Je ne récuse pas l'adverbe « religieusement », qui figure dans le serment de magistrat. Nous devons assumer notre héritage, pour savoir où l'on va, et ce mot signifie « lien ». Le pape François a dénoncé récemment la « culture de l'abus ». J'ai trouvé cela très juste : il faut nommer précisément les choses. On abuse de quelque chose de possible, en allant un peu trop loin, et la frontière est floue. Il faut parler de violences sexuelles et non d'abus.
L'autorité se distingue, selon Hannah Arendt et le pédopsychiatre Daniel Marcelli, de la violence et de la séduction. Tout adulte, parent mais aussi tout adulte exerçant une autorité, doit se contraindre à n'être ni dans la violence, ni dans la séduction. Les psychiatres mettent notamment en garde contre le fait de parler des faits de manière déplacée ou obscène. Les espaces de parole ne doivent pas être un espace de séduction ni d'effraction dans l'intime de l'enfant.
Pour reprendre le titre de l'ouvrage d'Alain Peyrefitte, nous devons vivre dans une société de confiance mais certaines personnes transgressent ce principe de confiance. Nous devons nous en prémunir. Le film Mon corps, c'est mon corps, consultable sur internet, peut être un bon outil pédagogique.
Les violences conjugales sont d'une extrême gravité pour le développement de l'enfant : 80% des enfants qui y sont confrontés sont dans un état de stress post-traumatique ; 40 % à 70 % des enfants témoins de violences conjugales sont par ailleurs eux-mêmes victimes de violences physiques. La fille d'un violent conjugal a 6,5 fois plus de risques qu'une autre d'être victime de violences incestueuses. En effet, celui-ci veut obtenir un pouvoir physique, psychique ou sexuel sur les femmes avec lesquelles il vit.
Je suis également sensible au risque de délinquance chez les enfants victimes. Chez les enfants victimes de violences, trois grands types de troubles sont détectés : un état de stress post-traumatique, une atteinte à soi-même - retard de développement, du langage, rupture scolaire, tendances suicidaires, toxicomanie... - et des atteintes à autrui, notamment des violences. Deux tiers des enfants les plus violents ont été témoins de violences conjugales.
D'après mon expérience, souvent les enfants victimes de viol reproduisent le viol sur leurs petits frères et soeurs, par modèle appris et distorsion du rapport à la loi. Sortons de ce modèle d'impunité. Dans la manière d'aborder les conduites, ayons un discours clair sur les conséquences pénales.