Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne contribuent au fonctionnement quotidien de nombre de services hospitaliers, en particulier dans les zones sous-dotées – cela a été rappelé. Il s’agit principalement de médecins, mais aussi de chirurgiens-dentistes, de sages-femmes et de pharmaciens. Les PADHUE, comme il est d’usage de les nommer, constituent ainsi une aide précieuse pour nos hôpitaux.
Selon une enquête récente du journal Libération – nous avons les mêmes lectures, ma chère collègue ! – dans l’Aisne, l’hôpital de Château-Thierry, couplé avec celui de Soissons, emploie 30 médecins titulaires du diplôme français, 10 venant de l’Union européenne et 19 de pays situés hors de l’Union européenne. Autre cas, l’hôpital François-Mitterrand de Nevers fonctionne avec 62 médecins à diplôme français, 15 issus de l’Union européenne, et 21 de pays hors de l’Union européenne.
À l’exception des hôpitaux universitaires et des établissements situés dans des régions attractives comme la côte Atlantique ou le sud de la France, les hôpitaux ne pourraient aujourd’hui fonctionner sans les médecins à diplômes étrangers. Autres exemples : l’hôpital de Gonesse, dans la banlieue nord de Paris, compte 131 médecins diplômés en France, 21 diplômés dans un État membre de l’Union européenne, et 61 diplômés dans un pays situé hors de l’Union. À Dreux, le taux est le même : 102 médecins à diplôme français, 68 à diplôme étranger.
Le Conseil national de l’ordre des médecins a publié une analyse fouillée de la situation. Au 1er janvier 2017, la France comptait 26 805 médecins titulaires d’un diplôme obtenu à l’étranger, parmi lesquels 22 619 exerçaient de façon régulière, soit 11, 8 % du total des médecins en activité régulière, taux en hausse de 7, 8 points par rapport à 2007. Deux sur trois choisissent l’exercice hospitalier. Si l’on excepte les zones attractives et les CHU, c’est bien souvent entre un tiers et près de la moitié de médecins à diplôme étranger qui exercent dans ces établissements, soit une hausse de près d’un tiers en sept ans.
Sécuriser l’exercice de ces professionnels de santé qui interviennent chaque jour auprès de nos concitoyens est une impérieuse nécessité. Néanmoins, la situation n’est pas nouvelle. En 1975, l’ouverture de la pratique de la médecine en France à des médecins européens n’a pas permis de combler le manque de praticiens médicaux. C’est la raison pour laquelle, dans les années 1980, il a été décidé d’ouvrir la pratique aux praticiens extracommunautaires.
En vue de sécuriser leur situation, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a instauré un dispositif d’autorisation temporaire accompagné d’une procédure dérogatoire d’autorisation de plein exercice sur examen dit « de la liste C », modifié et prorogé à deux reprises en 2012 et 2016. Sous réserve d’avoir exercé au moins trois années dans des établissements de santé français et d’avoir été recrutés avant le 3 août 2010, ces praticiens peuvent exercer temporairement, sous la responsabilité d’un praticien de plein exercice, à condition de passer cet examen de la liste C.
L’instauration de cette procédure dérogatoire vise à reconnaître le travail de ces professionnels de santé sans les contraindre à passer par la procédure de droit commun dite « de la liste A », qui prend la forme d’un concours n’offrant qu’un nombre de places très limité. L’examen dérogatoire de la liste C a permis à près de 10 000 PADHUE d’être intégrés dans notre système de santé. Mais ceux qui ne s’y sont pas soumis, ou qui ont échoué, se retrouvent dans une situation délicate, puisqu’ils ne disposent pas d’une autorisation d’exercice pleine et entière.
L’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est de proroger le dispositif d’autorisation temporaire en faveur des praticiens visés – 300 à 350 selon la direction générale de l’offre de soins – de deux ans, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2020. À défaut, ils ne rempliront plus les conditions légales pour poursuivre leurs fonctions et devront cesser leur activité. Les établissements de santé ne supporteraient pas une rupture aussi brutale.
Parce qu’il est urgent de sécuriser le fonctionnement quotidien des hôpitaux, la commission des affaires sociales a adopté à l’unanimité et sans modification, le texte qui lui a été soumis. Cet objectif est éminemment prioritaire.
La proposition de loi ne règle pas pour autant la situation des 3 000 à 4 000 praticiens recrutés depuis 2010 comme contractuels, qui échappent tant au contrôle des ministères que des agences régionales de santé. Elle ne met pas fin à un statut précaire et injuste.
Depuis vingt ans, la situation s’est certes améliorée, mais rien n’est encore achevé, car le flux reste continu. Le mois dernier, plus d’une centaine de médecins diplômés hors de l’Union européenne travaillant dans des hôpitaux français se sont rassemblés devant le ministère de la santé pour réclamer la régularisation de leur situation et la plénitude d’exercice.
Le Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne pointe du doigt la « situation alarmante » des praticiens travaillant dans les hôpitaux publics et faisant fonction d’interne ou de praticien attaché associé avec de faibles rémunérations, des contrats courts et sans perspectives d’évolution.
L’exercice de leurs compétences est limité, et ces praticiens sont placés sous la responsabilité d’un titulaire. Leur rémunération est près de deux fois inférieure à celle de leurs collègues diplômés en France au regard de leurs responsabilités effectives, sachant qu’ils assurent de nombreuses heures de garde et ont la confiance de leur chef de service.
Entre 2 000 et 3 000 postes de praticiens hospitaliers demeurent vacants en France, sachant que 30 % de départs à la retraite sont par ailleurs prévus à partir de 2020, soit environ 12 500 postes de praticiens hospitaliers susceptibles d’être vacants.
La future loi, madame la secrétaire d’État, devra améliorer les conditions d’intégration dans le système de santé français des PADHUE, mais également sécuriser les processus de vérification des compétences acquises. Il appartiendra donc au Gouvernement de proposer un dispositif efficace qui garantira à la fois un accueil digne à ces praticiens, mais aussi la qualité des soins offerts.
La direction générale de l’offre de soins, en concertation avec le syndicat des PADHUE, semble avoir avancé – vous nous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État –, sur une proposition de refonte du dispositif existant qui sera présentée dans le cadre de la future loi Santé. Nous nous en réjouissons.
Dans l’attente, nous voterons pour la présente proposition de loi.