Nous avons publié une analyse faisant la comparaison de nos missions avec celles de nos homologues nationaux. De façon très résumée, nous avons l'habitude de classer nos missions derrière les « 3 S » : stratégie monétaire, supervision financière et service à l'économie - soit les missions du réseau. Sur les deux premières missions, il n'y a pas beaucoup de différences. Ce sont les missions obligées d'une banque centrale. En général, nous conduisons ces missions de façon plus efficace en termes d'effectifs que certains de nos voisins. La grande différence est le troisième « S », c'est-à-dire le fait d'avoir un réseau et des missions sur le terrain au service de l'économie très concrète. Voici deux exemples de différences avec des missions qui n'existent pas ailleurs, ou ne sont pas développées : j'ai parlé du surendettement des ménages, il y a également la cotation des PME. Elles sont très utiles et nous n'avons pas l'intention de les abandonner. La question est de savoir si nous les effectuons de manière efficace. Il me semble que oui. C'est également l'avis du ministère de l'économie et des finances. Ce dernier nous rembourse de frais pour ces missions, comme vous le voyez chaque année à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances. Ces frais sont en diminution.
Beaucoup de nos équivalents réalisent des enquêtes de conjoncture. Elles sont intermédiaires entre les services à l'économie et les missions monétaires. L'enquête de conjoncture éclaire beaucoup la mission budgétaire. Je me permets de plaider avec beaucoup de conviction pour le maintien de cette dernière. Certes l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en réalise une également. Mais nous sommes extrêmement complémentaires avec cette dernière, en termes d'échantillons notamment. En outre, il est important d'avoir deux éclairages différents. Je note au passage que l'enquête de conjoncture de la Banque de France a été la première à montrer l'existence d'un retournement de la conjoncture au début de l'année 2018. Elle apporte une vraie valeur ajoutée, y compris dans sa déclinaison régionale.
Les chiffres de nos réserves d'or sont publiés chaque année. Le stock d'or est d'environ 2 340 tonnes. Il n'a pas bougé depuis plusieurs années, et il n'a pas vocation à bouger. Par définition, le stock d'or ne rapporte rien, à la différence de titres que l'on pourrait acheter. Il a le caractère historique que vous avez rappelé. À l'origine, l'or servait de garantie à la valeur des billets. Vous pouviez au XIXème siècle vous présenter avec des billets à la Banque de France et obtenir de l'or en échange. Mais, en fonction des variations de l'or, ce stock a une valeur qui a plutôt tendance à augmenter au cours du temps. C'est un bon instrument de réserve.
La responsabilité du gouverneur de la Banque de France n'est pas de décider de la formule de calcul de l'épargne réglementée, elle est de l'appliquer. Dans le cadre de la réforme décidée par le ministre de l'économie et des finances, qui essaye toujours de trouver un équilibre entre les deux visages de l'épargne réglementée -la vision qu'en ont les épargnants, et celle de l'emploi qui en est fait au profit du logement social. Je ne ferai pas de commentaire sur ce point. Au sujet de votre préoccupation de protéger l'épargne populaire par rapport à l'inflation, il me semble important de développer le livret d'épargne populaire. Ce dernier garde une rémunération au moins égale à l'inflation. Il n'est pas assez développé. Il ne touche qu'une minorité des Français qui pourraient y avoir accès. Le nombre de livrets d'épargne populaire a tendance à diminuer ces dernières années. Nous sommes en train de regarder avec les banques et l'administration fiscale comment mieux développer l'information auprès des bénéficiaires potentiels.
La monnaie fiduciaire est un sujet essentiel, car la Banque de France est un acteur industriel - elle fabrique des billets, et elle est distributeur. Mais il y a une raison encore plus forte tenant à notre mission monétaire. Le fait que la monnaie fiduciaire soit accessible dans de bonnes conditions de qualité et de sécurité pour tous les Français est un élément fondamental de leur liberté de choix des moyens de paiement. Or cette liberté est essentielle pour la confiance dans la monnaie. La Banque de France n'abandonnera jamais les espèces. Nous sommes au titre de nos missions monétaires garants de la liberté de choix des Français dans leurs moyens de paiement. Nous n'avons pas à favoriser les espèces plutôt que la carte ou le paiement par mobile, mais nous devons faire en sorte que chacun de ces moyens de paiement soit également accessible, d'égale qualité et d'égale sécurité.
