Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 19 décembre 2018 à 16h35
Projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales — Audition de mmes agnès buzyn ministre des solidarités et de la santé et muriel pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

Nous avons réalisé un sondage : 70 % des entreprises sont prêtes à faire un geste. Les fois précédentes, 4 à 5 millions de salariés étaient concernés. Je le rappelle, la mesure vaut jusqu'à 3 Smic, tous les salariés ne sont donc pas compris dans son champ. Une assez forte pression pèse sur les entreprises en raison des premières annonces faites par certaines. Nous mesurerons ces efforts.

Les personnes travaillant au Smic appartiennent pour un tiers d'entre elles à un ménage qui gagne plus de 5 000 euros de revenus. Certes, on peut débattre de l'autonomie à l'intérieur du couple et de l'ingérence de la puissance publique à l'intérieur d'un couple, mais il s'agit là d'un financement de solidarité... Quelle est la priorité ? Avec la règle actuelle, si chacun des membres du couple gagne 1,2 Smic, ils ne reçoivent rien. C'est un choix politique. Le déclencheur, c'est bien le revenu des travailleurs modestes puisqu'il faut qu'au moins un des deux membres du couple ait un salaire modeste. Mais ne pas tenir compte des revenus du couple serait aussi injuste.

J'ai signé ce matin le décret d'augmentation du Smic de 1,5 %, un niveau supérieur aux années précédentes - mais également logique, en raison d'une plus forte inflation. En deux ans, le Smic est passé de 1 153 euros nets par mois à 1 174 euros en janvier 2018. Il était de 1 188 euros en décembre grâce à la suppression des cotisations d'assurance maladie et là, il passera à 1 204 euros net, soit 1 521 euros brut. Cette augmentation concernera 1,6 million de salariés, et aura un effet de diffusion sur 11 millions de personnes. Aller plus loin est une question de responsabilité. Nous devons en permanence lutter contre le chômage de masse et pour le pouvoir d'achat. Nous n'avons pas fait le choix des travailleurs pauvres ou des mini-jobs et avons le Smic le plus élevé d'Europe. Mais, compte tenu des dépenses contraintes, nous savons qu'il est difficile de ne vivre que du Smic si l'on n'a pas d'autres revenus. Or 95 % des entreprises sont des petites entreprises, et la moitié des salariés sont dans des PME. Si l'on augmente les salaires, votre petit commerce ou votre artisan, qui a déjà de faibles bénéfices, soit licenciera, soit augmentera ses tarifs... Il faut raisonner à la fois de façon micro et macro tant dans le secteur social qu'économique...

Il faut travailler à la fois sur les salaires au sens strict, sur les revenus des ménages et sur les dépenses contraintes : certains prix doivent être régulés.

Le pouvoir d'achat global a augmenté, mais le pouvoir d'achat par ménage a diminué, donc le ressenti de nos concitoyens et réel. Cela est dû à la diminution de la taille des ménages en raison des séparations et des divorces. Le nombre de familles monoparentales est beaucoup plus important, et elles doivent se loger... Nous essayons de prendre en compte cet aspect pour plus de justice sociale.

Les personnes touchant la prime d'activité sont pour la moitié d'entre elles des personnes seules - on compte dans les bénéficiaires 22 % de familles monoparentales. Notre réforme a donc un effet direct sur ceux que nous voulons toucher, et nous encourageons les personnes qui travaillent, sans détruire l'emploi.

Actuellement, la prime d'activité ne bénéficie pas aux personnes qui sont juste au-dessus du Smic et qui n'ont que cela comme revenu et ont du mal à vivre. Pour 100 % des personnes qui n'ont que leur salaire comme revenu, ils toucheront jusqu'à 1 500 euros pour une personne seule, 2 000 euros pour une personne seule avec enfant, 2 400 euros pour un couple et jusqu'à 3 000 euros pour un couple avec enfant. Et ils auront en plus les 100 euros.

Nous voulons relier la valorisation du travail, le fait de vivre dignement de son travail et la justice sociale.

Trois mesures ne sont pas ponctuelles par nature : la prime d'activité, les heures supplémentaires et la CSG. Seule la prime exceptionnelle est par vocation exceptionnelle.

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