Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 15 janvier 2019 à 14h30
Gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles — Débat organisé à la demande du groupe union centriste

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la gouvernance des grands groupes coopératifs est tout à fait opportun au moment où le Gouvernement prépare l’ordonnance relative à la coopération agricole que la loi ÉGALIM l’a habilité à prendre, contre l’avis largement majoritaire et transpartisan du Sénat. On sait que ce point a fait dissensus, avec d’autres, lors de la commission mixte paritaire qui n’a pas été conclusive. Nous souhaitions ici pouvoir discuter directement, dans l’écoute de toutes les parties prenantes, du contenu des dispositions envisagées.

Nos collègues de l’Union Centriste ont demandé l’organisation de ce débat à partir des difficultés que rencontre en ce moment la coopérative Tereos, qui enregistre des déficits records du fait de la fin des quotas sucriers, mais aussi de choix financiers à l’international critiqués en interne. Cette crise a pris une nouvelle ampleur l’été dernier, avec la démission de 70 des 73 conseillers de région et l’exclusion de trois coopérateurs membres du conseil d’administration pour avoir été trop critiques à l’égard de la direction. Ces critiques portaient sur la gouvernance « défaillante », le manque de transparence régnant au sein de la coopérative, ainsi que sur une politique d’internationalisation inefficace.

L’article 11 de la loi ÉGALIM habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures qui concernent directement la gouvernance des coopératives.

La première de ces mesures – il y a en a huit – prévoit de renforcer la lisibilité et la transparence des informations contenues dans les documents transmis aux associés coopérateurs par l’organe chargé de l’administration de la société ou adoptés en assemblée générale, notamment le règlement intérieur, le rapport annuel et le document unique récapitulatif. La deuxième prévoit d’améliorer la lisibilité et la transparence par les associés coopérateurs des modalités de détermination du prix et de la répartition des résultats de la coopérative au travers de l’élaboration de documents appropriés. Les six autres mesures concernent moins la gouvernance.

La question majeure que pose le cas de Tereos est celle des dérives de certaines grosses coopératives agricoles, notamment au sujet de leur stratégie à l’international, et en conséquence le manque de pouvoir des agriculteurs coopérateurs au sein de celles-ci.

Au regard de la diminution sensible, ces dernières années, des exportations agricoles et agroalimentaires françaises, au regard aussi des exigences fortes de la société en matière de qualité sanitaire et d’impact environnemental, la compétitivité du modèle coopératif est un enjeu crucial pour notre pays.

Je suis un fervent défenseur de toutes les organisations collectives agricoles permettant d’accroître la valeur pour le producteur et la valeur ajoutée des produits transformés, tout en mutualisant les risques de toutes natures, économiques, sanitaires ou environnementaux. La modernisation de l’agriculture française doit aussi prendre appui sur ses coopératives, petites et grandes.

Je trouve qu’il est précieux, dans un contexte national général où la question de la participation et de la redistribution est posée, que le principe démocratique soit au cœur de la gouvernance des coopératives, le principe cardinal étant que chaque associé ou sociétaire dispose, sauf dispositions spéciales, d’une voix à l’assemblée générale.

Au fil du temps, par nécessité économique autant que par opportunité juridique, la coopération s’est complexifiée et, dans certains cas, opacifiée dans ses montages sociétaires. Les opérations de rapprochement ou de croissance externe ont modifié la taille et le champ d’activité de nombreuses coopératives. Certaines possèdent désormais une dimension internationale.

Ces adaptations étaient indispensables pour affronter la concurrence sur les marchés mondialisés. Elles le seront encore demain, mais elles posent de nouveaux défis en termes d’organisation et de gouvernance. Le point de vue de certains associés s’est éloigné dans certains cas, les conséquences des décisions prises ailleurs pouvant avoir des effets positifs ou négatifs très importants sur la coopérative ou l’union de coopératives d’origine, la maison mère.

Pour maîtriser et retrouver de la valeur dans l’acte de production, de transformation et de commercialisation, les agriculteurs doivent dans certaines configurations – pas toutes, et c’est heureux –, réinvestir les organes de gouvernance. Ils doivent prendre part à toutes les décisions à caractère stratégique qui conditionnent leur propre rémunération dans le moyen, mais aussi le long terme.

Ces principes pourraient trouver une traduction dans l’ordonnance attendue, en prévoyant, monsieur le ministre, un pacte stratégique soumis systématiquement au vote des coopérateurs, un accès facilité des coopérateurs à l’expertise ou à l’audit pour toutes les grandes questions concernant les coûts internes et l’organisation, une implication directe des administrateurs de la maison mère dans la gouvernance des filiales.

Monsieur le ministre, dans le contexte de la loi ÉGALIM, quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre par ordonnance pour améliorer la transparence interne et la démocratie des sociétés coopératives si importantes pour la rémunération des coopérateurs et la compétitivité de l’agroalimentaire français ?

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