Pour conclure, je voudrais rappeler que la stratégie mise en cause respecte les principes généraux du maintien de l'ordre public en France avec la double exigence de permettre la libre expression des opinions et de préserver les vies humaines en cas de trouble.
Permettez-moi de revenir sur un principe fondamental, celui de la liberté de s'exprimer, la liberté de manifester ses opinions, la liberté de se rassembler, de défiler. Chaque manifestation doit faire l'objet d'une déclaration, à adresser au préfet, non pas pour être autorisée, mais pour être enregistrée et préparée.
Le premier ordre que j'ai donné à nos forces dès le premier jour de la manifestation était d'aller systématiquement au contact des manifestants pour les protéger eu égard à la multiplication d'initiatives, dans près de 2 100 points partout en France. Le rôle de nos forces était de les protéger ; c'est leur rôle, mais c'est beaucoup plus difficile quand ce n'est pas prévu. L'anticipation est un art bien plus difficile que le commentaire ! La première action de nos forces de sécurité a toujours été de protéger les manifestants, pour leur sécurité, mais aussi pour leur liberté de manifester.
Traditionnellement, lorsqu'un rassemblement est significatif, le préfet et les services de police l'organisent. Vous le savez, nous n'avons pas été en mesure de le faire. Le préfet peut prendre des mesures qui limitent la liberté de manifestation, mais, pour interdire, il faut une situation de risque insupportable - c'est le terme employé par la jurisprudence - et montrer que nous n'avons pas les moyens d'assumer la sécurité de la manifestation. Traditionnellement, nous organisons un itinéraire spécifique pour éviter certains quartiers. Cela relève d'une question de proportionnalité, qui s'apprécie au cas par cas. En cas de trouble manifeste à l'ordre public, pour des manifestations nationales ou internationales, le suivi est encore plus attentif, mais, là encore, il est difficile de s'organiser.
Je pense en particulier aux rassemblements auxquels sont susceptibles de participer des individus de la mouvance d'ultra-droite et d'ultra-gauche. Les plus activistes font l'objet d'un suivi opérationnel par les services spécialisés, notamment ceux qui ont participé aux actions violentes de Notre-Dame-des-Landes. Je ne dévoile pas un secret d'État : ces derniers le savent. Je pense même que cette information a une vertu pédagogique. Il n'y a pas eu de relâchement de la surveillance ces derniers mois.
Nous avons face à nous, dans le cadre de ce mouvement, des personnes qui ne sont pas connues. Effectivement, le renseignement n'est pas en mesure de les identifier, d'autant que les manifestants ont très vite changé leurs habitudes : ils sont passés de réseaux ouverts, de type Facebook, à l'utilisation de messageries cryptées pour organiser les manifestations et les attaques. Ce que nous avons vécu ce week-end en France avec des cibles très précises, notamment d'enseignes commerciales appartenant à un groupe que je ne citerai pas, avait un objectif politique, tout comme l'éclatement des cortèges à Paris sur plusieurs sites. Tout avait été particulièrement organisé.
Nous n'étions pas en mesure d'interdire la manifestation du 1er décembre, mais nous avions mis en place un dispositif, sur lequel nous répondrons à toutes vos questions. Nous avons néanmoins préparé cette manifestation avec un double objectif : premièrement, permettre aux manifestants pacifiques de s'exprimer en toute sécurité sur le site des Champs-Élysées ; deuxièmement, réduire au maximum le risque pour les manifestants comme pour les membres des forces de l'ordre. Ce double objectif tenait compte des événements survenus une semaine plus tôt. C'est la raison pour laquelle l'espace des Champs-Élysées avait été proposé. J'ai évoqué le geste politique dont j'assume la responsabilité et qui peut m'être reproché, tout comme j'assume que nos forces ont su se battre dans des situations absolument insupportables. Nous voulions une position d'équilibre. En tant que ministre de l'intérieur, je fixe un cap, des priorités et j'affecte des moyens. La manoeuvre, en revanche, revient aux préfets sur le terrain : préfet de police de Paris, et presque tous les préfets de France qui avaient été mobilisés.
L'un des grands principes de l'ordre public, c'est la faculté d'adaptation : c'est pourquoi nous avions proposé un espace dédié samedi dernier. Au fond, cela avait du sens : les manifestants non violents sont allés sur ce site, les autres l'ont attaqué frontalement. J'étais sur place à 8 heures 30 avec le préfet de police, et l'attaque a eu lieu à 8 heures 50. Tous les accès possibles aux Champs-Élysées ont fait l'objet d'attaques, c'est-à-dire ont été physiquement forcés par des personnes munies d'objets d'attaque.
Je voudrais évoquer rapidement samedi prochain : nous souhaitons faire preuve d'adaptation, nous allons mobiliser en France des forces supplémentaires par rapport aux 65 000 hommes qui l'ont été. Nous sommes en train d'examiner tous les scénarii juridiques et n'en excluons aucun, à condition qu'ils soient efficaces. Je ne peux pas vous dévoiler le dispositif, mais nous voulons prendre en compte la mobilité extrême des casseurs, l'appel croissant à la violence sur certains réseaux sociaux et l'impact des annonces du Gouvernement. Un dépôt pétrolier en Bretagne, par exemple, a été libéré cet après-midi par les manifestants, lesquels ont estimé que les annonces et le moratoire étaient suffisants pour lever le blocage.
Le dispositif de maintien de l'ordre sera donc revu en conséquence, avec une mobilité, une réactivité et une fermeté réaffirmées.