Intervention de Laurent Michel

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 22 novembre 2018 à 8h30
Audition de M. Laurent Michel directeur général de l'énergie et du climat dgec au ministère de la transition écologique et solidaire directeur de l'observatoire national sur les effets du réchauffement climatique onerc

Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat :

Le dernier rapport du GIEC sur les impacts d'un réchauffement climatique global de 1,5°C souligne que la hausse de température atteint déjà +1°C au niveau mondial et +1,5°C en France par rapport à l'ère préindustrielle. Il met aussi l'accent sur les impacts attendus : recrudescence et intensification des événements climatiques extrêmes, hausse du niveau des mers, fonte des glaces, raréfaction des ressources en eau, diminution de la production agricole, accentuation des menaces sur la biodiversité terrestre et marine, atteintes à la santé, pertes économiques, accroissement de la pauvreté.

Le GIEC rappelle que, sans un rehaussement des ambitions, le réchauffement atteindra +1,5°C entre 2030 et 2050 et +3°C d'ici 2100. Ces projections reposent sur l'hypothèse que tout ce qui est prévu dans les accords de Paris sera effectivement mis en oeuvre - ce qui est déjà loin d'être évident, dans la mesure où cela implique des transformations radicales dans tous les secteurs de la société et dans le monde entier. Toutefois, plus on démarre tard dans le processus d'atténuation, plus les efforts nécessaires seront lourds et devront faire appel à des techniques complexes et encore mal maîtrisées d'extraction du carbone de l'atmosphère. Enfin, dernier rappel introductif : du point de vue des impacts et des coûts, la différence est très importante entre un objectif de 1,5°C et un objectif de 2°C. Chaque demi-degré compte ; chaque année compte ; chaque décision compte.

Les effets du réchauffement, ce sont des choses très concrètes et déjà avérées : baisse de l'enneigement, sécheresses plus fréquentes, plus marquées et plus longues, baisse des rendements agricoles, diffusion et aggravation des risques d'incendie (la moitié des forêts métropolitaines seront soumises à un risque d'incendie élevé dès 2050), diffusion des vecteurs de maladies comme le moustique tigre, etc.

Pour en venir aux politiques d'adaptation au changement climatique, je rappellerai d'abord qu'elles ont été initiées relativement tôt en France. La stratégie nationale d'adaptation a été définie dès 2007 et le premier plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) a été mis en oeuvre sur la période 2011-2015. Ce plan a été soumis ensuite à une évaluation en 2015, elle-même suivie d'une concertation nationale en 2016-2017. Le deuxième plan d'adaptation (PNACC-2), issu d'un large travail interministériel, devrait être annoncé prochainement.

La politique d'adaptation est une politique publique en soi, mais c'est aussi une politique à prendre en compte dans toutes les politiques publiques, d'où l'importance de la démarche interministérielle.

Le premier axe du PNACC-2 concerne la gouvernance et le pilotage. Il est décliné en quatre thèmes : la cohérence entre les politiques d'atténuation et d'adaptation ; le pilotage et le suivi du PNACC-2 ; l'articulation des différentes échelles territoriales en métropole et outre-mer, et la mobilisation des leviers normatifs et réglementaires. Sur la question des niveaux territoriaux, je souligne qu'il ne s'agit pas seulement de décliner localement un plan national : les échanges doivent aller dans les deux sens. Il est important que les observations et les expériences locales « remontent » pour enrichir la politique nationale. C'est pourquoi nous allons développer un réseau d'observatoires et de comités régionaux de l'adaptation, en métropole et en outre-mer.

Le deuxième axe du plan porte sur la thématique « Prévention et Résilience » et s'organise en quatre thèmes : outils de la prévention des risques naturels ; santé publique ; vie et transformation des territoires ; feux de forêt et broussailles. D'ores-et-déjà, le ministère de l'intérieur commence à travailler pour s'adapter à l'augmentation de l'aléa incendie et à l'extension des zones propices aux incendies, notamment par l'achat de bombardiers et le rappel des obligations de débroussaillage. Concernant les risques liés aux canicules, un travail est mené autour de la diffusion de messages de prévention par les étudiants du service sanitaire.

Le troisième axe s'intitule « Nature et milieux » et s'intéresse à cinq grands enjeux : ressource en eau et écosystèmes aquatiques ; sols ; mer et littoral ; forêt et biodiversité. Une des recommandations du plan sera de s'appuyer sur la mise en oeuvre de solutions fondées sur la nature et le renforcement de la résilience des écosystèmes, par exemple à travers la renaturation de cours d'eau ou la restauration de zones humides. Je signale au passage que les comités de bassin et agences de l'eau ont tous adopté une stratégie d'adaptation dans les bassins hydrographiques.

L'axe consacré aux filières économiques traite de six thèmes : prospective socio-économique et sensibilisation des filières ; cadre pour l'évaluation des projets d'investissement ; tourisme ; pêche et aquaculture ; filières agricoles et alimentaires ; filière forêt bois et secteur financier. C'est un des apports novateurs du deuxième plan : la participation d'un certain nombre de filières à la politique d'adaptation. Cela va se traduire par la réalisation d'études prospectives visant à analyser leurs vulnérabilités actuelles et futures et à définir des cadres pour orienter les investissements.

L'axe suivant est transversal. Il vise à renforcer la connaissance et l'information autour du réseau des laboratoires et des agences qui sont très actifs dans le cadre du GIEC et se situent souvent en pointe au niveau mondial sur les questions climatiques. Cet aspect du plan s'organise en quatre thèmes : « Recherche et connaissance », « Éducation et Formation », « Information, sensibilisation et participation » et « Services climatiques ». Ce dernier thème vise à rendre la connaissance scientifique opérationnelle, à transformer les résultats de la recherche en outils au service des acteurs et de leurs politiques d'adaptation. Nous allons notamment développer un réseau national de services climatiques. Le portail DRIAS met déjà à disposition du public des projections climatiques régionalisées, délivrées sous forme graphique ou numérique.

Enfin, le dernier axe du plan porte sur la dimension internationale : il concerne la présence et l'influence internationales de la France dans le domaine particulier des politiques d'adaptation ; la contribution scientifique internationale ; l'aide au développement ; l'action internationale des acteurs locaux ; les problématiques transfrontalières et l'Union Européenne.

La suite du processus consistera à publier le plan - ce sera fait dans les semaines qui viennent. Le Conseil national de la transition écologique comprend des commissions spécialisées. Celle dédiée à l'adaptation est aujourd'hui présidée par le sénateur Ronan Dantec. Elle sera chargée de suivre la mise en oeuvre du plan. Le Cerema, Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, est chargé quant à lui de mettre en place un centre de ressources sur l'adaptation au changement climatique. Ce sera un outil de recensement des bonnes pratiques, de suivi des actions du PNACC-2 et d'information et de conseil aux parties prenantes, dont les collectivités.

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