Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous sommes amenés à évaluer et dresser un bilan de la première année d’application de Parcoursup, la question que nous devons collectivement nous poser est la suivante : cette plateforme a-t-elle amélioré l’accès des bacheliers au premier cycle du supérieur ?
En réalité, il est sans doute un peu trop tôt pour un bilan complet de Parcoursup. Nous devons attendre que les universités fassent remonter des informations sur la réussite en première année pour avoir une vision plus précise.
De manière préalable, j’observe que nos débats sur Parcoursup gagneraient à s’appuyer sur des données fiables, indispensables pour structurer un raisonnement plus précis. Cette remarque n’est pas anecdotique : sans données statistiques solides et entièrement transparentes, les polémiques alimentées l’an dernier sur Parcoursup se poursuivront, et souvent de manière excessive.
Quoi qu’il en soit, les premiers retours du terrain montrent que la campagne Parcoursup s’est globalement bien passée cette année, même si les délais de réponse pour un certain nombre d’étudiants ont été trop longs.
Comme prévu, le principe de l’accès à l’enseignement supérieur pour chaque bachelier qui le souhaite n’a pas été remis en cause. Dans toutes les formations non sélectives qui ont épuisé les listes complémentaires cet été, l’objectif principal a bien été atteint : celles et ceux qui désiraient rejoindre une formation ont reçu une proposition adaptée à leur demande et à leurs capacités.
Les principaux apports de Parcoursup concernaient surtout les modalités de recrutement dans les filières non sélectives en tension, qui ont été profondément revues. À ce titre, le système des attendus, des « oui si », de la lettre de motivation et de la fiche Avenir avait un objectif louable : mieux orienter et accompagner les bacheliers vers des filières où ils ont les meilleures chances de réussite. L’objectif était louable, car le système précédent conduisait des cohortes entières d’étudiants à l’échec par méconnaissance des filières, des attendus et des débouchés.
J’échangeais récemment avec le président d’une université parisienne. Il rappelait un fait que nous avons tendance à oublier aujourd’hui : dans son établissement, lors de la dernière année du système APB, le taux de réussite des bacheliers ES, L, technologiques et professionnels, c’est-à-dire tous ceux qui n’ont pas suivi une filière S, en première année commune aux études de santé, ou PACES, et en licence scientifique avait atteint le taux de 0 % : 100 % d’échec ! La liberté absolue d’intégrer n’importe quelle formation était malheureusement, pour des milliers d’étudiants, la liberté d’échouer à coup sûr. Ce n’est évidemment pas acceptable.
En effet, l’échec universitaire avait des conséquences désastreuses d’un point de vue non seulement humain – nous en sommes tous conscients –, mais aussi budgétaire, et ce pour une raison simple : l’allongement du temps écoulé entre l’obtention du baccalauréat et de la licence réduit les capacités d’accueil à l’université.
En France, moins de 50 % des étudiants valident une licence au bout de quatre ans. Songez qu’en raccourcissant simplement la durée d’obtention des licences à trois ans et demi, les universités françaises pourraient accueillir les futures générations sans le moindre effort budgétaire.
Dénoncer l’insuffisance des moyens alloués aux universités lors de chaque projet de loi de finances, mais ne pas lutter contre l’échec universitaire : voilà un raisonnement trop impénétrable pour être tout à fait pertinent !
Pour lutter contre une telle fatalité de l’échec, la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, ou loi ORE, a surtout instauré la procédure des « oui si », qui va dans le bon sens. Mais cette première année a montré de grandes disparités dans la mise en œuvre des dispositifs d’accompagnement sans que cela soit justifié. Il paraît donc indispensable d’homogénéiser les pratiques entre les universités. Chaque établissement doit assumer son rôle d’opérateur de l’État. Chaque université doit contribuer à la réussite des étudiants en difficulté par de véritables dispositifs d’accompagnement. Surtout, pour aller au bout de la logique des « oui si », il serait souhaitable d’instaurer dans chaque filière une année propédeutique pour les étudiants qui ont besoin d’une mise à niveau. C’était d’ailleurs le sens d’un amendement déposé par le groupe Union Centriste lors de l’examen du projet de loi.
Dans l’attente d’une analyse détaillée de cette année universitaire, la première campagne a tout de même montré que les principales difficultés rencontrées se concentraient en Île-de-France. C’est d’ailleurs le sens de la mission que m’a confiée le Premier ministre sur la mobilité académique dans la région capitale. Le maintien d’un secteur de recrutement académique dans les formations parisiennes a posé de vraies difficultés. Les quotas extra-académiques ont été un frein à la mobilité : insuffisamment élevés, ils ont surtout allongé les délais d’attente pour les lycéens de banlieue et ont suscité un effet d’éviction important. Il convient de corriger cette situation en régionalisant l’intégralité des secteurs de formation en Île-de-France. Détruire complètement le « périphérique universitaire » : c’est le sens d’un débat que nous avions eu voilà un peu moins d’un an et d’une recommandation que j’ai formulée et que vous avez décidé d’appliquer dès cette année, madame la ministre.
Dans le même esprit, j’ai également recommandé de définir un taux plancher unique de boursiers dans toutes les formations d’enseignement supérieur en Île-de-France. Un seul taux, c’est la garantie d’un processus plus clair, moins bureaucratique et plus lisible. Surtout, ce taux unique garantirait qu’aucun établissement francilien n’écarte les lycéens issus de milieux modestes.
J’aimerais conclure par un constat. Trop souvent, les problèmes créés par la très forte tension de certaines formations et les déceptions qu’elle suscite sur le plan humain ont été mis sur le dos de la plateforme Parcoursup. En réalité, la tension des filières universitaires est bien souvent d’abord un problème d’orientation. Nous devons mieux orienter les bacheliers vers les filières avec les meilleurs débouchés, dans une logique « bac–3/bac+3 ».
L’offre universitaire doit mieux correspondre aux demandes des bacheliers. Rien que dans la région d’Île-de-France, il y a eu 1 325 formations où le nombre de « oui » exprimés par les candidats était inférieur aux capacités d’accueil, avec un excédent de plus de 15 000 places ! Plus de 15 000 places offertes ne correspondaient donc pas à la demande initiale exprimée par les candidats.
Parcoursup a amélioré l’accès des étudiants au premier cycle de l’enseignement supérieur, mais cette réforme positive n’est qu’un premier pas. Elle n’exonère pas le Gouvernement d’un travail, notamment sur l’offre de formation. C’est l’un des nombreux chantiers qui restent à traiter désormais pour consolider notre modèle universitaire !