Monsieur le président, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit ce jour est nécessaire et je remercie le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, et la conférence des présidents du Sénat d’avoir permis son inscription à l’ordre du jour dans des délais si contraints.
Cette proposition de loi est nécessaire, car elle répond à la fois à une urgence et à un impératif de santé publique.
Le contexte est simple, et il sera certainement évoqué par la rapporteur : à compter du 1er janvier 2019, des centaines de praticiens médicaux titulaires de diplômes obtenus dans un pays n’appartenant pas à l’Union européenne présents dans les hôpitaux ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions ; ils devraient de ce fait cesser leur activité.
Une telle cessation brutale aurait d’importantes conséquences en termes de santé publique, car ces praticiens sont souvent indispensables dans les établissements de santé au sein desquels ils exercent. Je pense en particulier aux zones de notre territoire qui souffrent d’un grave déficit de médecins, ou à des spécialités particulièrement en tension.
La question qui se pose – elle est justifiée – est celle-ci : comment en est-on arrivé là ?
Vous le savez, il existe plusieurs procédures d’autorisation d’exercice des praticiens à diplômes hors Union européenne, les PADHUE.
Selon la procédure de droit commun, les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne doivent obtenir une autorisation de plein exercice.
La liste A prévoit qu’ils doivent d’abord réussir un concours comportant des épreuves de vérification des connaissances et justifier d’un niveau de maîtrise suffisante de la langue française. Ils doivent ensuite assurer des fonctions rémunérées durant une année probatoire, au cours de laquelle ils continuent d’exercer sous des statuts d’exercice restreint.
En ce qui concerne les praticiens ayant la qualité de réfugié ou d’apatride ou bénéficiant de l’asile territorial, il est prévu qu’ils puissent bénéficier d’une procédure dérogatoire d’autorisation sur examen, dite « liste B ».
Enfin, une troisième procédure accorde à certains praticiens une autorisation temporaire d’exercer et la possibilité de passer un examen spécifique, afin d’obtenir une autorisation de plein exercice.
Le premier dispositif permet à des médecins recrutés dans des établissements de santé français avant la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle d’exercer de manière pérenne, mais sans autorisation de plein exercice.
Le dispositif, dit « liste C » – il fait l’objet de la présente proposition de loi –, est un mécanisme d’autorisation temporaire, accessible sous condition de date de recrutement et de durée d’exercice.
L’article 83 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a strictement défini les critères d’éligibilité à ce dispositif dérogatoire d’autorisation temporaire.
Les praticiens éligibles à ce mécanisme doivent être titulaires d’un diplôme permettant l’exercice de la médecine dans le pays d’obtention. Ils doivent avoir été recrutés avant le 3 août 2010 dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d’intérêt collectif. Ils doivent, en outre, justifier de l’exercice de fonctions rémunérées pendant au moins deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011, ainsi que de l’exercice, pendant trois années en équivalent temps plein, dans des services agréés pour la formation des internes.
Afin d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice et de sortir de ce dispositif temporaire d’autorisation, ces praticiens sont invités à se présenter à un examen aménagé et, une fois qu’ils ont satisfait à cet examen de vérification des connaissances, ils doivent ensuite exercer des fonctions rémunérées durant une année probatoire.
Depuis sa mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, la procédure d’autorisation sur examen de la liste C a permis à plusieurs milliers de praticiens d’obtenir une autorisation pérenne de plein exercice, mais quelques centaines d’entre eux – entre 300 et 350, selon la direction générale de l’offre de soins, la DGOS – continuent d’exercer grâce à la seule autorisation temporaire d’exercice, faute d’avoir passé l’examen de la liste C ou parce qu’ils y ont échoué.
L’article unique de la proposition de loi prévoit donc de prolonger de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020, la procédure dérogatoire mise en place par le IV de l’article 83 de la loi du 21 décembre 2006. Les praticiens concernés pourront ainsi continuer d’exercer, sans autorisation de plein exercice, au-delà du 1er janvier prochain.
Le Gouvernement soutient cette proposition de loi, dont l’unique objet est bien de répondre à une situation d’urgence.
Néanmoins, chacun le reconnaît, et cela a été exprimé lors des travaux de la commission des affaires sociales, le texte qui sera adopté aujourd’hui ne se substitue nullement à l’engagement d’une réflexion plus globale sur la mise en place d’un dispositif pérenne.
Le Gouvernement souhaite intégrer durablement dans notre système de santé les praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne exerçant à ce jour dans les établissements de santé français et répondant aux exigences professionnelles requises.
J’aimerais profiter de l’examen de cette proposition de loi pour présenter les orientations étudiées en ce moment par le Gouvernement.
Notre priorité sera de sécuriser les processus de vérification des compétences acquises et d’améliorer les conditions d’intégration des praticiens ayant obtenu un diplôme hors de l’Union européenne au système de santé français.
Nous souhaitons poser les bases d’un nouveau dispositif qui permette à la fois de s’assurer des compétences dont disposent les praticiens qui exercent actuellement au sein des établissements en déstabilisant le moins possible le fonctionnement des établissements qui dépendent fortement de ces praticiens et de créer les conditions pour résoudre la situation actuelle.
Notre démarche se veut collective et le Parlement sera pleinement associé à ces travaux, qui se veulent à la fois soucieux de la prise en compte de ces professionnels qui participent depuis plusieurs années au fonctionnement du système de santé dans des conditions souvent difficiles et précaires, exigeants et sécurisants en termes de vérification des compétences, responsables en termes de maîtrise future des conditions d’accès à l’exercice en France.