Vous le savez, en novembre dernier un consortium de médias européens a rendu public une enquête sur les dispositifs médicaux et leurs conditions de mise sur le marché. Plusieurs articles intitulés « Implants files » ont été publiés, dénonçant notamment les lacunes de l'évaluation des dispositifs médicaux en Europe, la place importante de certains industriels au sein même des établissements de santé et le défaut de traçabilité des dispositifs médicaux ne permettant pas d'assurer de manière satisfaisante la matériovigilance. Ces articles dénonçaient ainsi le risque pour les patients. Les résultats de cette enquête ont suscité une grande inquiétude et des interrogations de la part des patients concernés, à commencer par les porteuses d'implants mammaires et de dispositifs pour l'incontinence.
Face à ces interrogations, les autorités sanitaires ont pris leurs responsabilités et fait le choix de la transparence. L'ANSM a notamment donné un accès total à ses données.
Je tiens donc ici à souligner et à confirmer devant vous cet impératif de transparence, pour redonner aux Françaises et aux Français confiance dans le dispositif médical.
Il est important de rappeler que nombre de dispositifs ont radicalement modifié la prise en charge des malades, en améliorant grandement leur qualité de vie, voire en les sauvant. Oui, les dispositifs médicaux sauvent des vies, mais leur efficacité et leur sécurité doivent être garanties. Ceci n'est pas discutable !
Aujourd'hui, les contrôles sur les dispositifs médicaux pour la mise sur le marché et lors du suivi doivent être améliorés. Je l'ai toujours pensé, mes prédécesseurs également. Nous devons exiger que les dispositifs à risque fassent l'objet d'une évaluation, avec des données cliniques robustes garantissant leur conformité aux exigences de sécurité et de performance.
Je souligne qu'en France, des exigences nationales permettent déjà une évaluation des dispositifs médicaux. En effet, la Haute Autorité de santé (HAS) évalue les dispositifs médicaux remboursés par l'assurance maladie en ville comme à l'hôpital pour les plus coûteux d'entre eux.
Je lui demanderai également dans les prochaines semaines de définir, en lien avec mes services, un programme d'évaluation des dispositifs médicaux pris en charge au sein des tarifs hospitaliers et présentant un profil de sécurité particulier, et ce quel que soit leur coût. La HAS évalue en effet déjà certains de ces dispositifs, elle doit donc poursuivre cette démarche en l'élargissant à de nouvelles catégories, je pense notamment aux bandelettes pour l'incontinence urinaire notamment.
Mais aujourd'hui, il nous faut aller plus loin et plus vite.
C'est la raison pour laquelle la France met actuellement tout en oeuvre au niveau national pour la mise en place du règlement européen dès 2020, qui permettra notamment : de renforcer l'indépendance des organismes chargés du marquage CE et de renforcer l'exigence de données cliniques pour les dispositifs médicaux (DM) les plus à risques.
Sans attendre l'application pleine et entière de ce règlement, j'ai souhaité mettre en place un plan d'action en urgence pour renforcer la sécurité et l'efficacité des dispositifs médicaux. Les objectifs poursuivis sont les suivants : assurer le plus rapidement possible l'adaptation du droit national au droit européen, renforcer l'information relative aux dispositifs implantables, améliorer la traçabilité des dispositifs médicaux en renforçant les systèmes qualité et de matériovigilance et garantir la transparence en matière de DM.
Pour améliorer la traçabilité et la matériovigilance, j'ai notamment demandé à mes services de publier, d'ici la fin janvier, une note d'information aux établissements avec rappel de la réglementation concernant la traçabilité. J'ai souhaité aussi qu'ils réalisent, en février, une enquête sur la traçabilité des DMI en établissement de santé afin d'évaluer la situation sur des constats précis. Nous renforcerons, dès le premier trimestre 2019, le management de la qualité et de la sécurisation du circuit du DMI à l'hôpital, comme cela a été fait pour le médicament, pour donner une dimension systémique à la sécurisation du circuit du DM. En outre, il sera procédé, au cours du 1er semestre 2019, à la rédaction d'un guide méthodologique sur l'informatisation du circuit des DMI dans les établissements de santé, permettant d'assurer l'interopérabilité des logiciels métiers et l'utilisation d'un référentiel unique des DMI.
À moyen terme (2019/2020), je rappelle que nous avons engagé des travaux pour préparer la mise en oeuvre de l'IUD (identifiant unique du DM) qui constitue un enjeu majeur dans l'ensemble des établissements de santé, afin de répondre aux exigences de traçabilité au niveau européen et de permettre une harmonisation des systèmes de codification.
J'ai également insisté, au niveau européen, sur l'urgence de la mise en oeuvre de l'IUD. Je l'ai fait lors du conseil EPSSCO (emploi, politique sociale, santé et consommateurs) de décembre et je vais écrire à la Commission européenne pour rappeler l'importance du respect du calendrier européen pour mener à bien les travaux de la base EUDAMED et le déploiement de l'IUD pour les DM.
J'en viens maintenant à l'amélioration de la transparence et la prévention des liens d'intérêts. Nous allons faire évoluer la base Transparence, ouverte au public le 26 juin 2014, en élargissant la liste des acteurs soumis à l'obligation de transparence. Je pense notamment à tous les Key Opinion Leaders numériques non médecins.
Il conviendra aussi d'accroître la visibilité des liens d'intérêts de la presse médicale et scientifique et de mettre en place une charte du DM au sein des établissements de santé, sur le modèle de celle du médicament. L'objectif poursuivi est d'encadrer l'intervention des industriels du secteur au sein de nos hôpitaux et ainsi de garantir l'indépendance de prescriptions des professionnels concernés.
Avant de répondre à vos questions, je tenais pour finir à évoquer plus précisément deux dispositifs qui ont été source d'interrogations légitimes de nombreuses patientes.
D'une part, concernant les DM pour le traitement du prolapsus (descente d'organes), j'ai demandé qu'un bilan des pratiques pour les DM soit réalisé en lien avec les sociétés savantes afin d'apprécier la nécessité d'un encadrement réglementaire des établissements de santé pour des raisons de santé publique, comme la loi le prévoit. Un premier échange a été organisé par les services le 21 décembre et l'ANSM a programmé une réunion sur le sujet le 22 janvier prochain avec l'ensemble des acteurs. Parallèlement, ces dispositifs feront l'objet d'une évaluation par la HAS dans un délai contraint de15 mois.
D'autre part, s'agissant de la survenue des cas de lymphomes anaplasiques à grandes cellules chez les femmes porteuses d'implants mammaires, j'ai saisi l'ANSM qui tiendra une réunion publique les 7 et 8 février prochains, à l'issue de laquelle elle rendra son avis. Elle a d'ores et déjà publié un point d'information recommandant la pose d'implants mammaires lisses. J'ai également saisi la HAS pour évaluer l'ensemble des techniques alternatives dans le cadre de la reconstruction mammaire postérieurement à un cancer du sein.
Vous l'aurez compris mon engagement pour la qualité et la sécurité des dispositifs est sans faille. C'est ma priorité absolue. Nous devons profiter de la séquence intervenue fin 2018 pour redoubler nos efforts et anticiper la mise en oeuvre du règlement européen. Le plan d'action que je vous ai présenté rapidement se matérialisera de manière très concrète ces prochaines semaines. Je veux qu'il soit évolutif, notamment je souhaite que les associations de patients y contribuent fortement. Il est de ma responsabilité de tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité de nos concitoyens et rétablir la confiance que nous devons impérativement avoir vis-à-vis du dispositif médical.