Intervention de François de Rugy

Commission des affaires économiques — Réunion du 19 décembre 2018 à 16h35
Programmation pluriannuelle de l'énergie — Audition de M. François de Rugy ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

François de Rugy, ministre d'État :

Monsieur Gremillet, on peut toujours essayer de tirer les calculs dans le sens qu'on pense le plus favorable à ses idées. Je souhaite qu'on sorte de la guerre de religion autour du nucléaire. Pour ma part, je n'ai pas la religion du nucléaire, mais je n'ai pas non plus celle des énergies renouvelables. Il faut tout simplement examiner la fiabilité technologique.

Le réseau, de toute façon, est en transformation, puisqu'il avait été conçu comme un réseau très descendant, partant de quelques grands centres de production et allant vers la consommation finale. Au fil de son existence, il a d'ailleurs changé. Ce n'est que petit à petit que les gros centres de production se sont imposés, d'abord avec du thermique, puis avec le nucléaire, et on a adapté le réseau.

De même, les interconnexions européennes requièrent des investissements. Je suis favorable au développement de la construction européenne et, très concrètement, les interconnexions nous permettent de profiter de nos productions mutuelles. Nous avons un projet important avec l'Espagne et le Portugal, et un autre, complémentaire, avec l'Allemagne - avec laquelle la Belgique n'a pas d'interconnexion, ce qui la contraint, pour bénéficier de la production allemande d'électricité, à transiter par les Pays-Bas ! Nous avons également un projet - dont j'ignore encore s'il se fera, en raison de son coût - avec l'Irlande, qui ne veut plus autant dépendre de la Grande-Bretagne dans le cadre du Brexit.

De même, à l'échelle nationale, nous continuons de déployer le compteur communicant Linky. Le but de ces investissements est non seulement d'améliorer la production pour satisfaire la demande, mais aussi de piloter la consommation. Tous les intérêts convergent : on parle toujours de la variabilité de la production, notamment pour les énergies renouvelables, mais jamais de celle de la consommation. Il s'agit pourtant d'un problème majeur pour tout réseau électrique. L'augmentation du nombre de voitures électriques, par exemple, peut à la fois poser problème et constituer une opportunité, les batteries pouvant servir de tampon. Mais tout cela ne peut se faire qu'à la condition de pouvoir piloter le réseau. Les gros consommateurs acceptent déjà, avec plus ou moins de réticence, de laisser piloter leur consommation pour écrêter la pointe. Demain, nous aurons la possibilité de le faire aussi pour les plus petits consommateurs, grâce au compteur Linky.

Il faut donc consentir des investissements importants qui nous permettront, dans un deuxième temps, de faire des économies globales sur le fonctionnement du réseau.

Nous parlons bien du prix de gros, non du prix à l'instant t, qui peut parfois être négatif. Il peut en effet arriver que des producteurs soient prêts à payer pour écouler leur électricité lorsque la production dépasse les besoins. Quand EDF dit qu'il est nécessaire de renégocier les tarifs, c'est à la hausse, pas à la baisse. C'est la raison pour laquelle je m'étonnais de vous entendre dire, monsieur Gremillet, que le nucléaire existant est déjà amorti : lorsqu'on arrête une centrale comme celle de Fessenheim, EDF demande une indemnité, considérant qu'elle aurait pu encore produire. Le nucléaire n'est donc pas amorti. De plus, si l'Arenh n'est pas suffisamment élevé - il est aujourd'hui à 42 euros, et EDF souhaiterait le porter entre 46 et 50 euros -, c'est qu'il ne couvre pas les coûts de production du nucléaire existant.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, je ne suis pas de ceux qui disent que tout est à 50 euros. Sur l'éolien offshore, par exemple, on est plutôt aux alentours de 120 ou 130 euros pour les projets déjà attribués qu'on a renégociés. Sur le projet de Dunkerque, on pense pouvoir arriver à un prix compris entre 50 et 55 euros, donc autour du prix de marché, mais ce sont les producteurs qui nous le diront. Il en va de même du solaire photovoltaïque : nous devons attendre les appels d'offres, avec de plus grandes surfaces, de plus grandes puissances installées et des coûts fixes en baisse.

Plus de 70 % des investissements réalisés dans la filière éolienne française vont à l'économie française. Je parle de la machine.

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