… je n’entrerai pas dans ce jeu.
Je préfère, dans ce contexte, que nous redisions notre soutien aux commerçants, qui ont vécu cette période dans une angoisse particulièrement forte. Peut-être le Gouvernement nous tiendra-t-il informés du suivi des indemnisations, car les violences, les saccages, les pillages, qui se sont déroulés à Paris, Nantes ou Bordeaux sont inadmissibles.
Redisons aussi que la France s’est mise à recréer de l’emploi dans le secteur privé et que le taux de chômage devrait passer sous les 9 % l’an prochain. C’est toujours trop, mais il faut remettre en perspective toutes les informations que nous avons reçues, notamment celles, récentes, de l’INSEE.
Dans ce projet de loi de finances pour 2019 figure notamment désormais l’accélération du versement de la prime d’activité que nous avons votée par amendement. Il existe dans notre pays trop d’actifs pauvres, nous savons qu’une telle situation n’est pas normale. Au-delà des annonces et des nouvelles mesures, nous devons travailler à trouver des réponses.
En miroir, la question des dépenses publiques reste évidemment entière pour financer ces dispositions.
Pour ma part, je regrette parfois que nos évaluations, qu’elles proviennent des rapports du Sénat ou émanent par exemple de la Cour des comptes, ne soient pas suffisamment utilisées pour que des conclusions en soient tirées sur les missions budgétaires ou sur les dépenses publiques.
Nous ne cessons de répéter qu’il faut réduire la dépense publique en général, mais nous avons parfois collectivement du mal à trouver quelles dépenses publiques il convient de réduire et c’est souvent plus difficile à faire qu’à dire. Cette question est encore largement devant nous.
Dans le même temps, les citoyens se sont trop éloignés du débat budgétaire en raison de son aridité et de son caractère abstrait. Il est vrai que les contraintes et l’organisation du débat budgétaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat – je pense à la procédure par voie d’amendements – sont peu connues de nos concitoyens.
Le grand débat national qui s’ouvre doit être l’occasion de formuler non pas des propositions démagogiques, mais des façons différentes de parler et d’examiner le budget avec nos concitoyens.
Ce que nous a montré le mouvement des « gilets jaunes », c’est à la fois une réalité très physique, celle des ronds-points, et une réalité virtuelle, celle du numérique et des réseaux sociaux. Les acteurs de ce mouvement s’en sont utilement servis, parfois mieux que les partis politiques traditionnels.
Voilà qui ouvre le vaste champ que Nicolas Colin ou Henri Verdier ont appelé « l’âge de la multitude ». Nous devons nous demander comment gérer nos procédures et nos processus, qui sont bien rodés, mais désormais un peu anciens, dans une époque qui est bouleversée par de nouvelles façons d’appréhender la politique. Là encore, mes chers collègues, nous devons l’explorer en commun.
La France a besoin d’ambition, pas d’aventure. On voit bien à quel type de mouvement peuvent profiter les « gilets jaunes ». Il n’est qu’à voir ce qui se passe depuis ce matin en Belgique, ce qui s’est passé en Italie, aux États-Unis, au Royaume-Uni. Il faut parfois un peu se décentrer et décentrer le débat.
Nous devons nous rassembler autour de l’idée que notre objectif, c’est de nous donner les moyens d’avancer et de continuer à avancer, plutôt que d’être un pays qui se contente de rester dans la moyenne.
En raison de ce contexte très particulier, un certain nombre de politiques extrêmement importantes se sont retrouvées sous le tapis et sont passées inaperçues, alors même qu’elles ont été saluées, y compris sur les travées de la majorité sénatoriale – qui est en fait l’opposition nationale. C’est le cas du budget de la mission « Enseignement scolaire », qui a été particulièrement remarqué en commission des finances : nous en avons parlé au début de l’examen de ce texte, un peu moins à la fin. Voilà pourtant une ambition très forte. Pour ma part, je suis très fier du dédoublement des classes ou du dispositif « Devoirs faits ». Notre enjeu est aussi de construire l’avenir du pays par l’éducation.
Un autre enjeu ne doit pas non plus passer inaperçu, celui de l’urgence écologique. C’est la principale menace : elle demeure, telle une épée de Damoclès. De ce point de vue, la COP24 qui s’est tenue en Pologne a au moins empêché que ne se détricotent les accords de Paris. Il faut tenir compte des initiatives, territoire par territoire, et de ce qui fonctionne en matière de mobilité, d’énergie, de déchets, de logement. Dans ce domaine, les collectivités locales, en lien avec l’État, font beaucoup. Si nous avons gelé la taxe carbone – le Sénat l’avait demandé, je l’ai déjà reconnu dans un précédent discours –, il ne faut pas pour autant admettre le statu quo écologique.
Si l’agenda social est arrivé sur le devant de la scène, il ne doit pas à mon sens occulter l’agenda écologique : l’avenir de la planète doit aussi rester à l’agenda ; ces longs débats budgétaires ne doivent pas nous faire oublier cette dimension. Il nous faut la retravailler de façon différente, nous en avons la conviction. Dans ce débat, les apports du Sénat sont importants.
Notons tout de même, car cela a aussi été occulté, que ce projet de loi de finances est sans doute celui qui a été le plus modifié, notamment par les apports du Sénat. Le contexte est tel que nous l’avons un peu oublié, c’est dommage : continuons à travailler dans ce sens.
Bien sûr, nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable, mais nous sommes disposés à continuer à travailler sur ces sujets.