Intervention de Julien Bargeton

Réunion du 16 janvier 2019 à 14h30
Solidarité intergénérationnelle — Débat organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective

Photo de Julien BargetonJulien Bargeton :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier ma collègue Nadia Sollogoub pour sa présentation de notre rapport. Je voudrais pour ma part mettre quelques faits en avant afin d’engager le débat.

Une militante suédoise de quinze ans, lors de la COP24, a impressionné tout le monde en affirmant que nous étions à court d’excuses ; figure des jeunes générations, elle insiste sur l’urgence écologique. Cette urgence ne figure pas entièrement dans notre rapport, mais nous y évoquons les différences d’approche entre générations.

Mon second exemple est un clin d’œil qui n’est pas seulement ironique. Un Néerlandais de soixante-neuf ans a demandé à pouvoir avoir vingt ans de moins à l’état civil. §Il a perdu, cela lui a été refusé. Pourtant, au-delà de l’anecdote, peut-être faut-il y voir un signe des difficultés et du manque de considération dont peuvent souffrir les aînés dans le monde occidental. C’est donc aussi un appel à la solidarité intergénérationnelle.

Nous soulignons un autre élément dans notre rapport : l’idée du déclassement entre les générations. Un baromètre du CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, souvent cité, montre que 58 % des Français interrogés pensent que leurs enfants auront moins de chances de réussir qu’eux-mêmes. Cette proportion doit nous interpeller, car elle reste très haute, même si elle est en baisse : elle s’élevait à 72 % les années précédentes. Il existe un sentiment de glissement entre les générations, une crainte que nos enfants aillent moins bien que nous, à rebours de l’idée de progrès, socle des grandes démocraties.

Nous avons pu le constater récemment avec le mouvement des gilets jaunes qui a été assez peu abordé sous l’angle générationnel. Pour autant, j’estime – tout le monde, peut-être, ne sera pas d’accord – que cet aspect est bien présent. Les générations actuelles héritent d’un aménagement du territoire auquel elles n’ont pas participé, et qui engendre certains phénomènes, en particulier la concentration des emplois et des activités dans les métropoles, où certains jeunes actifs ont du mal à se rendre, du fait notamment du coût toujours croissant de l’essence et du gazole, à l’origine de ce mouvement.

Les jeunes générations ont hérité d’une organisation nouvelle du territoire qui ne les convainc plus, qui ne leur convient plus ; cela aussi explique ce sentiment de déclassement d’une génération par rapport à l’autre. Cette évolution des territoires est un élément extrêmement présent en filigrane dans notre rapport, mais aussi, même si cet angle n’a pas été le plus souvent retenu, dans la crise actuelle.

Il faut que le Sénat mette ce rapport au service du grand débat national qui s’ouvre ; il est l’une des pierres qui pourront bâtir cet édifice. Certaines de nos propositions – je ne vous les rappelle pas, vous avez pu les lire – pourront être utiles. Le Sénat est parfois vu, à tort ou à raison, comme trop déconnecté des nouvelles générations, de la génération smartphone. Ce rapport montre que nous avons des propositions à faire pour être parfaitement connectés avec ces préoccupations. C’est aussi une occasion de travailler de façon différente. On a vu la place des réseaux sociaux dans ce mouvement. Il faudra que, à terme, nous apprenions à faire mieux interagir nos rapports avec les citoyens, que nous les faisions participer à leur rédaction, que nous leur permettions de poser des questions, mais sans anonymat. Finalement, il s’agit de construire ensemble, entre les assemblées et les citoyens, des sujets qui, comme ce rapport, interpellent l’avenir.

Voilà l’optique dans laquelle j’aborde ce sujet : il n’y a pas de solidarité entre générations s’il n’y a pas de solidité de notre pacte politique.

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