Intervention de Jean-Marc Roué

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 19 décembre 2018 à 9h20
Table ronde sur la compétitivité des ports maritimes

Jean-Marc Roué, président d'Armateurs de France :

Merci de nous recevoir en un moment important, avant le Brexit. Une chose est sûre, il y aura un après Brexit - mais lequel ? Un port, au fond, est un organisateur d'interface entre deux ports. Le lien entre ces deux ports est le bateau, qui appartient à un armateur. Armateurs de France regroupe presque toutes les 50 sociétés qui organisent du transport maritime en France, des grands navires transcontinentaux, porte-conteneurs, vraquiers ou transporteurs de matières énergétiques aux navires de service de toutes tailles. Tous les métiers y sont représentés, même si 50 % du tonnage mondial est constitué de charbon et de minerai de fer - et 60 % si l'on ajoute les céréales.

Pour un armateur, le choix du port est important. Sauf sur les lignes régulières, il n'a pas toujours le choix : c'est le chargeur qui décide du port de chargement et de celui de destination. Bien sûr, les ports ont intérêt à capter les flux. Pour les produits énergétiques, par exemple, c'est l'outil de réception qui donne de l'intérêt au port. Les lignes régulières planifient longtemps à l'avance leur route. C'est le cas des porte-conteneurs, qui marquent plusieurs arrêts, et des rouliers, qui transportent des véhicules de l'usine de fabrication au point de vente. Quant aux lignes de ferries, elles sont à mon sens assimilables à des ponts, mais coupés en morceaux. En tous cas, les armateurs sont de plusieurs types. Le plus gros est CMA CGM qui, avec plus de 550 navires, est le troisième ou le quatrième acteur mondial. Bourbon vient ensuite, qui s'est spécialisé dans le service aux forages pétroliers et gaziers offshore. Puis Louis Dreyfus Armateurs, qui fait du vrac sec.

En tous cas, le commerce ne se décrète pas, il s'organise. Le maillon que représente le port dans cette chaîne a intérêt à être le plus compétitif possible, car ses coûts sont pris en compte dans le choix fait par l'armateur. Les équipements dont il dispose le sont aussi. Et tous les navires ne peuvent pas utiliser tous les ports. La façade maritime de la France est une chance inouïe : nous sommes le seul pays d'Europe à donner sur trois mers - sans parler de notre quatrième façade, outre-mer. Pourtant, nous ne sommes pas le pays traitant les plus gros volumes.

Nos ports sont très diversifiés. Aussi, l'idée d'instaurer un régulateur par façade est bonne : les armateurs ont parfois l'impression que nos ports se font concurrence entre eux, alors que nous n'avons pas besoin d'un service équivalent en tout point de chaque façade. Les annonces du Premier ministre sont donc bienvenues : il faut organiser le commerce. Et le suréquipement des ports ne peut que peser sur les coûts. Bref, la concentration est nécessaire.

À propos du Brexit, vous avez dit que nous risquions de connaître un changement. Pour ma part, le 23 juin 2016, j'ai compris non pas qu'il y avait un risque, mais une certitude - sauf volte-face des Britanniques et nouveau referendum. D'ailleurs, M. Barnier m'a dit de ne pas s'attendre à ce qu'il n'y ait pas de Brexit. La question est de savoir si le Brexit sera organisé, ou non. S'il ne l'est pas, cela posera un énorme problème, car notre façade sur la Manche est le premier organisateur du commerce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Par exemple, ma compagnie Brittany Ferries, qui transportait 600 000 camions entre Ouistreham et Portsmouth en 1986, en convoyait 4,8 millions l'an dernier ! Cette multiplication par huit a pour cause la fluidité du système.

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