Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de l’accès au premier cycle de l’enseignement supérieur, que ce soit dans le cadre des travaux de préparation de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants du 8 mars 2018 ou dans celui du fonctionnement de la plateforme Parcoursup, a fait l’objet d’un dialogue nourri avec le Sénat, en séance publique, bien sûr, mais également en commission avec deux auditions de suivi qui ont eu lieu avant et après l’été, sur l’initiative de la présidente de votre commission, Catherine Morin-Desailly.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de poursuivre ce dialogue, et je m’en réjouis. À la veille de l’ouverture de la phase de formulation des vœux sur Parcoursup, ce débat nous permettra en effet de faire ensemble le point sur les grandes évolutions que connaîtra, cette année, la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur, que j’avais eu l’occasion d’aborder avec vous, notamment lors de mon audition de l’automne.
Avant d’y revenir, je voudrais naturellement apporter quelques éléments de réponse aux questions posées à l’occasion de ce débat, à propos, notamment, du bilan de la première année de mise en œuvre de cette réforme de l’accès à l’enseignement supérieur.
Avec le plan Étudiants, le Gouvernement avait pris trois grands engagements : mettre fin au tirage au sort, remettre de l’humain dans la procédure d’accès à l’enseignement supérieur et, enfin, réduire significativement le coût de la rentrée étudiante. Ces trois objectifs ont été tenus, je n’y reviendrai pas en détail.
Le tirage au sort a bien été supprimé, les futurs étudiants ont bénéficié d’un niveau d’accompagnement inédit. Je tiens à ce propos à remercier l’ensemble des équipes pédagogiques du secondaire, du supérieur, ainsi que l’ensemble des conseillers d’orientation et les services des rectorats et des universités pour cet accompagnement. Enfin, le coût de la rentrée a été diminué de 100 millions d’euros grâce à la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante. Le Gouvernement a donc tenu ces trois engagements qu’il avait pris devant vous.
Je compléterai ce rapide constat par trois observations plus précises. Première observation : au-delà des débats que nous avons pu avoir, je constate que les lycéens se sont largement emparés de la plateforme Parcoursup. Ils ont apprécié la liberté qui leur était donnée et ils l’ont surtout et largement exercée. Je le dis d’autant plus volontiers que le calendrier global de la procédure a fait l’objet de critiques nombreuses et de ressentis négatifs, que nous avons entendus ; j’y reviendrai. Pour autant, et je veux le souligner, on ne peut pas à la fois vouloir placer la liberté de choix des étudiants au centre de la procédure et refuser que ce choix puisse, parfois, prendre du temps.
De la même manière – et vous savez que c’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’a pas souhaité rétablir la hiérarchisation des vœux a priori –, il n’y a pas de liberté de choix si l’on ne reconnaît pas aux lycéens et aux étudiants en réorientation la liberté de changer d’avis entre les mois de janvier et de juillet, d’affiner leur projet. C’est tout le sens de ce que nous avons mis en place.
Deuxième observation, cette liberté de choix n’a de sens que si elle permet à un projet professionnel de mûrir, de s’affirmer afin de lutter efficacement contre toutes les formes d’autocensure et de déterminisme. Cette liberté est directement liée aux informations et à l’accompagnement offert aux futurs étudiants.
Sur ce plan aussi, la mise en place de Parcoursup a été une vraie révolution : je pense à l’engagement des équipes pédagogiques des lycées, qui se sont impliquées sans compter dans l’accompagnement des candidats et au travail exceptionnel réalisé par les enseignants et les enseignants-chercheurs du supérieur afin de formuler, en l’espace de quelques semaines, les compétences et les connaissances attendues dans chaque formation.
J’y insiste, car les débats qui ont pu avoir lieu autour de la plateforme ont parfois conduit certains commentateurs à passer sous silence cet exceptionnel travail pédagogique réalisé par l’ensemble du corps professoral. Il me semble que, avec une année de décalage, le moment est peut-être venu de saluer et de reconnaître ensemble ce travail remarquable, car nos professeurs le méritent !
Troisième observation, avec la loi ORE, la démocratisation de notre enseignement supérieur est revenue au centre du débat, ce qui est une excellente nouvelle.
Bien sûr, cela a parfois conduit à rendre la plateforme responsable de déséquilibres ou de difficultés que notre système d’enseignement supérieur connaît depuis des années – voire des décennies. Je pense notamment, mais pas seulement, à la question de la mobilité en Île-de-France. Ce n’est toutefois pas parce que la plateforme a révélé ces phénomènes qu’elle les a créés.
Au-delà des débats que nous avons pu avoir, j’y vois, pour ma part, le signe d’une vraie transformation réalisée avec la loi ORE et avec Parcoursup, puisque nous nous sommes donné les moyens d’aller au bout de cette exigence républicaine de démocratisation. En votant la loi au Sénat, vous avez soutenu – et je vous en remercie – la mise en place d’un pourcentage minimal de boursiers dans toutes les formations, comme vous avez rendu possible la mobilité dans tous les cursus, même les plus demandés, et ouvert des droits effectifs pour les bacheliers technologiques et professionnels. Tout cela n’existait pas précédemment.
Ces outils, nous avons pu en mesurer l’efficacité : les boursiers ont été nettement plus nombreux à accéder à l’enseignement supérieur – près de 16 000 de plus –, et comme l’a souligné le rapport du comité éthique et scientifique, cette hausse ne s’explique pas uniquement par la démographie. Les effets en sont particulièrement marqués dans les classes préparatoires parisiennes.
La mobilité territoriale a, elle aussi, progressé. Le rapport du SIES donne, en annexe, tous les chiffres par académie. Plus de candidats ont fait des vœux hors de leur académie de résidence et plus de candidats ont accepté une proposition hors de leur académie de résidence. Ce n’est pas rien lorsque l’on a en tête ce que rappelait l’INSEE la semaine dernière, à savoir que les changements d’académie à l’entrée dans l’enseignement supérieur concernent seulement deux bacheliers sur dix et que ces mobilités concernent à titre principal des académies limitrophes et sont largement déterminées par l’origine sociale.
Pour cette première année durant laquelle les nouveaux outils dont nous disposons ont été mobilisés avec, néanmoins, une certaine prudence pour maîtriser les conséquences induites par tous ces changements dans une région où se concentrent toutes les tensions, le nombre de propositions faites par des formations parisiennes à ces futurs étudiants de petite couronne a très largement progressé.
Toutefois, pour la deuxième année, l’enjeu sera de passer d’une hausse des propositions à une hausse des propositions acceptées, à Créteil comme à Versailles, et nous devons comprendre pourquoi, malgré cette hausse de propositions, la hausse effective des inscrits n’est pas aussi claire que ce qu’elle aurait pu être. Cette année, 59 % des candidats entrant dans des formations parisiennes viennent, néanmoins, de Créteil et de Versailles. C’est donc un premier pas, mais nous pouvons et nous devons faire mieux.
C’est la raison pour laquelle, en accord avec la proposition de votre collègue Laurent Lafon, j’ai pris la décision, dès le 22 janvier prochain, de faire de la région Île-de-France un seul et même secteur de mobilité pour tous les candidats franciliens. Cela veut dire une chose très simple : tous les futurs étudiants franciliens ont donc une vocation égale à accéder à toutes les formations d’Île-de-France, sans distinction entre les trois académies concernées.