Intervention de Martin Lévrier

Réunion du 18 décembre 2018 à 14h30
Praticiens diplômés hors union européenne — Adoption définitive en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Martin LévrierMartin Lévrier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, la stratégie nationale de santé et du plan « Ma santé 2022 » prévoit une transformation en profondeur autour de trois axes prioritaires : placer le patient au cœur du système et faire de la qualité de sa prise en charge la boussole de la réforme, organiser l’articulation entre médecine de ville, secteur médico-social et hôpital pour mieux répondre aux besoins de soins de proximité, repenser les métiers et la formation des professionnels de santé.

Mener à bien ces actions sans un nombre suffisant de praticiens se révélerait très compliqué, pour ne pas dire impossible. Depuis les années 1980, l’évolution de la démographie médicale française engendre une inégale distribution de ces derniers sur le territoire national. Ces déséquilibres sont en partie liés à des déficits de professionnels dans les hôpitaux périphériques délaissés par les nouvelles générations de médecins.

Pour pallier ces déficits dramatiques au sein de structures hospitalières, les praticiens à diplôme hors Union européenne viennent travailler en France. Le phénomène n’est pas récent et la problématique générale reste complexe.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi visant à sécuriser l’exercice des praticiens diplômés hors de l’Union européenne. Inquiets de leur situation et de celle des hôpitaux qui les embauchent, vous avez été nombreux à attirer l’attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation de ces praticiens recrutés avant le 3 août 2010, notamment par le biais de questions écrites. En effet, une évolution de la législation et, notamment, de la loi n° 2012-157 du 1er février 2012, devait intervenir avant le 31 décembre 2018 afin de stabiliser la situation de ces praticiens. Si nous adoptons cette proposition de loi, ce sera chose faite.

L’article unique de cette proposition de loi prolonge jusqu’au 31 décembre 2020 l’autorisation temporaire d’exercice accordée aux PADHUE, qui concerne des médecins, mais aussi des pharmaciens ou des dentistes. Sans ce texte, à compter du 1er janvier 2019, des centaines de praticiens médicaux titulaires de diplômes obtenus dans un pays hors de l’Union européenne ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions dans les hôpitaux français et devront, de fait, cesser leur activité. Une cessation aussi brutale aurait d’importantes conséquences en termes de santé publique, car ces praticiens sont devenus la plupart du temps indispensables dans les établissements de santé au sein desquels ils exercent.

Si cette proposition de loi répond à une situation d’urgence, elle ne doit surtout pas empêcher une réflexion plus globale sur la mise en place d’un dispositif pérenne. C’est la troisième fois que cette autorisation temporaire est prolongée ; une quatrième fois serait impensable. Une réflexion globale est donc nécessaire pour trois raisons.

Elle l’est, premièrement, pour les praticiens eux-mêmes, qui ne correspondent pas à une catégorie ou à un statut spécifique de personnels hospitaliers. Ils sont recrutés de gré à gré par les établissements, où ils peuvent exercer pendant de nombreuses années sans plein exercice, sur le fondement d’un contrat précaire assorti d’une faible rémunération en tant, par exemple, que stagiaire associé ou faisant fonction d’interne, pour une durée de six mois renouvelable une fois, et pour une rémunération brute de quelque 15 000 euros annuels. Les moins malheureux bénéficient toutefois d’un contrat de praticien attaché associé, qui peut, sous certaines conditions, devenir un contrat à durée indéterminée, avec une rémunération brute allant de 36 000 à 39 000 euros par an environ. En tout état de cause, ils ne sont jamais inscrits à l’ordre des médecins.

Deuxièmement, cette réflexion est nécessaire pour le fonctionnement même de l’hôpital. Ces praticiens sont régulièrement embauchés de manière illégale, mettant en péril la logique administrative dudit hôpital et la responsabilité pénale du directeur. La gestion des plannings est complexifiée, notamment parce que les missions confiées aux PADHUE ne sont pas les mêmes que celles des praticiens reconnus en tant que tels. À titre d’exemple, il leur est interdit de prescrire des recommandations thérapeutiques via une ordonnance, contrairement à leurs confrères. Ce type de problématique bloque les hôpitaux et les empêche souvent de s’installer dans une démarche de projet.

Troisièmement, enfin, cette réflexion est nécessaire pour les patients et la qualité des soins. Je ne doute pas que ces médecins, comme n’importe quel médecin, sont profondément attachés au principe d’une médecine de qualité, conforme à leur engagement et égale pour tous.

Malgré cela, et bien qu’ils semblent, dans leur grande majorité, présenter toutes les garanties de compétence et d’implication dans leur activité, nombreux sont ceux qui présentent de vraies lacunes dans la maîtrise de la langue française. Il n’est pas concevable qu’un praticien ne soit pas en mesure de se faire comprendre par ses malades. Cette incompréhension, doublée de l’interdiction de délivrer des ordonnances, ne peut que susciter des inquiétudes supplémentaires auprès d’une patientèle déjà fragilisée par la maladie.

En conclusion, mes chers collègues, le groupe La République En Marche votera cette proposition de loi, mais demande de façon pressante au Gouvernement que cette problématique soit véritablement intégrée et résolue dans le plan « Ma santé 2022 ».

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