L'élément de langage « administration » renvoie à la porte du couloir où sont les secrétaires, le chef d'établissement et son adjoint. Au sens large, cela concerne aussi les inspecteurs. La réforme du collège de 2016 a donné lieu à une application violente sur le terrain : la formation continue était du caporalisme. Les inspecteurs martelaient que c'était une bonne réforme, que nous n'avions pas le droit de ne pas être d'accord et qu'il fallait l'appliquer. J'avais l'impression que nos inspecteurs avaient oublié leur avis personnel, de même que l'intelligence de la situation, et appliquaient sagement les ordres.
Ma petite soeur, professeure d'allemand, travaille dans deux établissements. Selon l'inspectrice, malgré la réforme de 2016 qui a sinistré cette discipline avec la fin des classes bi-langues, il n'y a aucun problème, tout va bien : « vous devriez faire des projets ». Depuis deux ans, ma soeur se bat pour avoir des heures afin d'initier les élèves de CM2 à cette langue pour qu'ils continuent en sixième - dans l'académie de Grenoble, l'italien prend la plus grande part. On refuse de les lui donner, tout en lui déclarant que sa situation pourrait être pire : elle pourrait être sur trois établissements ! L'administration ne voit pas nos problèmes.
Je ne me suis pas remise de la signature du décret la nuit suivant les manifestations contre la réforme du collège en 2016. Avec mes collègues, nous avions manifesté en toge, des poubelles nous tenant lieu de chars. Ce fut une vraie claque en pleine figure : malgré tout ce que nous faisions, le Gouvernement faisait passer sa réforme.
Au collège Évariste Galois, à Nanterre, nous disposions, chaque mois, d'une heure de réunion syndicale d'information. Mais rien de tel n'existe dans mon établissement actuel. Quant à la solidarité entre collègues, si l'entraide et le dialogue peuvent se nouer en salle des professeurs, il demeure difficile de ne pas être stigmatisé lorsque nous rencontrons un souci en classe. Certains enseignants se trouvent abandonnés par leurs collègues qui les jugent avec mépris. Nous avons tous assisté à des scènes de cet ordre en conseil de classe.
En ÉSPÉ, nous n'apprenons pas à construire un cours avant le mois de novembre. Des réunions y sont certes organisées pour évoquer les difficultés rencontrées en stage, mais elles ressemblent davantage à une rencontre des Alcooliques anonymes. Lors de ma scolarité, j'ai eu la désagréable l'impression d'être obligée, pour être titularisée, d'ingurgiter des éléments de langage et des postures pédagogiques imposés. Mon constat n'est guère meilleur en matière de formation continue : le plus souvent, le formateur n'a rien préparé et propose que nous co-construisions une séance qu'il pourra ensuite réutiliser à sa guise.
J'appartiens au conseil d'administration et au conseil de discipline de mon établissement. Si les situations varient d'un collège et d'un principal à l'autre, mon expérience me conduit à qualifier le conseil d'administration de chambre d'enregistrement, où nous sommes seulement autorisés à interroger et à réagir.