Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 21 décembre 2018 à 16h00
Mesures d'urgence économiques et sociales — Discussion générale

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Mesdames les ministres, pendant dix-huit mois, avec le Président de la République et le Gouvernement, vous avez cru, vous avez voulu croire que la France était prête à renoncer à son histoire sociale et à ce qu’elle considère comme son identité : ses 36 000 communes, ses services publics et son goût pour la justice sociale ; vous avez pensé avoir été élus pour convertir le pays au modèle anglo-saxon, à une organisation libérale du travail dans laquelle la loi s’efface devant le contrat, à la privatisation des entreprises publiques.

Conformément à ce modèle, vous avez tenté de faire d’un système de protection sociale fondé sur la solidarité un simple filet de sécurité pour les plus pauvres.

Enfin – c’est probablement votre plus grande faute –, vous avez fait le choix d’une politique fiscale anti-redistributive en préférant la flat tax à l’ISF.

Vous avez cru que les Français allaient tranquillement s’asseoir dans la plaine en attendant que les « premiers de cordée » fassent ruisseler la richesse !

Depuis le 17 novembre, vous découvrez que le fait de baisser les impôts des très riches et de libérer la finance tout en augmentant les impôts des autres et en diminuant les dépenses publiques débouche sur une équation insoutenable. Vous et vos collègues étiez tellement obnubilés par votre vision de la modernité, tellement convaincus de la nécessaire mise en conformité de la France au dogme libéral, tellement persuadés que le XXIe siècle n’avait commencé que le 7 mai 2017, que vous êtes passés à côté de l’essentiel : le besoin de justice sociale et la contestation d’un système économique intrinsèquement injuste, que votre politique fiscale a rendu plus injuste encore.

Cette semaine, vous auriez pu corriger cette politique fiscale : le Sénat avait voté à l’unanimité un dispositif contre les montages fiscaux permettant aux titulaires d’actions de mettre leurs portefeuilles à l’abri en les exilant avant de les rapatrier quand les taxes ne peuvent plus être prélevées. Pourtant, à l’Assemblée nationale, vous avez préféré vider ce texte de sa substance et, en définitive, favoriser l’évasion fiscale.

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