Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter une très belle année 2019.
Le premier mérite de ce débat est de nous permettre de mettre les choses au clair. À l’évidence, c’est indispensable, car l’écart est parfois immense entre la réalité de la stratégie Bienvenue en France et la description qui en est parfois faite ici et là.
À mes yeux, ce débat doit être l’occasion de dire clairement non seulement ce qu’est la stratégie d’attractivité menée par le Gouvernement, mais aussi ce qu’elle n’est pas, et de permettre à chacun de déterminer son opinion sur la base des faits. Rendre possibles de tels débats, c’est l’habitude du Sénat, et je me réjouis que nous ayons l’opportunité d’évoquer ensemble ce sujet essentiel.
Avant tout, je souhaite rappeler que la stratégie Bienvenue en France est une première. Jamais, jusqu’à présent, un gouvernement n’avait fait de la question de l’accueil des étudiants internationaux une priorité.
Si nous avons fait ce choix, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est parce que nous vivons une révolution silencieuse. Non seulement la jeunesse du monde est de plus en plus nombreuse à accéder à l’enseignement supérieur, et c’est très bien ainsi, mais elle est aussi de plus en plus nombreuse à faire tout ou partie de ses études supérieures à l’étranger. Il y a aujourd’hui un peu plus de 5 millions d’étudiants en mobilité dans le monde ; ils seront 9 millions en 2025.
La question posée est donc de savoir si la France sera ou non au rendez-vous de cette explosion de la mobilité étudiante, et si nous saurons saisir cette occasion d’accroître notre rayonnement, celui de notre enseignement supérieur comme celui de notre culture et des valeurs qui sont les nôtres.
Ne nous y trompons pas, aujourd’hui, certaines des grandes nations universitaires font face à des moments d’hésitation et sont confrontées à la tentation de la fermeture. La politique de visas américaine est ainsi devenue plus restrictive. Quant à nos amis britanniques, chacun sait qu’ils traversent une période de profonde incertitude.
Dans le même temps, de nouveaux acteurs émergent et affirment une politique d’attractivité que l’on peut, sans jugement de valeur, qualifier de dynamique, voire d’agressive. La Chine, la Turquie, l’Arabie saoudite, l’Iran sont quelques-uns des États qui connaissent la plus forte croissance du nombre d’étudiants internationaux accueillis. Face à cette concurrence, nous avons des atouts évidents – vous les avez rappelés, madame la sénatrice –, mais nous avons aussi des faiblesses. Il faut être conscient des uns comme des autres.
Les atouts, nous les connaissons : notre culture, notre patrimoine, la qualité de notre offre de formation et de recherche. Mais nos faiblesses sont aussi extrêmement visibles pour les étudiants internationaux. Nous les accueillons mal, et ils disent souvent qu’étudier en France se mérite.
Bien sûr, des progrès ont été effectués. Un certain nombre de grandes écoles, mais aussi d’universités se sont saisies de cette question. Ces efforts demeurent toutefois insuffisants, car faire des études en France relève encore trop souvent du parcours du combattant. Ce parcours démarre avec la demande de visa, se poursuit avec la recherche d’un logement, l’ouverture d’un compte en banque et l’inscription administrative. Trop souvent, les étudiants internationaux sont livrés à eux-mêmes pour accomplir ces démarches, tandis que dans les universités étrangères, un étudiant en mobilité est accueilli et accompagné de bout en bout.
Il suffit de comparer et de voir comment les étudiants français sont accueillis dans les universités étrangères… L’enjeu est donc bien là : être à la hauteur des standards internationaux de l’accueil.
Je veux insister sur ce point devant vous, car l’objectif du Gouvernement est bien d’augmenter de façon volontariste le nombre d’étudiants internationaux accueillis dans notre pays et de le porter à 500 000 d’ici à 2027. Nous sommes donc bien loin de la caricature qui circule ici ou là ! Il s’agit non pas de construire je ne sais quel mur autour des universités et des écoles, mais bien d’augmenter le nombre d’étudiants accueillis dans les prochaines années.
