Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 21 décembre 2018 à 16h00
Mesures d'urgence économiques et sociales — Discussion générale

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le mouvement des « gilets jaunes » est sans précédent dans la forme : né de la base, répercuté par les réseaux sociaux, il n’a pas fait appel aux organisations qui structurent habituellement la vie sociale de notre pays. Spontané, il a rapidement été massif et distribué sur tout le territoire, principalement, d’ailleurs, en dehors des grandes villes.

Ce mouvement social est aussi intéressant et original parce qu’il est largement représenté par des femmes seules, dont beaucoup ont charge de famille.

La mobilisation de ces femmes, leur implication, leur visibilité dans le quotidien des « gilets jaunes » et dans les occupations de ronds-points est décrite dans de nombreux articles de presse. Elles témoignent, à voix haute, sans fierté, désormais, mais sans honte non plus.

Employées ou ouvrières, ces salariées ne peuvent plus se reposer sur leur salaire pour subvenir aux besoins de leur foyer ; elles comptent chaque euro pour nourrir leurs enfants, les habiller dignement et les loger correctement ; elles sont contraintes d’économiser pour le strict nécessaire et ne peuvent se permettre le superflu ; elles culpabilisent de ne pas pouvoir leur offrir une place de cinéma ou une sortie dans un parc d’attractions.

Les familles monoparentales sont ainsi montées sur l’estrade en quelques semaines. Ces femmes, car celles-ci sont à la tête de 85 % de ces familles, nous alertent sur la problématique de la précarité, qui s’abat de façon plus aiguë sur leurs foyers.

Vous ne découvrez pas cette situation, madame la ministre, nous non plus : nous sommes quelques-unes et quelques-uns, ici, à la dénoncer régulièrement.

La précarité des monoparents exige donc des solutions de hausse des revenus de grande ampleur, mais vous y répondez par la prime d’activité. Or l’extension de cette prime par l’augmentation du plafond de ressources risque d’exclure certaines mères, car les contributions alimentaires du père ajoutées à leur salaire peuvent les conduire à dépasser ledit plafond. Selon l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, pour être juste, cette mesure devrait prendre en considération la charge d’enfants.

Autre solution « d’ampleur » que vous proposez : la défiscalisation des heures supplémentaires en faveur du pouvoir d’achat. Sans revenir sur les conséquences de cette disposition pour les comptes publics, je tiens à rappeler que toute incitation aux heures supplémentaires est un nouveau frein à l’égalité salariale. En 2015, 56 % des salariés hommes ont eu recours aux heures supplémentaires, contre seulement 38 % des femmes. À la fin de l’année, l’écart de rémunération découlant de cette différence atteignait 730 euros. Il s’agit d’une mesure d’inégalité.

Au moment même où cette part de la population précarisée se réapproprie son pouvoir d’agir et crie son sentiment d’abandon, cette injustice peut être comprise comme une provocation ou comme un signe d’amateurisme, et risque, je le crains, de ne pas répondre aux attentes.

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