Madame la ministre, je vous remercie d’avoir participé à ce débat interactif et d’avoir répondu à l’ensemble de mes collègues.
Je formulerai deux réflexions.
La première porte sur la politique de l’Union européenne, que l’on caractérise par définition comme une politique des petits pas, mais ce sont des pas décisifs. C’est vrai en ce qui concerne l’Union économique et monétaire, le budget d’investissement, et c’est également vrai en ce qui concerne la règle de l’unanimité. En la matière, il n’est pas facile de faire évoluer nos collègues, même si nous entretenons des rapports extrêmement constructifs avec le Sénat néerlandais, par exemple, avec lequel nous évoquons régulièrement cette question.
Même si cela date non pas d’hier, mais plutôt d’avant-hier, la crédibilité de la France, dès que l’on aborde les problématiques financières, n’est pas énorme. Dans quelque temps, notre déficit risque de dépasser les 3 % ; il faudra alors expliquer à nos partenaires les raisons de ce nouveau dépassement, en espérant que celui-ci ne sera observé que pour la seule année 2019, car, à défaut, si cette situation devait se produire deux années de suite, nous ferions une nouvelle fois l’objet d’une procédure pour déficit excessif.
Mais l’Europe, ce n’est pas uniquement la politique des petits pas ; elle doit être aussi la politique des grandes décisions et des mutations.
Je ne pensais pas évoquer ce sujet, mais puisqu’un certain nombre de mes collègues ont abordé la politique agricole commune, je veux vous dire, madame la ministre, que j’ai noté que vous aviez bon espoir de maintenir la ligne budgétaire en euros courants. Je ne veux pas être cruel, mais je vous rappelle que, en euros constants, la baisse sera de 12 % au minimum.
La problématique n’est pas seulement une problématique financière. Notre crainte – et le Sénat a alerté le Gouvernement sur ce point et a dénoncé cette situation –, c’est que nous n’assistions en février à un échec de la loi ÉGALIM, ou loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Pourquoi ? Parce qu’en matière agricole, la fixation des prix ne relève pas, comme dans les autres secteurs d’activité, de l’économie de marché au sens commun. Un coût de production, en agriculture, est différent selon les modèles d’agriculteur et les modèles d’agriculture.
Un échec annoncé de la loi ÉGALIM nous placerait en grande difficulté sur le plan sociétal. Aussi, je ne peux que vous inviter – le Sénat le fera de façon très concrète en janvier ou en février – à aborder la politique agricole commune sous un autre angle, non pas seulement l’angle budgétaire, en retravaillant les articles 32 et 39 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et ce afin que les directions générales de l’agriculture et de la concurrence établissent un partenariat très étroit.
La raison en est simple : au lendemain de la signature du traité de Rome, pour diminuer le prix du panier de la ménagère, on avait imaginé qu’il fallait favoriser le regroupement de la demande, et non pas celui de l’offre. Un demi-siècle après, vous voyez les dérives qui se sont ensuivies.
Nous regrettons – nous l’avons redit au commissaire Moscovici la semaine dernière – qu’il n’ait pas été tenu compte des préconisations que nous avions formulées dans deux résolutions du Sénat, en date du 8 septembre 2017 et du 6 juin 2018. En effet, la réponse de la Commission européenne est allée carrément à l’encontre de nos propositions en la matière.
La politique agricole commune sera, je le crains, au cœur de nos grandes inquiétudes sociétales que nous évoquerons au mois de février prochain. Je le répète, j’aimerais qu’on aborde le problème bien sûr sous l’angle budgétaire, mais également sous l’angle de la concurrence.
L’Europe, ce sont de petits pas, mais ce sont aussi les grandes mutations. La direction générale de la concurrence doit vivre avec le XXIe siècle : on a parlé de l’intelligence artificielle, eh bien remettons véritablement ce dossier à l’ordre du jour, car, à défaut, nous aurons malheureusement, je le redoute, de grandes déconvenues !