Je formulerai quelques réflexions. Comment éviter que la taille ne soit l’ennemie de la proximité ? Si l’on a créé des centres de profit dans les grandes entreprises, c’était justement pour garder le lien avec le terrain, alors que l’entreprise et la holding travaillaient sur des territoires immenses.
L’erreur n’a-t-elle pas été, dans certains groupes, de fusionner en une coopérative unique, en éloignant la gouvernance des territoires ? C’est une question. Pour le dire autrement, comment être un colosse sans pieds d’argile ? Il serait intéressant d’étudier comment ont été provoqués les derniers grands rassemblements, et s’ils ont été soucieux de préserver une gouvernance locale.
Je suis persuadé que l’une des forces du réseau coopératif réside dans son enracinement dans les territoires, dont les administrateurs demeurent les garants. Cet enracinement, fruit de notre histoire, est précieux et donne un avantage évident aux groupes qui savent le préserver et l’utiliser.
Deuxième question que je souhaite formuler aujourd’hui : comment renforcer le contrôle démocratique de la coopérative et, surtout, de ses filiales de droit commercial ?
On le sait, dès lors que les agriculteurs perdent la main, ils ont tendance à rencontrer des difficultés pour dégager des revenus décents. Ils doivent donc réinvestir les organes de gouvernance, y compris ceux des filiales. Mais comment garantir leur implication quand le système mondialisé impose le recours à des cabinets d’audit anglophones, par exemple ?
Il y a, évidemment, un important devoir d’information et un enjeu de formation des coopérateurs. Il y a peut-être également besoin, comme le soulignaient deux responsables coopérateurs dans une récente tribune, d’un « référentiel de gouvernance coopérative détaillé » auquel se rattacher. J’y ajouterai la création de comités d’éthique dans les coopératives de très grande taille.
Je voudrais évoquer, ensuite, la capacité qui pourrait être donnée aux coopérateurs de déclencher un audit indépendant sur les résultats de leur coopérative. C’est un droit des salariés aujourd’hui dans les comités d’entreprise. Pourquoi ne pas l’élargir aux coopérateurs dans les très grandes coopératives ?
Troisième et dernière interrogation, quelle régulation mettre en place pour adapter les coopératives au monde des affaires sans pour autant contredire les valeurs du modèle coopératif ? Je ne l’ai pas encore dit, mais, à titre personnel, je suis évidemment très attaché, comme la plupart d’entre vous sans doute, au modèle coopératif.
Toutefois, je me pose légitimement la question : ne faut-il pas le doter d’un gendarme qui puisse agir en toute indépendance et impartialité ? Le Haut Conseil de la coopération agricole pourrait-il se voir affecter des moyens supplémentaires pour assurer cette prérogative, afin d’éviter les écueils dénoncés par notre collègue Pierre Louault en ouverture de ce débat ?
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, j’appelle de mes vœux une nouvelle gouvernance des coopératives françaises, mais coconstruite avec les intervenants du secteur.