Le Sénat a achevé en première lecture hier l'examen du projet de loi de finances pour 2019 et nous nous retrouvons déjà, mais nous devrions conclure assez vite....
Nous étions en désaccord sur la baisse des prélèvements obligatoires, sur l'insuffisance de la maîtrise des dépenses publiques et l'engagement des réformes structurelles.
Comme ce budget devait être selon le Gouvernement le « budget du pouvoir d'achat », nous avons essayé d'être conformes à ses intentions et nous avons d'emblée supprimé les hausses de la fiscalité énergétique prévues dès l'an dernier, suppression à laquelle s'est ensuite rallié le Gouvernement.
Nos points de désaccord portent aussi sur l'impôt sur la fiscalité immobilière et la suppression de la taxe d'habitation.
Nous avons également rejeté un certain nombre de missions : Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, Cohésion des territoires, Écologie, développement et mobilité durables, Immigration, asile et intégration, Sécurités et Sport, jeunesse et vie associative.
Au-delà, le Sénat a modifié bon nombre de dispositions du projet de loi en première lecture, qui sont des sujets de désaccord. Nous avons aussi adopté un amendement portant article additionnel pour acter le gel de la hausse des taxes sur les carburants, dès le 14 novembre en commission des finances et le 26 novembre en séance publique. Pour mémoire, nous avions déjà refusé la trajectoire de la fiscalité énergétique présentée dans le projet de loi de finances pour 2018, pour 2019 et les années suivantes, et notre collègue Jean-François Husson, rapporteur spécial, avait évoqué le risque de « bonnets rouges » et parlé de fiscalité « punitive ». Le Sénat a donc confirmé son vote de l'année dernière et alerté le Gouvernement depuis longtemps. Il faudrait donc remercier le Sénat, sans évoquer les atermoiements du Gouvernement, qui dispose désormais de l'article 18 terdecies, permettant de stabiliser la fiscalité pesant sur les carburants.
En termes de fiscalité énergétique, nous avons aussi adopté des amendements tendant à créer une franchise de taxe générale sur les activités polluantes à hauteur de ce qui ne peut être recyclé et sur le gazole non routier (GNR).
Le Sénat a également adopté un article additionnel afin de faire échec à l'arbitrage des dividendes, à la suite d'un article du Monde, à l'initiative de la quasi-totalité des groupes politiques et sur un avis de sagesse du Gouvernement. L'Assemblée nationale pourra sans doute le conserver, car nous considérons que ce dispositif « tourne ».
Afin d'inscrire ce budget dans une trajectoire favorable au pouvoir d'achat, le Sénat a adopté d'autres mesures comme le relèvement du quotient familial.
Parmi les autres mesures, figurent notamment l'extension de l'exception aux conditions de déductibilité des charges de copropriété pour la détermination du revenu net foncier imposable de 2018 aux dépenses afférentes aux travaux subventionnés, le refus de la prise en charge du coût des exonérations de la taxe d'habitation par les collectivités territoriales à hauteur de 75 %, l'extension du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital aux gains constatés lors d'une sortie anticipée d'un plan d'épargne en actions et l'introduction d'une franchise de 10 000 euros en deçà de laquelle le plafond de la réduction d'impôt au titre des dépenses de mécénat ne s'applique pas - je crois qu'il y a un accord sur ce dernier point. En outre, le Sénat a amélioré le « pacte Dutreil », s'est opposé au relèvement du seuil d'imposition sur les revenus des non-résidents, a supprimé des petites taxes - comme celle sur les radioamateurs, dont la collecte est quatre fois plus coûteuse que son rendement - et exonéré de fiscalité les sommes misées dans le cadre du loto du patrimoine.
En seconde partie, le Sénat a étendu le crédit d'impôt pour la transition énergétique pour les fenêtres, est revenu sur la suppression de l'exonération de taxe spéciale sur les conventions d'assurances, dont l'effet aurait été de renchérir le coût des emprunts, a supprimé la réforme des valeurs locatives des locaux industriels, a proposé des améliorations à la réforme de la taxe de séjour et est revenu sur des suppressions de dépenses fiscales. À la suite des conclusions d'une mission d'information sur Alstom, le Sénat a également conditionné le bénéfice du crédit d'impôt recherche à l'engagement de l'entreprise de maintenir son activité sur le territoire national pendant trois ans. Enfin, le Sénat a intégré en seconde délibération l'une des annonces du Président de la République sur la revalorisation de la prime d'activité, malgré le flou qui entoure encore actuellement ce dispositif.
Ceci n'est qu'un panorama, non exhaustif, des mesures adoptées par le Sénat, le président Éric Woerth ayant rappelé le nombre d'articles modifiés, supprimés ou ajoutés par le Sénat. Si la commission mixte paritaire ne devait pas aboutir, beaucoup de dispositions adoptées par le Sénat pourraient être reprises sans difficulté, ce que m'a confirmé le rapporteur général de l'Assemblée nationale, Joël Giraud, et je l'en remercie. Cependant, il y en a bien d'autres pour lesquelles un accord avec la majorité de l'Assemblée nationale est difficile à envisager.
En tout état de cause, je crois que nous avons tous le sentiment de quelque chose d'inachevé. Avec les différentes annonces, les grands équilibres financiers vont être fortement modifiés par rapport au projet de loi de finances de départ. Nous ne savons pas aujourd'hui quel sera le montant exact du déficit, s'il y aura des mesures en recettes ou un nouveau projet de loi de finances rectificative, quelle sera la nouvelle trajectoire des finances publiques. Malheureusement le délai constitutionnel d'examen des lois de finances ne nous permet pas de travailler plus longuement sur ce budget, ce qui aurait été nécessaire dans ce contexte. Je crains que nous ne trouvions pas d'accord dans le peu de temps qui nous reste : nous ne sommes pas d'accord sur la dégradation du solde budgétaire et sur l'absence d'économies sur les dépenses publiques.