Intervention de Michèle Vullien

Réunion du 15 janvier 2019 à 14h30
Mobilités du futur — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective

Photo de Michèle VullienMichèle Vullien :

Je voudrais d’abord remercier nos collègues qui sont encore en séance et saluer mes corapporteurs – il s’agit, en effet, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, d’un travail collectif conduit sous la houlette de Roger Karoutchi, président de la délégation à la prospective du Sénat.

Il y a deux mois, cette délégation adoptait un rapport demandant de mettre les nouvelles mobilités au service de tous les territoires. Quelques semaines plus tard, les « gilets jaunes » manifestaient pour protester contre les hausses de prix des carburants, qui grèvent le pouvoir d’achat de ceux qui n’ont pas de solution alternative à la voiture pour se déplacer.

Nous sommes en train de vivre une révolution des mobilités, qui est très rapide : véhicules autonomes, véhicules électriques, véhicules partagés, applications de mobilité en temps réel, retour au vélo, nouveaux engins de déplacement personnel dans les villes, etc.

Pourquoi avons-nous choisi, avec le président de la délégation à la prospective, de nous intéresser à ce sujet ?

Ce n’est pas seulement parce que c’est la mode ou pour recenser les dernières innovations technologiques ; ce n’est pas non plus seulement parce que se profilait la loi Mobilités. C’est, plus fondamentalement, pour cette raison évidente que la mobilité est l’une des conditions essentielles au développement d’un territoire dans toutes ses dimensions : développement économique par l’implantation d’activités – les salariés doivent pouvoir circuler –, développement social en créant du lien, excellence environnementale. Nous avons là les trois piliers du développement durable.

Pendant près de cinquante ans, le développement de la mobilité se résumait à un seul type d’action : faire des routes, promouvoir la « bagnole » individuelle. Or, on le voit aujourd’hui, ce modèle trouve ses limites : pollution, congestion, coût élevé au kilomètre des déplacements en automobile, dépendance économique au pétrole.

Si la voiture a été un instrument de liberté formidable pour nos déplacements, on doit sortir du « tout-voiture », et c’est là que les difficultés commencent, notamment en raison du « tout-voiture solo ».

Les transports collectifs, les transports partagés, le vélo en libre-service peuvent être mis en place dans les agglomérations, dans les zones denses, où les nouvelles technologies permettent d’enrichir l’offre de mobilités du quotidien.

Mais comment faire dans les zones peu denses, dans les zones rurales où les start-up des mobilités ne viennent pas spontanément ? Les nouvelles mobilités connectées risquent de laisser sur le bord du chemin des pans entiers du territoire.

Les actuelles autorités organisatrices de transport, ou AOT, ne couvrent pas l’ensemble du territoire. Le projet de loi d’orientation des mobilités prévoit d’ailleurs, de manière très intéressante, d’en finir avec ces zones blanches.

Actuellement, 80 % des espaces français métropolitains représentant 30 % de la population sont très mal, voire pas du tout desservis.

Pour que le progrès technique dans le domaine des mobilités et les changements de pratiques en cours n’aggravent pas les fractures territoriales et ne créent pas une nouvelle fracture, une nouvelle frontière interne à notre pays, il ne faut pas être passifs et « attendre que ça se passe ».

Bien au contraire, pour que le scénario positif des nouvelles mobilités au service de tous les territoires se réalise, il faudra un pilotage politique fort qui accompagne le progrès technique, qui l’encadre et qui l’organise.

La mission confiée récemment à M. François Philizot sur la desserte fine des territoires va ainsi dans le bon sens.

C’est à ce prix que la « mobilité augmentée » promise profitera à tous.

Dans notre rapport, nous avons identifié trois aspects de la révolution des mobilités qui est en train de se produire sous nos yeux, et dont il faut avoir conscience.

Premier aspect, le modèle d’innovation dans les mobilités est très nouveau. Avant, on testait, on imaginait des nouvelles solutions, on attendait éventuellement une réglementation, puis on voyait les nouvelles offres apparaître : le TGV a été longuement préparé ; la voiture a mis soixante ans pour se généraliser.

Avec la nouvelle économie numérique, cela ne marche plus ainsi : des applications pour smartphones sont lancées, des vélos en libre-service sont déposés dans les rues des grandes villes – un peu n’importe comment –, des applications de réservation de voitures avec chauffeur concurrencent les bornes de taxi sans demander aucune autorisation à qui que ce soit.

Les entreprises testent leurs solutions en situation réelle et celles-ci réussissent en étant adoptées par le public ou sont très vite abandonnées.

Cela vient percuter nos politiques de transport : celles-ci sont des politiques du temps long, avec des investissements lourds dans des infrastructures. Notre conviction est que l’innovation ne doit pas conduire à l’anarchie : nous réaffirmons donc qu’il est nécessaire qu’il existe un pilotage politique des mobilités à deux niveaux : celui des collectivités territoriales pour les mobilités de proximité, et celui de l’État pour la politique d’infrastructures et la péréquation entre territoires.

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