Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier nos collègues du groupe Union Centriste de nous permettre d’aborder, aujourd’hui, le sujet de la gouvernance des grands groupes coopératifs agricoles.
Avant d’évoquer en détail cette problématique, je voudrais rappeler quelques éléments de contexte s’agissant de la réalité des coopératives et de leur rôle dans les territoires, où elles sont devenues, au fil des années, des acteurs incontournables de développement économique et d’aménagement du territoire.
En effet, les principes coopératifs sont communs à toutes les coopératives, indépendamment de leur taille, celles-ci étant le fruit d’une longue tradition, issues de la volonté commune de femmes et d’hommes de structurer leur filière pour répondre aux enjeux économiques, réglementaires et environnementaux.
Peu à peu, les coopératives agricoles ont étendu leur champ de compétences, de la collecte à la commercialisation, pour déboucher sur la mise en place d’entités de négoce dans le domaine des engrais, des produits « phytos » ou des semences, par exemple.
Les coopératives offrent aujourd’hui à leurs adhérents une palette de prestations de services innovants, la mise en place d’outils d’aide à la décision ou de gestion des productions. C’est un champ de compétences techniques en interne très large et très diversifié, qui permet de répondre aux besoins des 2 400 entreprises, dont 13 seulement sont qualifiées de « grands groupes » et 130 d’« intermédiaires ». Le tissu coopératif est donc composé, à 93 %, de TPE et de PME.
Je connais un peu ce domaine d’activité, pour avoir travaillé pendant trente ans au sein de la coopérative Alpesud, dans les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence.
La mise en œuvre de la loi ÉGALIM et, plus particulièrement, de l’ordonnance visant à rendre incompatibles l’agrément pour la vente de produits « phytos » et celui pour le conseil n’est pas sans poser de grandes difficultés. En effet, le capital de l’activité conseil ne peut être détenu directement ou indirectement par des personnes physiques ou morales agréées pour la vente : ni filiale ni holding, par exemple, ne sont possibles.
Le conseiller indépendant, qui doit être agréé, ne peut pas percevoir de rémunération directe ou indirecte liée à la production ou à la distribution de produits, à leur application en tant que prestataire ou via la vente de matériel d’application.
L’agrément est renouvelable annuellement, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État et s’inscrit dans un objectif de réduction de l’usage et des impacts des produits « phytos », privilégiant les méthodes alternatives.
Or, comme vous le savez, mes chers collègues, un justificatif de ce conseil devra être présenté pour acheter des produits « phytos », sauf si l’exploitation agricole est certifiée, en sa totalité, selon « un référentiel listé par la voie réglementaire pour ses incidences favorables sur la réduction de l’usage et des impacts des produits phytopharmaceutiques. »
Dès lors, un certain nombre de questions subsistent. Qu’en est-il du conseil en réapprovisionnement, par exemple ? Où s’arrête le rôle du vendeur, qui peut notamment évoquer la « cible » du produit ? Quel sera le coût du conseil indépendant ?
Face aux nombreuses évolutions, la gouvernance coopérative n’a cessé de s’adapter. Mais les dernières évolutions règlementaires provoqueront des changements profonds. Je souhaite, pour ma part, que le débat de ce jour nous permette d’en évaluer les conséquences et d’ajuster certaines dispositions.
Les retours des territoires sont unanimes : les coopératives doivent demeurer capables d’apporter du conseil de proximité, au quotidien. On ne peut pas remettre en cause leur rôle dans la mise à disposition des agriculteurs des moyens de production dont ces derniers ont besoin.
Avec un chiffre d’affaires global de 84 milliards d’euros, et dans un monde en pleine mutation, il apparaît essentiel d’améliorer la gouvernance coopérative. C’est aussi une demande des adhérents, puisque 32 % de ceux qui ont répondu au questionnaire de Coop de France considèrent que leur voix n’est pas assez entendue et s’interrogent sur le partage réel du projet de la coopérative.
Ce modèle a d’ailleurs vocation à être pérennisé. Ainsi, 77 % des adhérents considèrent que le modèle coopératif répond aux besoins de demain. Il est même qualifié, par les agriculteurs-coopérateurs, de « bouclier » face aux nombreuses incertitudes.
Toutefois, cette adaptation doit se faire en toute indépendance et impartialité.