Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 décembre 2018 à 11h05
Projet de loi de finances pour 2019 — Examen du rapport en nouvelle lecture

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Cette année, la question préalable a un caractère éminemment technique : nous sommes dans l'impossibilité matérielle de faire une nouvelle lecture sérieuse. Mais vous avez raison, Pascal Savoldelli, elle a aussi un caractère politique indéniable.

Un point pourrait faire consensus : notre procédure parlementaire budgétaire a vécu. Elle est devenue totalement obsolète.

Le président Vincent Éblé et moi-même avons fait une contribution commune dans le cadre de la révision constitutionnelle, dénonçant le rythme totalement délirant dans lequel nous nous inscrivons en décembre, alors que nous sommes beaucoup plus disponibles le reste de l'année. Notre calendrier est très déséquilibré. La loi de règlement ne passionne pas les foules, et ce d'autant moins qu'on ne peut amender ce texte...

Un meilleur équilibre de nos travaux pourrait passer par l'adoption, au printemps, de la loi de règlement et des orientations budgétaires. À l'instar de ce qui fait dans d'autres pays, je plaide pour que les mesures fiscales nouvelles soient prévues dès l'été, ce qui permettrait d'éviter ces cafouillages permanents sur la fiscalité des entreprises, par exemple, ou encore sur des sujets aussi techniques que la fiscalité des parkings ou des entrepôts...

Si les Français connaissaient les conditions dans lesquelles sont votés les impôts, je pense qu'ils seraient encore plus révoltés. Objectivement, il est honteux d'adopter des mesures sans simulation pour s'apercevoir six mois après qu'il faut les rectifier !

Avec ce nouveau calendrier, il nous serait possible d'étudier vraiment les mesures fiscales nouvelles à partir de simulations.

En ce qui concerne la Société du Grand Paris, Philippe Dallier, et comme l'a souligné Christine Lavarde, l'Assemblée nationale a maintenu l'existence d'une taxe applicable aux parkings dont les contours me semblent quelque peu modifiés.

Claude Raynal, je ne suis pas en mesure de vous dresser la liste exhaustive des apports du Sénat que nos collègues députés ont retenu, mais vous l'aurez dans le rapport écrit.

Jean-Claude Requier, la persévérance paie : l'article 2 bis C a été maintenu et le plafond de 6 000 euros a bien été instauré pour l'abattement dont bénéficient les journalistes.

Marc Laménie et Philippe Dominati m'ont interrogé sur les moyens dédiés à nos forces de sécurité et notamment à leur équipement. Le président Éblé me montrait à l'instant un nouveau tweet indiquant que le Gouvernement allait débloquer le paiement des heures supplémentaires des policiers, soit 275 millions d'euros. Je ne sais pas où il compte trouver ces crédits... Décidément, il n'y a plus d'équilibre budgétaire.

Roger Karoutchi, le Conseil constitutionnel, statuant sur la loi TEPA (Travail, emploi, pouvoir d'achat) n° 2007-1223 du 21 août 2007, a disposé, le 16 août 2007 : « il incombe au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative lorsque les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances initiale s'éloignent sensiblement des prévisions ».

La croissance pour 2018 est revue à la baisse et dix milliards d'euros de baisse de recettes ou de dépenses supplémentaires ont été annoncés.

Certes, en 2008, lors de la crise financière, une loi dont le projet avait été présenté en conseil des ministres un lundi a été promulgué dès le jeudi. Mais la situation me semble bien différente ! Le ras-le-bol fiscal auquel nous assistons n'est pas né spontanément : il représente la conséquence de mesures décidées par le Gouvernement. Le Sénat - souvenez-vous de l'intervention de notre collègue Jean-François Husson l'an passé - n'a pourtant cessé de le mettre en garde. L'incendie qu'il nous est demandé d'éteindre aurait pu être évité. Nous avons assumé nos responsabilités encore cette année, notamment en votant l'amendement, assorti d'explications des plus floues, présenté par Gérald Darmanin sur la prime d'activité, dont le coût initial de 600 millions d'euros devrait finalement s'établir à 2,6 milliards d'euros. Le Sénat n'a pas jeté d'huile sur le feu ; il a, au contraire, accepté de s'écarter sensiblement de ses convictions pour participer à la résolution de la crise et s'y résoudra à nouveau vendredi. Je suis cependant convaincu que la déception des Français sera grande au mois de janvier, lorsqu'il apparaîtra évident que, compte tenu du prélèvement à la source, certaines mesures annoncées, notamment la défiscalisation des heures supplémentaires, ne s'appliqueront qu'avec un délai de plusieurs mois. Il en sera de même pour l'exemption de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sur certaines pensions de retraite. Là encore, le Gouvernement aurait dû entendre les mises en garde du Sénat.

Philippe Dominati, je partage votre analyse sur le malaise des forces de l'ordre. Au-delà du non-paiement des heures supplémentaires et de leur mobilisation considérable sur le terrain, elles souffrent d'un manque regrettable de moyens matériels.

Jacques Genest, la mesure relative à la rémunération des élus n'a posé aucune difficulté à l'Assemblée nationale, preuve que le buzz dont elle a fait l'objet n'était que la conséquence du tweet malencontreux du ministre.

Claude Raynal, vous disposerez du rapport complet, qui fera mention des apports du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2019, en début d'après-midi. Il paraît effectivement indispensable de rappeler à cette occasion l'utilité de la navette parlementaire, qu'a reconnue avec honnêteté le rapporteur général de l'Assemblée nationale, M. Joël Giraud. Nous disposons de davantage de temps pour étudier les mesures proposées et possédons une expérience différente d'élus locaux ; les apports du Sénat ne se limitent pas à des modifications techniques.

Nathalie Goulet, l'Assemblée nationale n'a pas conservé l'amendement sur la fraude sociale, ce que j'estime regrettable.

Emmanuel Capus, nous essayons d'agir pour le bien commun pour éviter tout blocage du système. Si nous avions, à titre d'illustration, retoqué la mesure s'agissant de la prime d'activité, le Gouvernement aurait été privé de support juridique. Le Sénat, une fois de plus, s'est montré responsable.

Vincent Capo-Canellas, je suis incapable de vous répondre sur l'impact que pourraient avoir les mesures annoncées par le Gouvernement. Je crains toutefois un décalage entre ses annonces et leur mise en oeuvre effective, dont les modalités, s'agissant par exemple de l'augmentation de cent euros sur le SMIC et de la défiscalisation des heures supplémentaires, apparaissent fort complexes. Enfin, Pascal Savoldelli, la question préalable que je vous ai présentée est à la fois technique, compte tenu de l'incapacité dans laquelle nous nous trouvons à examiner un texte dans les délais imposés, et la conséquence de nos divergences politiques avec l'Assemblée nationale. Son objet reprend différents sujets dont nous avons débattu lors de la première lecture.

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