Merci, Monsieur le président, de ces mots à mon endroit.
Vous me voyez sourire franchement après avoir entendu le président de la Délégation. Si je souris, ce n'est pas seulement pour les mots qu'il a eus, mais parce que c'est toujours un plaisir pour moi de venir au Sénat - je le dis très sincèrement -, à chaque fois que l'occasion s'est présentée à moi, comme directeur général d'une collectivité locale durant trois ans et quelques mois, à la tête de la Direction générale des collectivités locales, ou comme Commissaire général à l'Égalité des Territoires (CGET).
Ce Commissariat général est la préfiguration de la future Agence nationale des Territoires, que je vais donc vous présenter. Le Sénat est un peu ma maison. Je sais que c'est la vôtre, mais elle est aussi la mienne. Durant de longues années, les relations avec les collectivités locales ont été ma mission. J'y ai beaucoup d'intérêt.
Vous connaissez déjà bien le sujet sur lequel je vais intervenir, je vais donc partir de la genèse de ma mission. Lorsque je me suis vu proposer cette mission de préfiguration de l'Agence nationale des Territoires, je devais remettre un rapport au Premier ministre le 18 juin - rapport dont il avait signé la lettre de mission. Pour l'élaborer, je m'étais posé quatre questions : pourquoi créer une Agence ? Pourquoi créer une Agence à caractère national ? Qu'est-ce que la cohésion ? Que sont les territoires ?
Au-delà de ces quatre questions, j'avais dit au ministre de la Cohésion des Territoires que, si j'avais estimé qu'il n'était pas nécessaire de créer une telle agence, je l'aurais écrit dans mon rapport. Je reste persuadé qu'il s'agit d'une bonne idée, d'une bonne intuition et que cela répond à un besoin. Pourquoi sa création est-elle nécessaire ? Dans une France décentralisée, quelle est la légitimité de l'intervention de l'État ? Jusqu'où cette intervention de l'État peut-elle aller ? La décentralisation et le transfert de compétences pouvaient nous faire croire que les collectivités territoriales se débrouillent elles-mêmes sans que l'État ne s'en mêle. Les questions que je pose sont une réalité. Je ne les ai donc pas abordées sous l'angle théorique, mais sous l'angle pratique. Existe-t-il aujourd'hui, dans les territoires de la République, une adéquation entre les besoins des territoires qui nourrissent des projets et qui essaient de les mettre en oeuvre et les ressources qui peuvent être mobilisées ? Dans les territoires de la République, existe-t-il une assurance que cette adéquation existe bien et qu'elle est optimale ? La réponse est négative, pour deux raisons.
- la première est le manque de moyens et leur manque de coordination, voire le manque d'ingénierie. Le passage d'un projet politique à une stratégie territoriale reste, dans de trop nombreux endroits, trop compliqué. Dès lors, il convient de trouver une solution à cette difficulté ;
- ensuite, cela ne se passe pas bien parce que l'État a institué au fil des années un « maquis » de règles et de normes dont il est impossible de se dépêtrer, y compris pour les meilleurs spécialistes des pouvoirs publics. Elles constituent une forêt incroyablement dense avec des interlocuteurs multiples, qui ne coordonnent pas toujours leur action malgré les efforts des représentants de l'État sur le territoire. De nombreux élus territoriaux en viennent donc à se décourager. Ils se font l'aveu de leur impuissance. Ce constat douloureux, je l'ai opéré au cours de ma carrière. Moi aussi j'ai ajouté des normes aux normes.