Intervention de Hervé Maurey

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 décembre 2018 à 16h35
Programmation pluriannuelle de l'énergie — Audition de M. François de Rugy ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie a été annoncé par le Président de la République dans un contexte particulier, qui a atténué l'écho de ses annonces. Il fixe des objectifs ambitieux de transition énergétique : une baisse de la consommation finale d'énergie de 14 % en 2028 par rapport à 2012, une baisse de 35 % de la consommation des produits pétroliers, ou encore un doublement des capacités installées de production d'électricité renouvelable.

Mais se doter d'objectifs ambitieux n'est pas un exercice difficile. Ce qui est plus compliqué, en revanche, c'est de les atteindre. Sophie Primas vient de rappeler que les objectifs en matière de réduction du parc nucléaire vont être revus à la baisse, dans le sens que le Sénat avait indiqué. Nous observons que la France ne tient pas ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre - celles-ci ont même augmenté l'année dernière au lieu de baisser ! - pas plus qu'elle ne tient ses objectifs de développement des énergies renouvelables.

La véritable question, c'est de savoir si les politiques mises en place pour accompagner la transition énergétique sont à la hauteur des ambitions affichées. Sur ce point, nous avons quelques inquiétudes...

Le premier volet de la PPE concerne la réduction de la consommation énergétique. Il s'agit là d'un point essentiel, étant donné que les ressources en énergies décarbonées ne pourront pas se substituer à toutes les énergies fossiles que nous consommons. Selon la formule consacrée, l'énergie la plus propre est celle que l'on ne consomme pas !

Les deux secteurs qui consomment le plus d'énergies fossiles sont le secteur résidentiel et les transports. C'est donc là que les efforts doivent porter en priorité.

Or, sur le résidentiel, les deux actions mentionnées dans la PPE - la rénovation des bâtiments et le développement de la chaleur renouvelable - ne sont aujourd'hui pas développées à un rythme suffisant.

S'agissant de la rénovation énergétique des logements, les dispositifs d'aide existants, qu'il s'agisse du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) - il a diminué l'année dernière -, des aides de l'Agence nationale de l'habitat ou des CEE - des rapports ont montré que leur fonctionnement est peu satisfaisant -, ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Une étude récente de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a ainsi montré que, sur 5 millions d'euros de travaux réalisés dans les maisons individuelles en 2017, seulement 5 % ont permis de réaliser des économies d'énergie importantes, au travers du saut de deux classes énergétiques ou plus. On voit mal comment les mesures citées dans la PPE, comme la transformation du CITE en prime directe pour les ménages modestes ou l'élargissement de l'éco-prêt à taux zéro, pourraient durablement inverser cette tendance.

S'agissant du développement de la chaleur renouvelable, les moyens mis en oeuvre à travers le fonds chaleur, qui s'élèveront à 315 millions d'euros en 2019, paraissent bien faibles par rapport à l'ambition d'augmenter de 40 à 60 % la production de chaleur renouvelable d'ici à 2028, en particulier si on les met en regard avec les 5 milliards d'euros investis chaque année dans le soutien à la production d'électricité renouvelable.

Enfin, parmi les mesures transversales affichées dans les projets de PPE et de stratégie nationale bas carbone figure l'objectif de « mettre en oeuvre et poursuivre la trajectoire prévue concernant le prix du carbone [...] suivant des objectifs à construire au-delà de 2023 ». Les événements récents conduisent à s'interroger sur la réalité de cet objectif.

Je pourrais multiplier les interrogations, notamment sur les objectifs en matière de transports propres ou de développement du biogaz, dont la part dans la consommation de gaz, qui est aujourd'hui de 0,1 %, doit atteindre 10 % en 2030, ce qui paraît peu réaliste.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, nous aimerions savoir comment vous comptez agir et amplifier l'action du Gouvernement afin que, dans cinq ans, nous ne nous retrouvions pas à constater une nouvelle fois que les objectifs de la PPE n'ont pas été atteints.

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