Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la France et la Suisse portant modification de l'annexe 1 à la convention du 13 septembre 1965 relative à l'extension en territoire français du domaine de l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire.
Cette organisation, plus connue sous son acronyme historique « CERN » (Conseil européen pour la recherche nucléaire), a vu officiellement le jour en septembre 1954, dans le canton de Genève.
Conformément à ses statuts, le CERN, organisme à l'excellence scientifique reconnue, fait uniquement de la recherche fondamentale en physique des particules, ce qui exclut du champ de ses recherches les études pour l'utilisation, même pacifique, de l'énergie nucléaire et, à plus forte raison, celles ayant la moindre application militaire.
L'Organisation emploie aujourd'hui quelque 2 500 personnes, dont près d'un millier de Français. Elle participe au rayonnement scientifique international de ses deux États hôtes, la France et la Suisse, qui bénéficient, en outre, de retombées économiques très importantes, évaluées pour notre pays à 500 millions d'euros par an.
Initialement créé autour d'un noyau de douze États européens, le CERN s'est ensuite élargi et compte aujourd'hui vingt-deux membres, dont Israël, seul membre non européen à avoir obtenu ce statut.
Le développement de l'Organisation a nécessité son extension en territoire français et a donné lieu, le 13 septembre 1965, à la conclusion d'un accord entre la France et le CERN relatif à son statut juridique sur le territoire français et d'une convention franco-suisse relative à l'extension du domaine du CERN en territoire français, dont l'annexe 1 fait l'objet du présent projet de loi.
Aujourd'hui, le domaine de l'Organisation est établi à plus de 80 % en France, dans le département de l'Ain, principalement sur les communes de Saint-Genis-Pouilly et de Prévessin-Moëns.
Une part très importante de l'emprise du CERN a été consacrée à la construction de points d'accès au tunnel circulaire et transfrontalier de 27 kilomètres qui abrite le plus puissant accélérateur de particules jamais construit : le LHC (Large Hadron Collider).
Outre ces points d'accès, le CERN dispose de deux autres sites : celui de Prévessin-Moëns situé en France, et celui de Meyrin.
Le site de Meyrin est le « berceau » du CERN. Il s'agit du seul site transfrontalier de l'Organisation, équitablement réparti sur les territoires des deux pays hôtes. Il abrite la majeure partie des chercheurs et des installations techniques, ainsi que la quasi-totalité de l'administration.
La convention du 13 septembre 1965 a consacré le principe de souveraineté territoriale des États hôtes sur la partie du domaine du CERN établie sur leur territoire respectif. Ce principe souffre toutefois une exception, relative à l'intervention des forces de police en cas d'urgence. S'agissant des opérations de secours, le cadre juridique en vigueur couvre l'ensemble des situations où les deux pays se prêtent mutuellement assistance. En revanche, aucune disposition n'encadre les opérations effectuées sur le territoire de l'autre partie lorsqu'elles ne sont pas organisées conjointement.
Cette situation de vide juridique appelait donc l'adoption de dispositions ad hoc. Deux instruments internationaux ont été conclus à cette fin : d'une part, un accord tripartite entre la France, la Suisse et le CERN relatif à l'assistance mutuelle entre leurs services dans le cadre d'opérations de secours, signé en décembre 2016 ; d'autre part, un accord bilatéral franco-suisse, conclu en 2017 par échange de lettres, qui amende l'annexe 1 à la convention du 13 septembre 1965, et dont l'approbation fait l'objet du présent projet de loi.
Cet accord bilatéral a précisé le régime applicable aux équipes de secours s'agissant notamment de la protection juridique des agents, des règles de juridiction applicables en cas d'infraction et des modalités de règlement des dommages causés.
L'accord tripartite a, quant à lui, une vocation plus opérationnelle.
La mise en service du LHC a rendu plus prégnants les enjeux de sécurité civile et conduit à une prise de conscience accrue des risques technologiques liés au site.
Les trois parties ont ainsi décidé de donner un cadre juridique spécifique aux interventions de secours, en soulignant, entre autres, l'intérêt d'autoriser une intervention de l'un des États hôtes à la place de l'autre, ou une intervention conjointe en cas d'accident majeur.
Le CERN dispose de son propre service de secours qui assure, à lui seul, la quasi-totalité des interventions sur le site. Il fait toutefois appel, en tant que de besoin et suivant la localisation de la situation d'urgence, aux services français et/ou suisses.
Le nombre d'interventions réalisées sur le domaine du CERN par le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain est très faible : il s'élevait à quatre en 2017, contre une seule opération l'année précédente. Presque toutes ces interventions ont été conduites à la demande du CERN, principalement pour aider son service à lutter contre des départs de feux.
Le présent accord modifie donc l'annexe 1 à la convention de 1965 en ajoutant un nouvel article, l'article 3, relatif aux interventions de secours et d'urgences médicales. Ce nouvel article étend aux secouristes le régime juridique qui, jusqu'alors, était réservé aux interventions de police.
Aux termes de cet article, les interventions de secours de l'un des États hôtes sont autorisées sur le territoire de l'autre partie en cas d'urgence. Cette intervention peut s'effectuer à la demande du directeur général du CERN, ou sur l'initiative des services de secours des parties, même sans l'autorisation préalable de l'Organisation.
Sur le domaine du CERN, les territoires relevant de chacun des deux États ne sont pas clairement délimités. Il n'existe en effet aucune frontière physique sur le site de Meyrin ; seulement trois bornes ont été positionnées pour permettre aux usagers de se repérer et de distinguer, autant que faire se peut, les territoires français et suisse. Cette absence de délimitation claire rend d'autant plus indispensable l'adoption d'un accord sur la compétence territoriale de chaque État.
Pour conclure, le nouveau cadre juridique ainsi défini couvrira l'ensemble des situations auxquelles nos services de secours et d'urgences médicales pourraient être confrontés. Il permettra de sécuriser leur action et d'écarter tout risque contentieux qui pourrait naître de dommages subis ou causés par ces équipes sur les biens et les personnes lors d'une intervention, non conjointe, menée au sein du domaine du CERN sur le territoire de l'autre partie.
Par conséquent, je préconise l'adoption de ce projet de loi.
La partie suisse a déjà ratifié l'accord. Pour ce qui nous concerne, l'adoption du texte par le Sénat constituerait la première étape du processus de ratification.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 31 janvier 2019, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.