Je souhaite remercier le Président Karoutchi, Olivier Jacquin et la délégation à la prospective du Sénat pour cette initiative de consacrer un après-midi à évoquer les mobilités.
Je ferai amende honorable car au COI, lorsque nous avons travaillé sur le projet LOM, nous avons totalement oublié les déplacements verticaux. Je vous prie, Monsieur Ben Ahmed, de nous en excuser.
La tarification à l'usage n'est pas nouvelle, comme l'a rappelé Olivier Jacquin. Le premier décret sur le stationnement remonte à 1928. Nous pourrions également évoquer les Livres Vert et Blanc de 1995 et 1998 de l'Union Européenne sur la tarification des mobilités, essentiellement de la route.
Poser le problème de la tarification à l'usage est tout à fait audacieux dans le contexte dans lequel nous nous trouvons depuis quatre semaines. La suppression de l'écotaxe poids lourds et le mouvement des gilets jaunes démontrent à quel point il est difficile de mettre en oeuvre les principes d'utilisateur-payeur et de pollueur-payeur.
« La tarification des transports est une décision politique comportant des risques élevés », concluait une étude déjà ancienne. Le décideur politique doit en effet veiller à l'acceptabilité de toute mesure, qui repose essentiellement sur la notion d'équité. Or l'équité est éminemment subjective. Le refus de la taxe doit donc inciter à la prudence et à la mesure. Est-ce à dire que toute tarification à l'usage soit devenue impossible ? Non, mais à la condition que les taxes et redevances nouvelles soient compensées par des baisses importantes d'autres taxes et prélèvements déjà très importants sur l'automobile, notamment.
Nos interlocuteurs ont rappelé que la tarification à l'usage était déjà effective sur un certain nombre de modes de transports : le vélo, les parkings et également les autoroutes. Notre discussion a essentiellement porté sur les mobilités en milieux urbains et périurbains, où les transports en commun sont plus rares, voire inefficaces. Michel Neugnot a rappelé que la LOM, en prévoyant la mise en place d'AO sur l'ensemble des territoires, permettra de poser les diagnostics et d'offrir des solutions adaptées aux territoires ruraux ou isolés.
Jean Coldefy, pour sa part, a indiqué que l'automobile resterait le mode de transport de la plus grande majorité de nos concitoyens vivant dans les zones rurales et périurbaines, mais pas uniquement ceux-là. Si l'on veut réduire la place de l'automobile et la congestion dans les villes, Jean Coldefy plaide pour la réintroduction de la possibilité de péage urbain, qui a disparu du projet de LOM. Je pense que les parlementaires ne manqueront pas de réintroduire un amendement en ce sens, puisqu'il ne s'agit que d'une possibilité. Cette solution efficace ne sera acceptable que si son financement est raisonnable, et que si les recettes sont affectées à un projet qui simplifie et améliore les mobilités. Cela implique notamment des parkings plus nombreux (il a évoqué un facteur cinquante) et le développement des voies cyclables. Jean Coldefy a également abordé la nécessité de cadencer davantage les bus sur les voies réservées.
Une part importante de la discussion a porté sur le financement. L'affectation des ressources me semble effectivement relever des meilleures recommandations. Avec l'exemple suisse, nous avons vu que l'acceptabilité était grande quand il y avait une transparence et une amélioration du cadencement.
La qualité du service réside bien sûr dans la régularité, l'accessibilité du transport pour tous les usagers et également dans un niveau de confort suffisant.
Enfin, vous avez évoqué chacun la tarification et la gratuité. Il a été rappelé que la tarification était le R sur D des transports en commun, c'est-à-dire autour de 25 % pour les transports urbains. L'exemple lyonnais est plus favorable puisque le R sur D atteint aujourd'hui 60 %. Si l'usager ne paie pas, la charge reposera sur le contribuable.
La question de la gratuité réalisée il y a dix-huit ans à Châteauroux, revient à présent dans le débat public. On en parle également à Dunkerque, Niort, dans certaines villes d'Allemagne et à Luxembourg. Est-elle possible et souhaitable ? Cette question nous mobilisera sans doute lors des prochaines municipales. Néanmoins il faut être prudent car la gratuité ne peut concerner qu'une petite ville, ou une ville qui possède des ressources importantes. A Paris, est-ce possible sans remettre en cause la qualité des transports et sans compromettre les investissements nécessaires pour augmenter la capacité ? L'enjeu est non seulement un enjeu d'efficacité mais également de capacité. Il faut en effet rappeler que pour transférer 10 % du trafic de la route vers les transports en commun, il convient de doubler la capacité de ces derniers.
Nous avons beaucoup parlé des difficultés que nous vivons actuellement en matière de transports, mais pas assez de leurs origines. Ces origines sont liées notamment à l'étalement urbain et au coût du foncier dans les villes. La loi SRU avait été votée pour tenter de réduire l'étalement urbain. Elle n'était cependant pas assez puissante pour inverser la tendance. Il y a enfin une insuffisance d'aménagement du territoire, surtout après la décentralisation. Alors qu'il aurait fallu mettre en place une approche partagée entre l'État et les collectivités territoriales, le développement des métropoles - certes nécessaire - a plutôt été favorisé.
Or il existe des modèles de développement pour les territoires à faible densité. Nous avons évoqué la Finlande, mais je pense aussi au Canada.
Enfin, je m'intéresse à une expérience conduite en Bretagne dénommée Bretagne Mobilité Augmentée, financée par le PIA. Cette expérience incite dans les entreprises, les administrations et les services publics à optimiser les déplacements en évitant ceux qui ne sont pas nécessaires. Face à l'enjeu d'une mobilité décarbonée en 2050, il ne faut négliger aucune solution, et notamment cette optimisation des mobilités.