Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors Union européenne, déposée il y a un peu plus d’un mois et débattue dernièrement sur les bancs de l’Assemblée nationale.
Ce texte, constitué d’un article unique, appelle plusieurs commentaires du groupe Union Centriste, au nom duquel j’interviens cet après-midi.
Ils portent à la fois sur la forme et sur le fond.
Tout d’abord, sur la forme, il ne nous aura pas échappé que l’échéance des autorisations temporaires d’exercer pour la catégorie de personnels susmentionnée arrive très rapidement à son terme.
En effet, celles-ci ne sont valables légalement que jusqu’au 31 décembre 2018. Ainsi, à compter du 1er janvier 2019, plusieurs centaines de ces praticiens seront dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions. C’est donc l’urgence qui justifie avant tout l’inscription de ce texte à notre ordre du jour.
Toutefois, il est regrettable que cette proposition de loi soit discutée dans de telles conditions de rapidité, pour ne pas dire de précipitation, à quinze jours seulement d’une date qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour nos hôpitaux et nos territoires si rien ne changeait. Je reviendrai dans quelques instants sur cette question des effets.
En outre, il est vrai que le calendrier s’est trouvé bousculé par la décision du Conseil constitutionnel du 6 septembre dernier, qualifiant de « cavalier législatif » la même disposition inscrite auparavant à l’article 42 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Par conséquent, il eût été préférable que ce sujet soit étudié plus tôt, afin d’avoir véritablement le temps d’en débattre et de l’approfondir.
Pourquoi avoir attendu le mois de décembre, alors que cette situation était pourtant connue des services du ministère des solidarités et de la santé ?
Je souhaite m’arrêter quelques secondes sur les suites, plutôt favorables, qui devraient être réservées à ce texte.
La Constitution de la Ve République, plus particulièrement son article 39, reconnaît au Premier ministre, mais également aux deux chambres, le droit d’initiative législative. Aussi, et il est important de le souligner, le vote de la loi conditionne en pratique une certaine forme de collaboration dans les rapports entre le pouvoir parlementaire et l’exécutif, afin que des propositions de loi puissent véritablement aboutir.
Je l’ai dit, les conditions d’urgence exigent que nous votions favorablement ce texte déposé – je le précise – par un député de la majorité.
A contrario, lorsque l’initiative est sénatoriale, urgente et favorable à 11 millions de personnes – les proches aidants –, la collaboration avec la majorité à l’Assemblée nationale et le Gouvernement est bien moins fructueuse…
C’est donc avec un esprit de responsabilité que nous débattons de la présente proposition de loi.
Sur le fond, il convient de rappeler que plusieurs structures de santé ont recours à des praticiens diplômés au sein de l’Union européenne, mais aussi à des professionnels diplômés hors Union européenne.
La désertification médicale est l’une des raisons expliquant cette situation. Comme l’a précisé l’auteur de ce texte, une partie « de la population se situe dans des territoires prioritaires pour l’accès aux soins que l’on appelle des zones sous-denses. Les cabinets médicaux comme les services d’urgence ou les établissements médico-sociaux, sont saturés. »
En effet, qui parmi nous n’a pas été confronté à des heures d’attente interminable au service des urgences ? Combien de femmes sur notre territoire doivent parcourir des dizaines et des dizaines de kilomètres pour accoucher ? Enfin, combien de mois certains patients doivent-ils attendre pour avoir un rendez-vous chez un spécialiste ? Et je ne parlerai même pas des difficultés rencontrées par des médecins exerçant dans des zones rurales pour pouvoir être remplacés afin de prendre une retraite bien méritée !
Sur ce point, le plan d’accès aux soins, présenté en octobre 2017 par le Gouvernement, entend apporter différentes réponses pour pallier ces difficultés et pour mieux organiser la permanence des soins grâce à l’exercice regroupé.
La fin du numerus clausus, voulue par le Président de la République, est une piste supplémentaire. En attendant, des praticiens diplômés hors Union européenne occupent ces postes restés vacants. Selon la Fédération des praticiens de santé, la FPS, ils représenteraient environ 10 % de l’effectif national de praticiens. De ce fait, ils participent à cette mission de service public, ce que je veux souligner.
Certains bénéficient d’une autorisation de plein exercice obtenue après concours – c’est la liste A ; d’autres jouissent, au titre d’un dispositif dérogatoire, d’une autorisation temporaire d’exercer et de la possibilité de passer un examen spécifique pour l’obtention d’une autorisation de plein exercice – c’est la liste C.
Avant la mise en œuvre des mesures que j’ai citées, il apparaît nécessaire de sécuriser la situation de ces derniers, qui, dans moins de quinze jours, ne pourront plus continuer d’exercer. Plusieurs centaines de praticiens médicaux seraient concernées.
Mes chers collègues, cette situation ne sera pas sans conséquence pour certains de nos territoires, notamment ruraux, et pour le fonctionnement des établissements de soins, qui, à ce jour, font face à des difficultés de recrutement.
Si cette proposition de loi n’aboutissait pas, ce seraient des prises en charge médicales en moins. Ce seraient par ailleurs d’énormes difficultés pour ces structures à assurer la permanence des soins.
Par conséquent, pour des raisons et des enjeux de santé publique, l’octroi d’un délai supplémentaire de deux ans pour ce régime dérogatoire demeure indispensable.
Enfin, s’agissant de cette catégorie de praticiens diplômés hors Union européenne, il est urgent de clarifier leur statut. Celui-ci demeure particulièrement précaire, à la fois professionnellement et socialement.
Comme le déclarait le président de la FPS à la presse spécialisée, « officiant selon divers statuts, certains sont internes, attachés, assistants, d’autres sont même contractuels ».
Le constat du manque de perspectives d’évolution, du manque de stabilité et des rémunérations est à déplorer. Les syndicats dénoncent d’ailleurs le nombre insuffisant de postes ouverts aux concours.
Par conséquent, le groupe Union Centriste votera bien évidemment en faveur de ce texte. Mais dans le cadre du plan « Ma santé 2022 », il invite le Gouvernement à prendre en considération la précarité dans laquelle se trouvent certains de ces praticiens et leurs difficultés à intégrer pleinement notre système de santé.