Nous ne pouvons pas gagner une guerre avec une position uniquement défensive, l'histoire nous le rappelle. Nous combattons là où notre terrain domestique est le plus en difficulté. Si nous voulons apercevoir la lumière au bout du tunnel, nous devons d'abord sécuriser notre périmètre avant d'attaquer. Ainsi, le Royaume-Uni a tenté des mesures de rétorsion contre la Russie à la suite de l'empoisonnement de Salisbury, et a lancé un message. Mais le périmètre est beaucoup plus large, nous devons d'abord établir et sécuriser notre périmètre.
Le centre d'excellence rassemble treize pays : les pays baltes, la Pologne, l'Allemagne, la Slovaquie, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Canada, la Finlande, la Suède et la France. Il est également approché par d'autres pays. Il comprend 36 experts, et dispose d'un budget de 3,5 millions d'euros - ce n'est pas beaucoup. Nous collaborons avec des instituts de recherche universitaires et militaires, et développons un effort collectif. Nous nous centrons sur le nécessaire, et rédigeons la doctrine militaire de l'OTAN. Nous travaillons également sur la résilience des processus électoraux avec les États et leurs services de sécurité. Nous avons besoin d'être rejoints par le maximum de pays. Nous sommes peu nombreux, et ciblons nos formations au niveau stratégique. Nous avons développé des scénarios d'attaque possible contre les gouvernements de chaque pays, et fourni des réponses, notamment à partir d'exercices réalisés simultanément en Suède et en Finlande. Si une formation peut être adaptée plus particulièrement à un pays, nous nous centrons toutefois sur le plus haut niveau, car le pouvoir exécutif doit prendre le problème à bras le corps... Il faut traiter un ensemble de choses.
Un cadre réglementaire ne doit pas être rédigé à l'échelle d'un pays, mais de l'Union européenne, pour ce qui concerne les droits numériques et des citoyens, comme il est fait pour la régulation bancaire. Il faut travailler sur les applications pratiques avec des experts juridiques. Il est important que les gouvernements s'attaquent au problème. Dans les pays baltes, en Finlande et en Suède, c'est le bureau du Premier ministre qui mène les opérations et a la responsabilité sur les agences concernées, et qui coordonne les formations. Il faut une approche intergouvernementale pour générer cette capacité de réponse à la crise.
Paradoxalement, nous vivons dans une ère d'information, mais nous devons aussi prodiguer une éducation primaire à l'information. Nous avons créé un jeu pour permettre aux citoyens de développer leur esprit critique, car il est possible de tromper une personne ayant déjà un fort esprit critique. On peut adopter un cadre réglementaire pour limiter ce qui trompe les gens.
Les robots sont un problème important. Le cerveau évalue si les autres pensent comme nous. Si vous utilisez des robots pour faire semblant que de nombreuses autres personnes pensent comme vous, vous influencez. Désormais, les robots peuvent interagir et être programmés pour extraire massivement des informations. Ces botnets pourraient rassembler des centaines de milliers de comptes dans un même réseau. Il faudrait un cadre régulateur, transparent, un corps de surveillance pour percevoir le côté secret de l'organisation. Certes, la notion de secret est obsolète. Soutenons les laboratoires numériques légistes. Parfois, je reçois des informations avant même de recevoir les rapports des agences de renseignement. Les services de sécurité doivent gérer ce contexte, qui exige de changer ses modes de fonctionnement, de mettre à disposition des informations et de travailler avec des laboratoires de la société civile qui ont connaissance de certaines informations avant et peuvent les mettre à disposition de tous.
Dans ce nouvel environnement, la confiance est importante. Au milieu du bruit, à qui fait-on confiance ? Très peu d'acteurs disposent de cette confiance. Les bots sont efficaces car les gens font confiance aux voisins, et le bot ressemble au voisin ; c'est plus efficace qu'un discours du porte-parole du Gouvernement... Nous ne pouvons pas vérifier et agir sur tous les bots réagissant aux tweets du Président de la République français. Plusieurs comptes ont été supprimés, mais c'est insuffisant. Jusqu'à l'année prochaine, nous menons une expérimentation sur l'environnement très malsain qui peut exister sur Facebook, et qui nécessite un cadre réglementaire. Les plateformes devraient mettre à disposition leurs données ; or, jusqu'à présent, elles ne traitent pas le problème des bots.
Il y a un grand débat sur le numérique et l'article 5. L'impact de la menace hybride dépendrait de la décision d'un pays dans une situation spécifique. Il y a une lutte d'influence pour perturber la cohésion de la société, qui exploite des vulnérabilités préexistantes. La capacité d'avoir une action globale est difficile. Il nous faut avoir nos propres actions contre ces acteurs. Mais je crois beaucoup à la nécessité d'un cadre réglementaire, régulateur - ce sera difficile, compte tenu de la rapidité des évolutions. Il faut anticiper ce qui arrivera demain, et ne pas se contenter de traiter le passé.