Intervention de Bruno Le Maire

Commission spéciale transformation entreprises — Réunion du 12 décembre 2018 à 18h15
Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie et des finances

Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Monsieur Hugonet, la Nation nous rassemble tous et je crois à la maîtrise des dépenses publiques comme condition de sa réhabilitation et de notre succès économique. Le Président de la République a fait des annonces nécessaires et justes, mais nous devons désormais trouver des solutions pour nous rapprocher au maximum de la règle des 3 % de déficit, que nous avons acceptée et qui nous permet de bénéficier d'une monnaie forte, en mettant notamment à contribution les grandes entreprises et les géants du numérique. Nous pourrons ainsi accélérer les indispensables réformes structurelles.

Rappelez-vous à quelle vitesse nos comptes publics se sont dégradés depuis dix ans : en 2007, la dette publique représentait 64 % du PIB, et cette proportion a bondi de plus de 30 points en quelques années ! Nous nous approchons des 100 % mais nous avons commencé à redescendre. Si nous pouvions accélérer le rythme, ce serait mieux.

Il y aussi une sorte de mécanique infernale avec les prélèvements obligatoires : rien ne semble pouvoir arrêter l'augmentation des impôts et des taxes, année après année. Il faut inverser cette tendance ! Nous avons commencé à le faire. Comme ministre des finances, je veux réduire les impôts des Français - et je n'ai pas pour habitude de leur vendre des illusions : ministre de l'agriculture, j'ai toujours dit les choses avec franchise et le plus clairement possible aux agriculteurs. Je le dis avec la même franchise et la même clarté au contribuable français : si nous voulons accélérer la baisse des impôts, il faut accélérer la baisse des dépenses, car je ne connais aucune solution miracle pour baisser les taxes et les impôts sans baisser les dépenses.

La double caisse, du strict point de vue de la maîtrise des finances, est parfaitement vertueuse. L'une des deux, le duty free, rapporte beaucoup et l'autre, les redevances aéroportuaires, coûte gros. L'intérêt de la double caisse est d'éviter que des performances moins positives sur les activités de service public soient systématiquement dissimulées par les revenus commerciaux, ce qui supprime l'incitation à améliorer le service public. Elle fait la transparence sur les prix, quand la caisse unique a un effet inflationniste : à Heathrow, où il y a une caisse unique, les tarifs ont fortement augmenté au cours des dix dernières années, alors qu'à Paris, les redevances d'ADP sont celles qui ont le moins augmenté depuis dix ans. L'aéroport de Francfort, qui est l'un des mieux gérés d'Europe, a un système de double caisse.

Sur la réforme de l'État, vous parlez d'or. Pour avoir dirigé plusieurs administrations centrales, je considère qu'on peut encore faire des efforts. Il faut toutefois préserver les services publics, notamment en zone rurale, et demander des efforts plus importants aux administrations centrales. Nous pouvons faire mieux que ce que nous avons fait, tous gouvernements confondus, depuis vingt ans.

Vous avez évoqué les taux de prélèvements : pour parler simplement, il faut aller chercher l'argent là où il est. Notre fiscalité prend l'argent là où il n'est pas et ne le prend pas là où il est. C'est pourquoi je me bats avec détermination pour que les géants du numérique soient imposés. D'abord parce que, comme n'importe quel Français j'ai soif de justice : que mon libraire paie 14 points d'impôts de plus qu'Amazon qui lui fait directement concurrence pose un véritable problème. Mais il y a aussi une considération d'efficacité : comme la valeur est de plus en plus dans les données, il est indispensable de les fiscaliser. Le combat est difficile, vu les intérêts économiques considérables en jeu.

Au G7 Finances que je présiderai l'année prochaine, la taxation minimale sera ma priorité absolue. Je ne veux plus que des multinationales qui opèrent en France installent leurs sièges aux îles Caïman, aux îles Vierges ou en Irlande pour bénéficier d'un taux d'imposition inférieur. Il y a des oppositions farouches, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis notamment.

J'ai rencontré le président de la CCI dans votre ville, monsieur Babary. Je sais que les conditions d'élection des représentants au niveau départemental sont un sujet sensible, que certains, qui voudraient réformer, sont mis en minorité et que cela pose un véritable problème. C'est pourquoi je souhaite que nous maintenions les élections des représentants au niveau départemental.

Rendre obligatoire l'intéressement et la participation par accord de branche ? Ce texte est fait pour les PME et ne comporte, volontairement, aucune obligation : tout y est incitatif et simplificateur. La question se pose, il ne s'agit pas de se retrouver avec un forfait social supprimé et des entreprises qui ne saisissent pas cette opportunité pour les salariés. Nous aurons le débat, au Sénat j'espère.

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