La mobilisation des professeurs autour du mot-dièse #PasDeVague recoupe des préoccupations décrites par les travaux universitaires depuis plusieurs années et révèle la méfiance des enseignants du secondaire, mais également de l'enseignement primaire, envers leur hiérarchie directe et indirecte. La situation française diffère, à cet égard, de celles des pays étrangers. Depuis la fin des années 1990, lorsque la violence à l'école a commencé à être mesurée, nous observons une stabilité du phénomène, ainsi que sa concentration progressive dans certains établissements. 10 % des établissements concentrent 40 % des incidents signalés à l'éducation nationale. Les actes de violence spectaculaires, comme l'attaque récente d'une professeure de Créteil, existent mais ils demeurent rares. Avec Éric Debarbieux, nous avons mené en 2013 une enquête sur un échantillon de 18 000 enseignants : moins de 2 % s'étaient déclarés victimes de violences physiques, pour moitié de la part d'élèves. Si un acte de violence reste traumatique pour une équipe pédagogique, leur nombre n'explose pas.
Depuis les années 1980, environ quatorze plans de lutte contre la violence à l'école ont été lancés, sans guère de résultat. Pour autant, 85 % des élèves portent une appréciation positive sur le climat scolaire, même si ce sentiment varie d'un établissement à l'autre. La situation apparaît davantage dégradée dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP), malgré le succès de certains projets éducatifs qui ont su inverser les déterminismes sociaux.
Le premier facteur de protection des élèves et des professeurs réside dans la stabilité des équipes enseignantes et dans la mise en oeuvre de projets collectifs. Hélas, depuis les années 1980, la mobilité s'est accélérée dans les établissements dégradés, en conséquence d'un système de nomination délétère des professeurs propre à la France. La difficulté ne réside pas dans le jeune âge des enseignants de ZEP mais dans le changement permanent des équipes. Dans les établissements où cette difficulté a été aplanie, le climat scolaire s'améliore.