communication a été faite en Conseil des ministres le 27 juin : à cette occasion, le cadre du SNU a été précisé. En juillet, le groupe de travail a été mandaté pour conduire une consultation qui a touché 76 000 jeunes. Cette phase nous semblait importante car nous avions conduit nos travaux en dix semaines pour publier le premier rapport. Or, nous avions constaté qu'il n'y avait pas une, mais des jeunesses. La base de la consultation devait être élargie, d'où notre demande de disposer de plus de temps pour mener une consultation élargie. Les résultats de la consultation ont été corroborés par un sondage mené par l'IFOP il y a quinze jours, sur le SNU : 74 % des jeunes interrogés y sont favorables.
L'objectif du SNU est de renforcer la cohésion sociale et nationale, de faire prendre conscience des enjeux de la défense et de la sécurité nationale, de développer la culture de l'engagement.
Aujourd'hui, c'est la journée du bénévolat, ce qui représente 12 à 13 millions de personnes. Nous constatons une inégalité face à l'engagement : 50 % des jeunes qui s'engagent ont un parent déjà engagé dans une association. En outre, plus le niveau d'études s'élève, plus l'engagement augmente. Sur 45 000 jeunes interrogés, seuls 18 % se trouvent dans une association ou sont des bénévoles. L'un des objectifs du SNU est de diffuser la culture de l'engagement. En outre, ce service favorisera le brassage social et territorial et chaque jeune aura la responsabilité de renforcer le lien social.
Pour que le SNU soit un succès, il devra être collectif et offrir une expérience humaine nouvelle et innovante. Il convient de mettre fin à une confusion qui perdure : le SNU, ce n'est pas le service militaire, ce n'est pas non plus l'école. Les sociologues de l'éducation ont rappelé la nécessité d'un moment différent.
Le SNU devra également reposer sur un haut degré de professionnalisation. C'est pourquoi sa montée en puissance devra être progressive. Il est illusoire de vouloir mettre en oeuvre un SNU en 2020, voire en 2022. On ne peut parler en même temps d'un projet de société et vouloir faire vite.
Le SNU devra définir un parcours rigide et obligatoire, mais aussi souple et adaptable. Les expérimentations de 2019 ne préfigurent en rien le résultat final.
Le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse avait élaboré divers scénarios mais ce sont des jeunes de Marseille qui ont proposé une grande partie de celui que nous avons, en définitive, retenu pour la mise en place du SNU. Ce scénario comporte deux phases : la première est dite de cohésion et la deuxième est liée à l'engagement.
La phase de cohésion sera obligatoire, aura lieu vers l'âge de 16 ans et se déroulera en deux temps : une phase de formation de 15 jours et une phase autour d'un projet collectif, également de 15 jours. L'appel se fera autour de 15 ans, alors que le président de la République évoquait, en mars 2017, le scénario d'un service obligatoire d'un mois, entre 18 et 21 ans. Les jeunes nous ont dit préférer l'âge de 16 ans, ce qui aura l'avantage de prendre en compte la réforme du baccalauréat, dont le contrôle continu débutera en janvier de la classe de première.
La première phase permettra d'enseigner les gestes qui sauvent. En France, 12 000 personnes meurent chaque année d'accidents domestiques : les gestes de premier secours permettraient d'éviter de nombreuses issues fatales. Chaque jour, 130 personnes meurent d'accident cardiaque et seules 3 % sont sauvées, alors que dans les pays anglo-saxons, ce taux est de 30, voire 40 %.
Le coût du SNU sera certes important, mais n'oublions pas les coûts évités. Ainsi, le coût évité d'un jeune en service militaire volontaire est estimé à 73 000 euros. Mais on ne retient souvent que le coût du service militaire qui se monte à 25 000 euros...
Il importe aussi que nos jeunes puissent aider les services de secours en cas de catastrophe majeure. Or, aujourd'hui, nous ne pourrions faire face à une catastrophe de longue durée. Ainsi, le confinement de la centrale de Fukushima a nécessité le déploiement de 100 000 hommes pendant quatre mois. Lors des inondations dans l'Aude, 300 jeunes pompiers volontaires sont venus renforcer les services de secours pendant le week-end.
J'ai rencontré une jeunesse consciente de toutes ces menaces. Entré à Saint-Cyr en 1985, on m'a enseigné que la menace se trouvait au-delà d'un mur. Aujourd'hui, elle est dans la ville : menace terroriste, bien sûr, mais aussi menace de catastrophes liées aux dérèglements climatiques. La question se résume à : « Quand vont-elles survenir ? ». Les jeunes se sentent également concernés par la cybersécurité. Tous ont un ami plus ou moins proche qui s'est suicidé à cause des réseaux sociaux.
La phase de cohésion a également vocation à leur faire connaître le monde de l'engagement. Les deux dernières semaines devraient leur mettre le pied à l'étrier : ainsi, les jeunes connaîtront les associations de leur bassin de vie. A l'heure actuelle, seuls 7 % des présidents d'associations ont moins de 30 ans.
Le deuxième temps repose sur le volontariat et sera dédié à l'engagement. Tous les jeunes engagés m'ont dit qu'il faudrait que tout le monde s'engage. Malheureusement, ils sont trop peu nombreux à vivre l'expérience de l'engagement. Cette phase touchera cinq grands domaines : environnement et développement durable ; culture et numérique ; tutorat ; défense et sécurité ; aide à la personne. Les personnes âgées étant de plus en plus nombreuses, les jeunes sont bien conscients qu'il faudra les aider.
Il est vrai que nous n'avons pu rencontrer tout le monde lors de la phase de consultation, mais j'ai eu l'occasion d'échanger avec les sénateurs en charge du suivi de ce dossier.