Je suis heureux d'accueillir ce matin la ministre des solidarités et de la santé dans le cadre d'une audition consacrée à la sécurité des dispositifs médicaux.
L'enquête internationale « Implant Files » a relancé le débat sur les défaillances de la certification et du contrôle des dispositifs médicaux. Ce problème n'est pas nouveau : à la suite du scandale des prothèses mammaires PIP, une mission d'information du Sénat avait formulé en juillet 2012 une série de propositions destinées à renforcer les exigences de sécurité applicables aux dispositifs médicaux, en appelant à ne plus considérer les dispositifs médicaux comme des « médicaments au rabais ».
Six ans plus tard, le bilan demeure tout aussi préoccupant.
C'est pourquoi j'ai souhaité que votre audition, madame la ministre, ne soit pas tant consacrée au constat, désormais bien identifié, qu'aux réponses à y apporter. Vous avez déclaré dans une interview au journal Le Monde « Depuis des années, les implants médicaux, c'est l'angoisse des ministres de la santé. J'ai toujours entendu Xavier Bertrand et Marisol Touraine dire que leur inquiétude venait des dispositifs médicaux parce que le niveau d'exigence avant la mise sur le marché est bien inférieur à celui du médicament. Tous savent que la réglementation est insuffisamment robuste. »
Premier constat d'échec : les signalements de matériovigilance du répertoire de l'ANSM ont doublé en dix ans, avec plus de 18 000 cas en 2017. Autre motif d'inquiétude : selon l'enquête de vos services sur la traçabilité sanitaire des dispositifs médicaux implantables (DMI), moins des deux tiers des établissements de santé français disposaient en 2015 d'une procédure décrivant les modalités de la traçabilité sanitaire des DMI. Pis encore, les indicateurs de traçabilité au niveau des pharmacies hospitalières frôlaient le ridicule. Qu'en est-il aujourd'hui ? Il est temps que la totalité des établissements de santé mettent en oeuvre des obligations réglementaires introduites en 2013 !
Nous préconisions en 2012 la généralisation des registres de suivi des DMI, en s'inspirant des modèles suédois ou australien. Les registres auraient ainsi pu constituer un objet de la contractualisation entre les hôpitaux et les ARS. Pourriez-vous nous préciser si le développement de registres exhaustifs de DMI les plus à risque constitue désormais un indicateur généralisé à tous les contrats d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (Caqes) ? Il ne nous semble pas que des décrets aient été pris pour autoriser l'utilisation des données personnelles pour un suivi efficace des patients, mais peut être avez-vous des informations réactualisées à nous apporter à ce sujet. Par ailleurs, avons-nous progressé dans la mise en place de registres européens de dispositifs médicaux ?
En matière de matériovigilance, nos recommandations n'ont pas non plus été prises en compte. Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) d'octobre dernier dénonce une « surveillance passive du marché » par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avec bien souvent des données inexistantes quant au type de dysfonctionnement ou aux conséquences pour le patient. Les évaluateurs de l'ANSM travaillent à flux tendu. L'ANSM, qui a subi de fortes économies d'emplois, ne peut plus suivre dans plusieurs pans de son activité. Que comptez-vous faire pour améliorer notre système de matériovigilance ?
Enfin, la procédure de certification et de contrôle reste sans doute le coeur du problème. En cherchant à concilier innovation technologique et thérapeutique et sécurité des patients, la Commission européenne a ménagé aux industriels une importante marge de manoeuvre dans le choix de la procédure et de l'organisme notifié leur permettant d'obtenir le marquage CE, sésame pour la commercialisation des dispositifs. La révision des directives européennes sur les dispositifs médicaux intervenue en avril 2017 entend renforcer les exigences d'investigations cliniques pour les dispositifs les plus risqués mais peu semble finalement avoir été fait pour renforcer le contrôle et l'indépendance des organismes notifiés.
Quelles sont les pistes envisagées pour améliorer la pertinence et la transparence des procédures de certification et rétablir la confiance dans un marché où les soupçons de conflits d'intérêt ou de négligence entachent désormais non seulement les industriels et les autorités sanitaires mais également la communauté médicale ?
Je vous laisse la parole pour présenter les perspectives que vous envisagez pour améliorer la sécurité des dispositifs médicaux, avant que nos collègues ne vous adressent leurs questions.