Mme Agnès Buzyn et moi-même tenons tout d'abord à vous remercier d'avoir organisé, dans des délais contraints par l'urgence de la situation, cette audition sur le projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales. Cette audition a lieu quelques heures après l'adoption de ce texte en conseil des ministres. Les mesures qu'il contient ont été annoncées par le Président de la République le 10 décembre ; elles ont été précisées par le Premier ministre à la tribune de l'Assemblée nationale, jeudi dernier ; elles ont aussi été travaillées avec les deux chambres en amont de la discussion parlementaire que nous engageons à présent, grâce notamment à un échange constant entre les rapporteurs Olivier Véran et Jean-Marie Vanlerenberghe, que je remercie. Nous tenons à saluer cette démarche parlementaire car elle participe de notre capacité collective, au Gouvernement et au Parlement, à apporter des réponses rapides, fortes et concrètes à nos concitoyens, afin que chacun puisse vivre décemment de son travail et choisir sa vie professionnelle, dans un contexte de crise et d'urgence, mais aussi afin de concrétiser une société de l'émancipation sociale par le travail et l'éducation qui rompt avec les droits formels et le déterminisme de naissance ou géographique qui est questionné aujourd'hui. Les réformes structurelles que nous avons engagées depuis dix-huit mois vont profondément dans le sens de la transformation de notre modèle économique et social vers l'émancipation, conformément aux engagements pris par le Président de la République devant les Français : réformes du code du travail, de l'apprentissage, de la formation. Mais face à l'urgence de la situation, il faut accélérer, amplifier notre action pour que les bénéfices soient perceptibles, visibles et concrets plus rapidement pour nos concitoyens, notamment les travailleurs les plus modestes.
Notre cap, c'est de stimuler la croissance pour la rendre riche en emplois et inclusive pour que chacun puisse non pas subir mais plutôt choisir son chemin dans un monde en profonde mutation.
Ces transformations, parce qu'elles sont d'une ampleur inédite et pluridimensionnelle, nécessitent du temps pour donner leur plein effet, or nos concitoyens n'en ont pas tous. Certains, qui travaillent ou ont travaillé toute leur vie, ont un horizon bien plus proche parce que leur pouvoir d'achat est limité et les empêche de boucler les fins de mois avec sérénité. Leur inquiétude est encore plus grande pour leurs enfants et leurs petits-enfants.
Si la situation ne date pas d'aujourd'hui, ce désespoir des vies empêchées s'est clairement exprimé depuis plus d'un mois par une colère puissante, une souffrance matérialisée par le mouvement des Gilets jaunes, largement soutenu par la population.
Apporter des réponses rapides, c'est la condition d'un apaisement et c'est l'objet de ce projet de loi. Cet apaisement sera consolidé en régénérant notre bien commun le plus précieux, la démocratie, grâce au grand débat national qui démarre début janvier. Ce sera un deuxième temps essentiel. Mais à cette heure-ci, il s'agit d'apporter les premières réponses rapides, concrètes, visibles, à ceux qui en ont le plus besoin et ce, dès le début de l'année 2019.
Le projet de loi comporte quatre mesures. La première mesure concerne la possibilité donnée aux entreprises de verser une prime exceptionnelle allant jusqu'à 1 000 euros nets, exonérés de toute charge sociale et d'impôt sur le revenu pour les salariés rémunérés jusqu'à trois Smic bruts par mois, avant le 31 mars 2019. L'incitation est puissante puisque c'est la première fois qu'il n'y a ni charge patronale ni charge salariale ni impôt, y compris la CSG et CRDS, pour une prime exceptionnelle. En clair, si une entreprise donne une prime de 500 euros, celle-ci coûte 500 euros à l'entreprise et le salarié reçoit 500 euros nets.
La deuxième mesure permet à tous les salariés et fonctionnaires qui effectuent des heures supplémentaires de ne plus payer ni cotisation salariale ni impôt sur le revenu à concurrence de 5 000 euros de rémunération annuelle nette des heures supplémentaires, dès le 1er janvier 2019. Une mesure en ce sens était déjà prévue dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019, mais elle est avancée dans le temps et son périmètre est élargi puisqu'elle ne concerne plus simplement les cotisations salariales mais également l'impôt sur le revenu. Le gain de pouvoir d'achat dépend de la rémunération et du niveau d'imposition des salariés. À titre d'exemple, un salarié qui réalise en moyenne deux heures supplémentaires par semaine et est rémunéré 1 500 euros nets - deux heures étant la moyenne constatée - aura un gain de pouvoir d'achat d'environ 500 euros, dont 235 pour le volet social et 265 pour le volet fiscal.