Évidemment, pour attirer ces étudiants, nous devons nous saisir des questions que nous avons trop longtemps laissées à l’écart. Je pense aux enseignements et aux formations délivrés en langue étrangère. Nous avons la chance de pouvoir compter sur la francophonie à laquelle je sais que vous êtes, comme moi, profondément attachés. Mais pour attirer en France et vers la pratique du français des étudiants qui, de prime abord, en sont davantage éloignés, nous devons réfléchir au moyen de leur permettre d’apprendre notre langue de manière intensive à leur arrivée sur le territoire, et en parallèle, à celui de développer des formations, notamment en langue anglaise, chaque fois que cela a du sens.
Pour accueillir les étudiants internationaux, il faut des moyens. Dès cette année, le Gouvernement a dégagé 10 millions d’euros pour permettre aux universités et aux écoles de mettre en place des actions concrètes, de créer des guichets uniques pour accompagner les étudiants dans leurs démarches, de faciliter l’accès au logement, notamment au sein des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS, et de développer les formations en français langue étrangère que j’évoquais à l’instant.
Pour aider les étudiants qui choisiront la France à s’y retrouver, le premier appel à labellisation Bienvenue en France, qui témoignera de l’engagement des établissements d’enseignement supérieur, sera ouvert dans les prochains jours.
Je veux aussi être claire : dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, si nous voulons financer durablement l’amélioration de ces conditions d’accueil, nous n’avons pas d’autre choix que d’instaurer un vrai modèle redistributif, qui passe par la mise en place de droits d’inscription différenciés pour les étudiants internationaux et qui s’accompagne d’un triplement des bourses et exonérations. Il s’agit de garantir qu’aucun étudiant souhaitant choisir la France n’en soit empêché pour des raisons financières.
J’insiste, car ces frais différenciés ne peuvent se concevoir sans une véritable politique d’exonérations, de stratégies et de choix internationaux pour les établissements, ainsi que de bourses, qui se décline à l’échelle nationale et à celle de chaque établissement.
La mise en œuvre de nouvelles bourses et d’exonérations d’ici à la rentrée prochaine joue un rôle central dans la stratégie Bienvenue en France. Au-delà, les universités et les écoles disposent d’une large faculté d’exonération. Ainsi, tous les étudiants internationaux accueillis dans le cadre de conventions entre établissements d’enseignement supérieur sont exonérés de ces frais différenciés, de même que les étudiants accueillis dans le cadre d’Erasmus +. Au total, et sans que rien de nouveau soit proposé par les établissements, ce sont d’ores et déjà près de 25 % des étudiants internationaux concernés par les frais différenciés qui bénéficieront d’une exonération.
La stratégie internationale de chaque établissement doit se construire dans le contexte de ces établissements. C’est pourquoi j’ai demandé dès le mois de décembre à chaque établissement d’identifier ses besoins en bourses et en exonérations, et de nous les communiquer.
Pour intégrer pleinement l’objectif d’amélioration des conditions d’accueil, il doit y avoir un débat autour des modalités de financement de cette politique d’accueil, mais il ne doit en aucun cas nous faire oublier notre but : mieux accueillir les étudiants internationaux.
Ainsi pourrons-nous aborder, dans le cadre de la concertation et de ce débat, certains des points d’inquiétude qui ont déjà été formulés et auxquels je suis bien évidemment attentive. Je pense à l’accompagnement des étudiants internationaux d’ores et déjà présents en France, qui ne seront pas concernés par les frais différenciés et doivent donc être parfaitement rassurés à cet égard. En ce qui concerne les doctorants, qui sont essentiels pour notre système d’enseignement supérieur et de recherche, nous avons fait en sorte que les frais d’inscription d’un très grand nombre d’entre eux puissent être pris en charge.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette stratégie a une seule ambition : permettre à nos universités et à nos écoles de rayonner pleinement dans un monde où la mobilité étudiante connaîtra une accélération sans précédent. Au-delà des divergences qui s’exprimeront tout au long de ce débat, je suis certaine que cette ambition pourra nous réunir.