Nous constatons un paradoxe que vous avez relevé. La détention de billets comme instrument de réserve continue à augmenter. Par rapport à la fabrication des billets, nous avons une bonne idée de l'évolution à venir. Je note au passage qu'une partie de cette détention se passe à l'extérieur de la zone euro - en Europe centrale ou en Afrique du Nord - ce qui est souvent le cas des grandes monnaies internationales. C'est un signe de confiance dans l'euro. L'usage des espèces et sa circulation tendent à diminuer, les Français utilisent davantage le paiement sans contact. Nous notons une accélération de cette érosion depuis 2017. Néanmoins, il est très important, même si l'usage diminue, que l'accessibilité demeure. Aujourd'hui, en volume, 68 % des transactions des Français se font encore en espèces. Même si ces transactions devenaient minoritaires, il est important de conserver la liberté de choix. Vous avez évoqué les distributeurs automatiques de billets. Je propose qu'il y ait un échange technique avec la commission et Erick Lacourrège qui est à la Banque de France le responsable du réseau et des activités fiduciaires. Nous devons réaliser une cartographie aussi précise que possible de l'accessibilité de ces distributeurs. Les chiffres sont plutôt rassurants : l'immense majorité de la population française a accès à un distributeur de billets ou à un relais via un commerçant. Je proposerai un travail commun. Si nous constatons une érosion de cette accessibilité ou qu'elle ne se révélait pas être satisfaisante, nous réfléchirons au travail à mener avec la filière - les banques et les transporteurs de fonds. Nous sommes engagés à préserver la liberté de choix des moyens de paiement et donc leurs égales accessibilité, qualité et sécurité.
Vous me permettrez d'être prudent sur la dotation en réserve légale. Ce n'est pas le sujet sur lequel je me sens le plus qualifié. C'est par ailleurs un sujet essentiellement fiscal. Concernant les fonds propres des entreprises, j'ai proposé des moyens via l'affectation de l'épargne. J'émets une prudence sur la multiplication ou l'apparition de nouveaux crédits d'impôt. Nous souhaitons tous avoir un impôt avec une assiette la plus large possible.
En ce qui concerne les plateformes de prêt et le financement participatif, de manière générale, l'ACPR a eu l'occasion d'émettre un certain nombre de recommandations sur la transparence de ces plateformes, notamment sur les taux de défaut qui peuvent se produire. Il y a une défaillance d'un prêteur - Unilend - mais qui s'est passé sous un régime protégeant ses souscripteurs. Il est important que les informations publiées soient de qualité, harmonisées et fiables. Il a pu nous arriver de parler avec telle ou telle plateforme, mais vous me permettrez de garder les noms confidentiels. Les recommandations de l'ACPR sont dans l'intérêt même du développement du financement participatif qui est une idée populaire. Celui-ci ne pourra pas avoir lieu si les informations ne sont pas transparentes pour les souscripteurs.
J'ai essayé dans mon intervention, comme dans tout ce que nous disons, d'éviter tout ce qui est trop qualificatif. J'ai une conviction sur le rôle de la Banque de France. Dans nos obligations, il y a l'indépendance. Je tiens énormément à cette valeur. Il trouve que cela a été l'un des éléments centraux de la réalisation de l'euro dont nous fêtons les vingt ans. Au-delà, cette indépendance est un élément de confiance. Lorsque que nous communiquons des informations sur la situation économique, les risques financiers, les chiffres, nous le faisons car c'est notre analyse technique, et jamais pour plaire à tel ou tel, à commencer par le Gouvernement du moment. Je profite de cette audition pour le rappeler. Ainsi, il ne s'agit pas pour moi d'être « optimiste » ou « pessimiste », mais de présenter notre analyse de la situation. Lorsque nous avions publié le chiffre de croissance à 1,5 % pour 2018 en décembre, les commentateurs ont indiqué que cette prévision était inférieure à celle du Gouvernement. Elle n'était donc pas considérée comme particulièrement optimiste. Le fait que nous conservions le même chiffre confirme notre crédibilité. Mais, lors de mes propos, j'ai beaucoup souligné les incertitudes qui nous entourent.
Il n'entre pas dans les responsabilités de la Banque de France de prendre des décisions au regard des finances publiques. Cela relève de la compétence du Gouvernement et du Parlement. J'ai néanmoins formulé deux souhaits : il faut enfin arriver à la stabilisation de nos dépenses en volume. Beaucoup de nos voisins y sont arrivés. C'est la condition si nous voulons atteindre deux objectifs que l'immense majorité de l'opinion partage : faire diminuer le déficit et la dette publics d'une part, faire diminuer les impôts de l'autre. Nous ne pouvons pas maintenir des dépenses publiques en hausse et vouloir réduire le déficit et les impôts. Cela entraîne des choix politiques sur lesquels je me garderai bien de m'exprimer, à savoir les types de dépenses concernées. Dans le cas de la Banque de France, nous montrons que nous pouvons à la fois maintenir la présence territoriale, développer de nouveaux services publics et diminuer les coûts : - 8 % en euros constants sur trois ans, ce qui représente 100 millions d'euros pour le contribuable. Le deuxième souhait pour les finances publiques est qu'en 2020, passée l'année exceptionnelle de 2019 pour les raisons que j'ai évoquées, nous redescendions autour des 2 % du PIB de déficit public, si nous voulons amorcer cette décrue du ratio de dette publique.