… à la Ve République, qui nous a équipés en nucléaire et – pourquoi ne pas le dire aussi ? – aux efforts faits avec l’argent du consommateur d’électricité pour diversifier, grâce aux énergies renouvelables, nos sources d’approvisionnement.
Aujourd’hui, monsieur le ministre d’État, nous avons besoin d’un débat politique au regard de l’enjeu et de l’importance des questions soulevées. De surcroît, certaines décisions sont, à l’évidence, de nature législative. Or, dans l’article 176 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, il n’est fait référence qu’à une présentation de la PPE, qui est un texte administratif, plus précisément un décret, devant le Parlement. Nous souhaitons au contraire un large débat. En effet, l’actualité nous rappelle à cette évidence : l’énergie étant stratégique pour le développement économique de notre pays, il est bon d’en connaître les règles pour la part qui relève de l’autorité publique.
Certes, il y a eu un débat public intéressant, organisé par la commission du même nom, avec des réponses nuancées. Vous avez pris vous-même un décret, monsieur le ministre d’État, et vous avez présenté un dossier assez intéressant sur les préoccupations et les préférences du Gouvernement en ce qui concerne l’évolution de l’énergie. Néanmoins, il y a des questions majeures qui n’ont pas été traitées et qui doivent l’être sur le plan politique, c’est-à-dire en faisant le choix de s’appuyer sur le Parlement. Si nous ne voulons pas traiter ces sujets au Parlement, l’actualité nous rappelle qu’ils seront traités dans la rue, dans des conditions de superficialité et de violence qui ne conviennent pas à notre République démocratique.
Je retiendrai, pour ma part, quatre angles pour ouvrir ce débat.
Le premier, et sans doute le plus important, concerne le pouvoir d’achat et le problème de la répartition juste de cet avantage stratégique que constitue le fait qu’en France on émet 4, 5 tonnes de CO2par habitant, alors que les Allemands en émettent plus du double. Nous avons une marge. Comment la répartir et comment faire en sorte que tous les Français en profitent ? Nous sommes confrontés, et les dernières semaines nous le rappellent, à un problème de trajectoire carbone, qui a fait ressortir la question majeure des inégalités entre nos compatriotes en matière de mobilité. Pour faire simple, ceux qui peuvent accéder aux transports collectifs bénéficient de subventions, quand ceux qui ne peuvent pas y accéder doivent non seulement prendre en charge leur investissement, mais aussi financer par l’achat de carburant le budget public. C’est une injustice, qui est ressentie comme telle. On peut en discuter, mais on ne peut pas la considérer comme négligeable.
De la même façon, il existe une injustice entre catégories de Français non pas territorialement, mais au regard de notre histoire. L’effort nucléaire a été spectaculaire et, pendant longtemps, cela nous a conduits à avoir une électricité chère. Aujourd’hui, bénéficiant de l’envol du fissile après les chocs pétroliers, le tarif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’ARENH, est raisonnable, à quelque 43 euros le mégawattheure. Il faut continuer d’en bénéficier. Pourquoi les Français qui ont fait cet effort seraient-ils privés d’un tel avantage en payant une contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, qui, elle, sert hélas trop largement à financer des investissements d’industries extérieures, en particulier ceux de producteurs de panneaux photovoltaïques ? Cette question de la répartition de l’effort entre nos compatriotes est un point préoccupant.
Le deuxième thème que je voudrais aborder pour ce débat, c’est justement la question de l’emploi et de l’aménagement du territoire, qui est aussi un problème de justice entre nos compatriotes.
Une autre raison de la faible émission de carbone par habitant dans notre pays tient sans doute à la désindustrialisation, à comparer à la part que l’industrie représente encore, par exemple, en Allemagne. Nous émettons moins de CO2, mais notre empreinte carbone se dégrade, parce que nous importons des produits industriels que nous ne fabriquons plus, parce que, justement, la trajectoire carbone imposée ou la réglementation ont découragé nos industriels dans toute une série de domaines. Je les cite, mais nous aurons l’occasion d’y revenir dans la suite du débat : pétrole, raffinage, électro-intensifs, automobile, particulièrement dans ce créneau où la France est notoirement compétente, c’est-à-dire celui des petits véhicules à moteur diesel, qui sont aujourd’hui très injustement critiqués.
J’ajoute enfin l’annonce que vous avez faite de la fermeture des dernières centrales à charbon. Je suis lorrain et j’ai fermé, comme ministre de l’industrie, les dernières mines de charbon dans notre pays, mais je trouve que l’annonce de la fermeture des quatre centrales qui restent – Gardanne, Carling, Cordemais et Le Havre – a été pour le moins brutale. Il faut que ces fermetures soient accompagnées par une transition énergétique active et généreuse.
Nous avons donc un problème industriel. L’industrie recule, alors qu’elle était répartie sur l’ensemble du territoire. Cela accrédite le sentiment que notre politique énergétique défavorise la majorité des Français sur la partie du territoire national à faible densité, là où nos compatriotes ressentent la nécessité d’utiliser la voiture, mais où il y avait cependant des activités industrielles, les services se concentrant dans les grandes métropoles.
J’en viens à la question du nucléaire au travers de celle de l’aménagement du territoire. Quand vous fermez un site, vous menacez des emplois. À cet instant, monsieur le ministre d’État, je veux vous poser une question majeure : pourquoi ne pas « découpler » clairement votre objectif de 50 % d’électricité d’origine nucléaire, dont on ne connaît pas les motifs, d’ailleurs, mais qui est en quelque sorte une vache sacrée sur le chemin de la sérénité et de la paix énergétiques