Intervention de Agnès Canayer

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 décembre 2018 à 8h35
Proposition de loi visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer, rapporteur :

Ce texte améliore l'organisation des communes nouvelles, cette « révolution silencieuse », pour reprendre les mots de Françoise Gatel. À l'heure où l'on observe une perte de confiance dans les institutions et une perte de substance de la commune, il est nécessaire d'organiser une réponse et - comme le souligne Mathieu Darnaud dans son rapport fait au nom de la mission de contrôle et de suivi des lois de réforme territoriale - de redynamiser l'échelon communal, essentiel à la vitalité de notre démocratie locale.

La commune nouvelle permet de moderniser cet échelon et de répondre aux sentiments de perte de moyens et de pouvoir réel dont se plaignent les maires. Cette forme d'organisation se développe : plus de 560 communes nouvelles rassemblant 1 910 communes et 1,9 million d'habitants existent déjà et plus de 200 projets sont en cours, dont un grand nombre verront le jour en janvier 2019.

Mais il existe certains freins à la création de communes nouvelles. Cette proposition de loi y remédie en établissant une transition plus graduelle vers le droit commun, en assouplissant les contraintes et en diversifiant les modes d'organisation territoriale par la création de la « commune-communauté ».

Le texte rend d'abord la transition plus graduelle en ce qui concerne l'effectif du conseil municipal. Aujourd'hui, lors de la création d'une commune nouvelle, le conseil municipal correspond dans 95 % des cas à l'addition des conseils municipaux des communes historiques, ce qui peut aboutir à des conseils municipaux assez pléthoriques avec 234 conseillers à Livarot-Pays d'Auge, 163 à Cherbourg ou 266 à Petit-Caux, en Seine-Maritime. Après le premier renouvellement du conseil, le nombre de conseillers municipaux est celui prévu par la loi pour les communes de la strate démographique supérieure. Après le deuxième renouvellement, le droit commun s'applique. Entre les deux premières phases, la diminution du nombre de conseillers est très forte : elle est de 40 % en moyenne et même de 85 % à Petit-Caux. Les élus locaux craignent donc que toutes les communes historiques ne soient pas représentées au conseil municipal pendant cette phase. Pour y remédier, la proposition de loi de Françoise Gatel prévoit que, pendant la seconde phase transitoire, le nombre de conseillers municipaux ne peut être inférieur à trois fois le nombre de communes déléguées.

Il me semble que cela ne va pas assez loin : cela ne concerne qu'une trentaine de projets, et la règle est peu lisible. Il serait plus simple que la réduction ne puisse être de plus des deux tiers des conseillers municipaux de la première phase. Cela freinerait la diminution dans une cinquantaine de cas. Par ailleurs, je propose de neutraliser les effets de l'augmentation éventuelle de l'effectif du conseil municipal, qui résulterait de cette nouvelle règle, sur le nombre de délégués de la commune pour les élections sénatoriales.

Il faut également limiter les effets de seuil, qui engendrent de nouvelles obligations. La création d'une commune nouvelle requiert déjà beaucoup d'énergie et de nombreuses réunions du conseil municipal. Qu'il s'agisse des contraintes liées aux logements sociaux, aux sites cinéraires, à l'accessibilité, je propose d'introduire un délai de trois ans pour donner du temps au temps. Il faut que les élus n'aient pas devant eux une montagne, mais il faut qu'ils puissent gravir la pente petit à petit.

Une autre demande récurrente des élus locaux concerne l'ordre du tableau du conseil municipal. Les maires historiques sont rangés parmi les conseillers municipaux, après les adjoints aux maires élus par le nouveau conseil municipal lorsqu'ils ne le sont pas eux-mêmes. Il serait logique que, dans la phase transitoire, ils soient placés immédiatement après le maire.

Autre volet, l'assouplissement des règles relatives aux vacances de sièges. Il est arrivé qu'il y ait des démissions entre l'arrêté de création de la commune nouvelle et l'élection du maire et des adjoints. Or, pour cette élection, il faut que le conseil soit complet. La proposition de loi prévoit une exception à cette règle pour la création d'une commune nouvelle.

Il faut cependant conserver la règle de droit commun dans les autres cas, d'autant qu'elle n'impose le renouvellement intégral du conseil municipal, au cours de la dernière année de la mandature, que si le conseil a perdu la moitié de ses membres. Aller plus loin mettrait en cause la représentativité du conseil municipal, notamment pour l'élection d'un nouveau maire. Enfin, l'amendement que je vous présenterai prévoit que le renouvellement anticipé du conseil n'entraîne pas le retour à l'effectif de droit commun avant l'échéance initialement prévue.

Notre collègue Hervé Maurey nous propose de mutualiser les mairies annexes pour faire des économies d'échelle. C'est effectivement l'un des objectifs des communes nouvelles.

La proposition de loi prévoit que le conseil municipal puisse déléguer une partie de ses pouvoirs à une commission permanente, mais cela pose des difficultés. Une telle commission existe dans les départements et les régions, dont les assemblées fonctionnent par sessions, ce qui rend nécessaire l'existence d'un organe permanent. Mais, dans une commune nouvelle, le conseil municipal, comme dans les autres communes, délibère dès lors qu'il est convoqué. Y instituer une commission permanente contreviendrait au principe selon lequel le conseil municipal règle les affaires de la commune et en éloignerait un certain nombre d'élus, alors que la mise en oeuvre d'une commune nouvelle nécessite au contraire leur implication. Nous comprenons l'objectif recherché : gagner en souplesse, notamment si le conseil municipal est pléthorique, pour éviter les problèmes de quorum. Mais une commission permanente serait trop rigide et alourdirait le fonctionnement de la commune. Nous réfléchissons à un dispositif permettant d'atteindre les mêmes objectifs louables sans ces inconvénients.

Enfin, point d'orgue de cette proposition de loi, la « commune-communauté » permettrait à toutes les communes membres d'un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de se regrouper en agrégeant les compétences communales et intercommunales sans avoir à adhérer à un nouvel EPCI. Cela permettrait de s'adapter aux spécificités de certains territoires, en réunissant les structures administratives correspondant à un bassin de vie. Au contraire, l'obligation pour une telle commune nouvelle d'adhérer à un autre EPCI, dont la taille devient ainsi immense, freine les projets de fusion de communes. L'article 4 de la proposition de loi ouvre une véritable perspective à certains territoires et constitue une réelle avancée.

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