Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a opéré une refonte salvatrice du système en vigueur. Près d’un an après son adoption, nous voilà de nouveau réunis pour débattre cette fois du bilan et des nouvelles perspectives offertes par la plateforme d’orientation Parcoursup, née des cendres d’APB.
Nous le savons, le chemin qui part de la réussite au lycée vers l’enseignement supérieur, puis vers la vie active est parfois semé d’embûches : manque d’information, autocensure, freins à la mobilité, manque de réseau sur lequel s’appuyer, manque de moyens économiques… Cette nouvelle plateforme permet de répondre, en partie, à ces difficultés d’accès à l’enseignement supérieur.
Il n’était évidemment pas acceptable de laisser l’orientation des étudiants entre les mains du hasard ni de laisser la sélection par l’échec régir l’entrée d’un étudiant à l’université !
Le fonctionnement de l’intelligence artificielle sur laquelle s’appuie le dispositif de Parcoursup a été éprouvé aux États-Unis, en Allemagne, en Israël et au Chili, pays qui utilisent ce même algorithme depuis plusieurs années déjà pour orienter leurs étudiants. La publication du code en open source donne déjà lieu à des propositions d’amélioration venant du grand public, contribuant à rendre le système plus intelligent, plus rapide, plus juste. Certaines formations numériques l’utilisent en exemple : c’est dire le succès de l’application et son potentiel !
Après un an, Parcoursup ne semble pas présenter de dysfonctionnement notoire, mais quelques ajustements devraient être mis en œuvre pour la prochaine session, qui démarre le 22 janvier prochain.
Le principal reproche que l’on pourrait faire porte sur la lenteur du processus, facteur d’incertitude et de stress pour les élèves et leur famille. Nous le savons, des efforts seront entrepris dès la prochaine session pour accélérer la procédure, qui sera close cette année dès le 19 juillet. En corollaire, les délais de réflexion seront réduits à cinq jours au lieu de sept pour valider les vœux, puis à trois jours au lieu de cinq à partir du 20 mai.
Plus finement, certains paramétrages seraient à revoir. Je pense par exemple à la prise en compte d’une année d’études à l’étranger comme une année de redoublement.
Si le logiciel répond de manière satisfaisante à la mission que le Parlement et le Gouvernement lui ont confiée, un débat plus profond reste latent : celui de l’égalité des chances en fonction du territoire d’origine. La difficile émancipation de la jeunesse issue de la France périphérique est trop souvent restée dans l’angle mort de l’action publique.
D’un côté, nous souhaitons l’égalité des chances. Il faut favoriser la mobilité des étudiants, quelles que soient leurs origines sociales et géographiques. De l’autre, nous instaurons des quotas de mobilité clairement désavantageux, voire ségrégatifs, selon les académies d’origine. L’ancienne plateforme APB fonctionnait sur le même principe que la carte scolaire. Si Parcoursup autorise les changements d’académie, c’est déjà un progrès qui mérite d’être souligné ; un taux minimum de 85 % de candidats du secteur est appliqué dans l’algorithme, rétrogradant dans le classement les candidats hors secteur. Mais il n’y a pas de système parfait.
Nous nous interrogeons cependant sur le bien-fondé de cette priorité académique instaurée par Parcoursup, qui nous semble aller à l’encontre des principes d’ouverture, de mobilité et de liberté de choisir son avenir professionnel prônés par le Gouvernement.
L’ambition de Parcoursup est de contribuer efficacement à l’information, à l’orientation et à la réussite des élèves, et non de restreindre leur liberté de mouvement. Instaurer des quotas géographiques, c’est contribuer à l’isolement et à l’autocensure des jeunes issus des petites villes et des campagnes. L’injustice sociale n’est pas uniquement dans les banlieues ; elle est aussi au cœur de cette France invisible dont on ne parle pas et qui vit au-delà des remparts des grandes métropoles.
Toutefois, je crois que la majorité des étudiants ne souhaitent pas changer de région. Il faudra attendre une évolution des mentalités pour que cela soit accepté, comme c’est le cas dans d’autres pays. Il faudra les y aider et les préparer au lycée.
Madame la ministre, chaque élève doit être en mesure de choisir librement son avenir, de choisir de rester ou de partir, et ce dans les meilleures conditions possible. Quelles actions concrètes proposez-vous pour lutter contre les inégalités territoriales d’accès à l’enseignement supérieur ?