Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 décembre 2018 à 16h35
Programmation pluriannuelle de l'énergie — Audition de M. François de Rugy ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques :

Mes chers collègues, nous accueillons M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, pour faire le point sur la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui doit décliner les objectifs de notre politique énergétique en décisions très opérationnelles, à mettre en oeuvre sur la période 2019-2028.

Comme pour la première PPE, la genèse de ce document a été difficile et n'est toujours pas achevée ; il est vrai que les sujets ne sont pas simples et que le contexte des dernières semaines n'a pas aidé... Une présentation avait d'abord été promise pour la fin octobre, puis repoussée à plusieurs reprises. Après l'annonce des grandes lignes par le Président de la République le 27 novembre dernier, nous ne disposons toujours que d'un simple dossier de presse.

Il est aussi question d'une prochaine loi, dont la discussion viendrait au printemps prochain et dont nous comprenons que l'objet principal serait d'acter le report à 2035 de l'objectif des 50 % de nucléaire dans la production d'électricité. Mais, là aussi, nous manquons de précisions, à la fois sur le calendrier et sur le contenu du texte : certains parlent d'une « petite loi », mais nous avons l'habitude de ces petites lois qui deviennent vite très grandes...

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser à la fois le calendrier de présentation, de consultation et d'adoption de la PPE, ainsi que le calendrier et le contenu de cette future loi ?

La révision de la PPE a été percutée de plein fouet par la crise des gilets jaunes, qui a confirmé, si l'on en doutait encore, l'importance du poste « énergie » dans le budget des ménages et des entreprises. À court terme, la crise a conduit à l'annulation des hausses de taxes, notamment celle de la taxe carbone. Mais à moyen et long termes, comment comptez-vous à la fois, comme vous le souhaitez, continuer à taxer davantage la pollution, mobiliser encore plus de ressources publiques pour soutenir les énergies renouvelables, tout en réduisant globalement le niveau des prélèvements sur les Français ?

Cette crise ne révèle-t-elle pas, au fond, le fait qu'on a voulu faire croire aux Français que la transition énergétique n'aurait pas de coût, par toute une série de techniques plus ou moins savantes ? Je pense au fait d'augmenter chaque année une petite ligne sur la facture d'électricité, la contribution au service public de l'électricité (CSPE), jusqu'à ce qu'elle atteigne un montant tel qu'il faille imaginer un autre circuit de financement. Je pense aux certificats d'économie d'énergie (CEE), qui suivent la même évolution et dont nos concitoyens comprendront bientôt que ce sont eux qui les paient, à la pompe, dans leurs courses ou sur leurs factures. Je pense encore au fait d'avoir profité des prix bas du pétrole pour accélérer une trajectoire carbone déjà très dynamique, avec les conséquences que l'on sait.

En d'autres termes, ne paie-t-on pas aujourd'hui le fait d'avoir voulu faire la transition énergétique sans les Français ? L'annonce d'un grand débat national sur ces questions est sans doute une forme d'aveu. Mais, avant d'inventer de nouvelles concertations, pourquoi ne discute-t-on pas de la PPE au Parlement, avec un vote à la fin ? Je rappelle que la PPE engage des sommes considérables et que, sauf erreur, c'est le rôle premier du Parlement que de consentir à l'impôt et de contrôler le bon usage des deniers publics.

Monsieur le ministre, vous vous êtes dit favorable « à titre personnel » à une loi de programmation. Le Gouvernement va-t-il évoluer sur ce point ?

Concernant le nucléaire, je ne résiste pas à l'envie de rappeler que le Sénat avait vu juste en disant que la diversification du mix électrique ne pouvait se faire à marche forcée, pour le simple plaisir de respecter un totem électoral, la date de 2025. En parlant d'« une décroissance du parc dans des conditions réalistes, pilotées, économiquement et socialement viables », votre dossier de presse reprend presque mot pour mot nos arguments !

On connaît désormais le nombre des fermetures et le calendrier : quatorze réacteurs d'ici à 2035, dont quatre à six d'ici à 2028, y compris les deux de Fessenheim qui fermeront au printemps 2020. En revanche, la question de l'investissement dans le nouveau nucléaire est renvoyée à plus tard, après une analyse des différentes options prévue pour la mi-2021, ce qui interpelle à plus d'un titre. D'abord, on sait que plus on attend, plus on fragilise la filière, y compris à l'export, et plus on perd en capacité industrielle. Mais surtout, en laissant en suspens la décision de lancer « ou non » - je cite encore le dossier de presse - un nouveau programme électronucléaire, ne remet-on pas en cause le consensus de la loi de 2015, qui a certes prévu la réduction à 50 % du nucléaire, mais pas d'aller en deçà, ce qui supposera inévitablement la construction de nouveaux réacteurs ?

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